Les prescripteurs d’achat, qui sont-ils ? Bien les identifier pour une stratégie efficace.
5,4 millions de marques étaient déposées dans le monde en 2017.
Cela représente presque deux fois plus qu’en 2012. Face à la multiplicité de l’offre, le consommateur a tendance à développer un comportement méfiant. De surcroît, parmi les produits qu’il convoite, certains sont techniques et difficiles à appréhender avec les connaissances dont il dispose.
Pour mettre fin à cette situation de doute, il peut se tourner vers un prescripteur. Ce tiers impartial et reconnu possède le savoir requis pour orienter son choix et l’aider à prendre une décision.
Pour les entreprises, s’entourer de prescripteurs est une stratégie qui, si elle est bien menée, peut s’avérer gagnante. Mais avant de bâtir une relation fructueuse encore faut-il les identifier…
A. Vers une définition des prescripteurs
1. Etymologie et définition :
D’après le Littré, le mot « prescription » provient du terme latin « praescriptio » qui est lui-même dérivé du mot « praescribo ». Le préfixe « prae » (avant, devant) est associé au mot « scribo » (écrire) et le tout signifie « écrire devant » soit « écrit en entête ».
D’un point de vue marketing, la notion de prescripteur est présente dès les années 80. Elle recouvre différentes définitions selon les auteurs et donne lieu à des théories variées. Le chercheur à avoir le plus exploré le champ de la prescription est Armand Hatchuel.
Le prescripteur est celui qui détermine les choix d'un acheteur plus que lui-même.
Le prescripteur se caractérise donc par l’influence qu’il peut exercer sur l’acheteur : c’est un tiers qui se place entre l’offreur et l’acheteur et qui va recommander l’achat.
2. Les prescripteurs, une large typologie d’individus aux caractéristiques spécifiques :
Les prescripteurs, tels que nous les définissons, ont des caractéristiques bien définies :
- Les prescripteurs sont compétents : ils ont des connaissances et des compétences particulières qui en font des experts du domaine en question. Ce sont donc les mieux placés pour formuler une recommandation.
- Les prescripteurs sont reconnus : de par la qualité de leurs compétences, les prescripteurs sont reconnus. Leur légitimité leur confère une aura positive et suscite l’approbation.
- Les prescripteurs sont indépendants et impartiaux : ils ne recherchent pas la satisfaction de leurs propres intérêts. Ils ont la capacité à se mettre à la place de leur interlocuteur pour pouvoir rechercher une solution adaptée.
- Les prescripteurs sont objectifs et critiques : les prescripteurs ont leur propre système de jugement et ne se laissent pas eux-mêmes influencer par le discours des offreurs.
- Les prescripteurs sont désintéressés : les prescripteurs ne sont pas rémunérés pour leurs conseils. L’activité de prescription n’est rétribuée que dans certains cas rares.
Les prescripteurs sont nombreux et peuvent revêtir des figures variées de la sphère publique ou privée d’après Thomas Stenger :
« Le prescripteur peut être un expert professionnel, un guide de choix, un client, un proche… »
Armand Hatchuel étoffe avec d’autres exemples :
« Certaines des premières interventions de la puissance publique, la revue spécialisée, le pronostiqueur du tiercé, le médecin, l'expert qui intervient pour l'achat d'une technologie, le critique qui a lu un livre, vu une œuvre d'art, le jury de sélection ou de remise des prix sont autant de prescripteurs s'adressant à des acheteurs potentiels. »
B. Les prescripteurs jouent le rôle d’intermédiaires dans les échanges :
Les prescripteurs facilitent la transaction entre un offreur et un acheteur. Ils ne prennent pas part à l’échange mais y sont indispensables lorsque les connaissances de l’acheteur ne lui permettent pas de se positionner. En effet, d’après Hatchuel :
« le prescripteur est un tiers (autre qu'un intermédiaire marchand) dont l’apport est une condition de fonctionnement de l'échange »
Lorsque l’acheteur est en proie au doute, le prescripteur est indispensable à l’échange et la relation tripartite offreur/prescripteur/acheteur est la seule façon de permettre à l’échange de se réaliser.
La relation tripartite offreur / prescripteur / acheteur
Les prescripteurs ont un pouvoir important sur le marché : en effet, en orientant les acheteurs vers tel ou tel offreur ou en les dissuadant de s’adresser à certains offreurs, ils en dessinent les contours. Ce sont eux qui fixent la valeur des offres et la transmettent à l’acheteur.
La prescription est-elle un ordre strict ou un simple conseil ? Pour Hatchuel, la prescription est impérative mais ceci est nuancé dans d’autres publications. Il convient également de rappeler que si la prescription est une recommandation appuyée, l’acheteur peut choisir de la suivre ou non. Ainsi, le choix final revient à l’acheteur.
C. Influencer, est-ce prescrire ?
Bien entendu il n’y a pas que les prescripteurs qui peuvent avoir une influence sur les choix du consommateur. Nous avons retenu une définition bien particulière de la prescription, il convient donc de différencier les prescripteurs d’autres sources d’influence qui n’appartiennent pas à la catégorie des prescripteurs.
- Le préconisateur : il exerce une influence plus faible que le prescripteur : il ne peut pas imposer ses choix. Il propose et suggère simplement. Les préconisateurs s’adressent souvent qu’à quelques individus, leur portée est restreinte.
Ex : les vendeurs spécialisés dans un certain rayon dans une enseigne comme la Fnac.
- L’influenceur : il a le même pouvoir faible que le préconisateur. D’ailleurs, les deux termes sont parfois synonymes. En revanche, la notion d’influenceur fait écho aux sphères digitales des réseaux sociaux. Etant donné la portée que peuvent avoir les réseaux sociaux, ils s’adressent à des groupes larges. C’est cette capacité à convaincre les foules qui les rendent importants.
Ex : Les influenceuses beauté comme Enjoy Phoenix recommandent souvent une marque en particulier.
- Le leader d’opinion : « Le leader d’opinion est une personne qui influence de façon informelle le comportement d’autres personnes dans une direction souhaitée » (d'après Eric Vernette, Laurent Flores, « Communiquer avec les leaders d’opinion en marketing : Comment et dans quels médias ? »). Les leaders d’opinion ont une audience particulière qui leur confèrent la possibilité d’exercer leur influence. Les prescripteurs sont parfois cités dans cette catégorie mais tous les leaders d’opinion ne sont pas prescripteurs.
- L’égérie/l’ambassadeur : L’égérie est une personnalité qui est une source d’inspiration pour la marque. Elle personnifie la marque en apparaissant dans les messages publicitaires. Les égéries sont utilisées pour véhiculer les messages de la marque mais n’ont aucune légitimité pour la recommander.
L’ambassadeur de marque est un client qui fait la promotion d’une marque par différents moyens. Souvent engagé dans la vie de la marque, l’ambassadeur est récompensé par des avantages comme des invitations ou des échantillons produits. L’ambassadeur est donc complètement intégré à la vie de la marque et par conséquent dépendant de cette dernière.
C. Les marchés à prescription
De nombreux marchés font appel à l’activité de prescription. Parfois le passage par le prescripteur est même obligatoire : c’est le cas des industries de santé. En effet, en France la loi interdit de promouvoir les produits de santé soumis à remboursement auprès du grand public. Toute publicité doit se faire auprès des professionnels de santé – qui jouent le rôle de prescripteurs – par l’intermédiaire des délégués médicaux.
Exemples :
- Marché de l’édition : les enseignants sont prescripteurs pour les ouvrages scolaires auprès des établissements.
- Marché de la finance : les conseillers financiers ou gestionnaires de patrimoine conseillent les propriétaires.
- Marché du BTP : les architectes ou maîtres d’œuvre préconisent telle ou telle société pour entreprendre les travaux.
- Marché de l’audiovisuel : les acteurs qui proposent des abonnements sont des prescripteurs pour les chaînes télévisées commerciales.
- D’un certain point de vue, on peut considérer le métier de consultant comme un métier de prescription.
Sources :
Stenger, Thomas. s. d. « La prescription dans le commerce en ligne : proposition d’un cadre conceptuel issu de la vente de vin par Internet », Revue Française du Marketing, Paris : A.D.T. d’exécution et de l’exploitation des études de marché, 2006
Hatchuel A. – « Les marches à prescripteurs, crises de l’échange et génèse sociale » dans Verin H. et Jacob A., L'inscription sociale du marché, Paris, L'Harmattan (1996), p. 205-225
Hatchuel, « Connaissances, modèles d’interaction et rationalisations - De la théorie de l’entreprise à l’économie de la connaissance » Revue d'économie industrielle n°88, 2ème trimestre 1999, p. 187-209.
Stenger s. d. « Prescripteur et prescription en marketing, une revue de littérature », 2017.