Construire et mettre en oeuvre sa stratégie relationnelle prescripteur
Un des biais réputés du « marketing classique » est de ne s’intéresser qu’à l’acte de vente. Cette vision basée sur l’angle marchand de la relation offreur/client se prive d’un aspect important : la construction d’une relation stable dans le temps.
Pour les entreprises, s’entourer de prescripteurs (tiers qui recommandent l’achat) est une stratégie qui, si elle est bien menée, peut s’avérer gagnante. Investir dans une stratégie relationnelle dédiée aux prescripteurs a en général un effet positif sur les ventes et la confiance en la marque notamment.
Mais comment entretenir une telle relation ? Comment mettre en œuvre des actions relationnelles efficaces et adaptées à ces clients aux caractéristiques spécifiques ?
A. Définir sa stratégie relationnelle :
Une entreprise qui a mis en place un CRM appliqué aux prescripteurs définit des objectifs pour faire progresser sa marque et doit s’interroger sur la façon de les réaliser.
Il existe différentes façons de faire progresser sa marque en se basant sur la gestion de la relation des clients prescripteurs. Une entreprise pourra rechercher l'augmentation de son chiffre d'affaire car l'on sait qu'une bonne gestion de la marque et de la relation aux prescripteurs entraînera la décision d’achat des consommateurs finaux et donc l’augmentation des ventes. Elle pourra également ambitionner d'augmenter la visibilité de sa marque. Les clients prescripteurs ont effectivement un fort impact sur la perception de l’offre par les consommateurs mais aussi sur leurs pairs.
En conclusion, voici ci-dessous quelques raisons qui peuvent pousser une entreprise à vouloir élaborer une stratégie relationnelle :
- Renforcer la notoriété de sa marque : être présent à l’esprit du prescripteur comme le principal acteur du marché.
- Renforcer le capital de sa marque : améliorer la perception qu’ont les prescripteurs de la marque pour les amener à la recommander plus souvent.
- Miser sur l’ADN de marque : s’appuyer sur un historique fort.
- Bien positionner sa marque : avoir un positionnement distinct des concurrents et cohérent.
- Disqualifier les concurrents : persuader les prescripteurs de la supériorité de la marque vis-à-vis de ses concurrents en développant un avantage concurrentiel.
Une fois définis, ces objectifs vont déterminer la stratégie relationnelle. L’entreprise doit alors établir la stratégie qu’elle souhaite mettre en place. En général, on cite souvent 3 types de stratégies liés aux processus prioritaires qui peuvent être mis en place conjointement[1] :
- Stratégie de recrutement : il s’agit d’aller chercher de nouveaux prescripteurs et de les faire passer du statut de prospect à client. Cette stratégie impose de se comparer à ses concurrents et d’essayer de s’en démarquer pour les disqualifier.
- Stratégie de rétention / développement : il s’agit de conserver les prescripteurs le plus longtemps possible c’est-à-dire augmenter sa durée de vie du prescripteur (faire en sorte qu’il recommande le produit dans le temps).
- Stratégie de reconquête : il s’agit de reconquérir les clients perdus.
Enfin, les stratégies précédemment citées supposent que l’entreprise a choisi une certaine manière de segmenter ses clients.
B. Mettre en place des actions :
Les données sur les clients ont permis à l’entreprise offreuse de mieux les connaître, de les segmenter et d’élaborer une stratégie client : elle doit désormais passer à l’action. Quelles sont les opérations à planifier afin d’atteindre les objectifs définis par la stratégie client ?
1. Adapter son marketing-mix :
Le marketing mix offre une palette d’outils profitables à la relation client. En effet, dans une entreprise relationnelle, ces politiques product, place, promotion et price sont fortement orientées vers le client. Ces composantes devront être gérées de manière efficace et en accord avec la stratégie client.
- Le produit :
Le produit est l’élément physique qui matérialise l’offre. Dans un contexte de forte concurrence, le produit doit présenter un avantage par rapport aux autres. Le produit est fréquemment à l’origine de la consultation du prescripteur par l’acheteur : il s’agit souvent d’un produit complexe que l’acheteur ne comprend pas bien et pour lequel il a besoin du décryptage du prescripteur. Un premier écueil serait d’orienter son offre produit vers le prescripteur uniquement car il ne faut pas oublier que c’est l’acheteur qui l’utilisera.
De même, l’offre doit rester lisible du prescripteur : s’il ne comprend pas bien le positionnement du portefeuille de produit par exemple, il lui sera difficile de donner des explications claires au consommateur et de surcroît de recommander le produit. Les caractéristiques techniques doivent être accessibles du prescripteur car elles lui seront familières.
Enfin, il est intéressant de solliciter les prescripteurs dès les phases de développement du produit. Cela permettra de créer un produit qui colle au mieux aux attentes des consommateurs finaux et qui comportent des caractéristiques avantageuses aux yeux du prescripteur.
- La stratégie de communication :
Nous l’avons vu, la difficulté de proposer un produit à deux types de cibles réside dans le fait que l’offre doit être lisible par les deux parties. S’il s’agit du même produit, la communication en revanche doit être différente : on ne s’adresse pas de la même manière à son prescripteur qu’à son acheteur.
Quelques règles générales qui peuvent s’appliquer à une stratégie de communication offreurs/prescripteurs :
- Ne pas communiquer uniquement sur le produit mais mettre en avant l’image de marque.
- S’adapter aux habitudes de la cible (Quel est le canal préféré de ma cible ? Quel support utilise-t-il ? Quel message vais-je transmettre ? Quel ton employer ?).
- Mettre en place un environnement multicanal : le prescripteur peut être capté via différents canaux qu’il faudra exploiter selon ses préférences (les médias de masse sont inadaptés pour toucher les prescripteurs : il faudra s’orienter vers la presse et les sites spécialisés par exemple).
- Créer une interaction construite et personnalisée : chaque prescripteur doit se sentir unique. La relation doit être entretenue : l’entreprise offreuse doit prendre l’initiative de recontacter le prescripteur pour le tenir aux courants des nouveautés.
- Utiliser la bonne pression commerciale (ceci est à relier aux habitudes : par exemple, un médecin généraliste aura peu de temps à accorder aux délégués pharmaceutiques).
La communication auprès des prescripteurs est souvent plus technique, il s’agit d’experts qui comprendront des arguments plus poussés. Les informations doivent être suffisamment claires pour permettre l’appropriation du message par le prescripteur : il joue le rôle de relai de communication auprès des acheteurs. Les échanges interpersonnels entre prescripteur et acheteurs auront plus d’impact sur le comportement d’achat qu’une simple communication publicitaire tournée vers l’acheteur[2].
Pour autant, il est important de rappeler l’importance de continuer de promouvoir le produit auprès des clients finaux : il faut se faire connaître de l’acheteur. L’information doit circuler entre offreurs, prescripteurs et acheteurs : l’acheteur entend parler du produit et sollicite le prescripteur et/ou le prescripteur introduit le produit à l’acheteur qui l’a sollicité pendant ses recherches. Une bonne communication doit pouvoir rendre ces échanges fluides.
Au niveau événementiel, il peut être judicieux de participer aux événements où de nombreux prescripteurs sont réunis (dans le domaine médical congrès médicaux, les salons du livre pour les auteurs…)
- La distribution :
Le produit doit être facilement accessible du prescripteur et des acheteurs. L’entreprise offreuse diffuse souvent des échantillons aux prescripteurs afin de leur permettre de tester le produit. Elle doit également faire preuve « d’intelligence opérationnelle »[3] : elle doit optimiser les flux logistiques pour être capable de suivre les retombées des recommandations des prescripteurs (l’achats des consommateurs).
Dans le domaine médical notamment, la distribution repose en grande partie sur la force de vente. En allant à la rencontre des prescripteurs, ils font vivre le système de données et le complètent. Ils appliquent sur le terrain la stratégie relationnelle et sont garants d’une bonne relation avec les prescripteurs. Il est évident qu’ils doivent être formés et parler le même langage que le prescripteur. L’argumentaire de vente doit être en personnalisé en fonction du type d’interlocuteur.
- Le prix :
Les définitions académiques que l’on a détaillées dans nos articles précédents sont catégoriques : le prescripteur n’est pas acheteur (et donc indépendant). Dans ce cas, les auteurs s’accordent pour dire que même si le prescripteur pas le produit, il y est sensible. En effet, un prix jugé trop élevé pour l’acheteur le dissuadera de le recommander. Ainsi, l’entreprise offreuse doit adapter son prix d’une part à la valeur de son offre et d’autre part au pouvoir d’achat de la cible du consommateur.
Dans la réalité, le prescripteur n’est-il jamais acheteur ? Le prescripteur est parfois un commercial (à l’image du pharmacien par exemple : ce dernier achète des médicaments à un laboratoire pour les revendre à sa patientèle. Il a un pouvoir d’influence – conseil et switch éventuel – ce qui fait bien de lui un prescripteur). Dans ce cas, le prescripteur obtient des avantages à revendre le produit et la relation client prescripteur revêt alors des aspects financiers. L’entreprise devra alors mettre en avant des arguments financiers pour convaincre le prescripteur comme par exemple, une marge élevée, une politique commerciale avantageuse…
2. Analyser et améliorer le parcours et les expériences des clients prescripteurs :
Le parcours client est « un parcours dans le temps avec une entreprise (customer journey) pendant la totalité du cycle d’achat (avant, pendant et après) sur l’ensemble des points de contact »[4].
L’expérience client est « le vécu propre à chaque client, sa perception rationnelle et émotionnelle construite progressivement tout au long de sa relation avec sa marque »[5].
Un parcours client fluide mènera à une expérience client positive : il est donc important de modéliser puis analyser les parcours des clients prescripteurs.
Le prescripteur n’achète pas le produit, en revanche, il est important pour lui que le parcours client de l’acheteur se réalise de façon fluide (l’acheteur fera appel au prescripteur à l’étape de recherche d’information, si le reste se passe mal, il risque de considérer que le prescripteur l’a mal conseillé).
Le prescripteur a son propre parcours client engagé avec l’offreur qui s’entremêle à celui de l’acheteur : ce parcours se réalise en plusieurs étapes :
- Le prescripteur identifie un besoin pour l’acheteur
- Les offreurs présentent leur offre
- Intérêt pour une certaine marque
- Décision de recommandation
- Retour de la part de l’acheteur qui a décidé de procéder à l’achat : si l’acheteur est satisfait, le prescripteur recommandera à nouveau.
Les offreurs doivent ainsi répertorier l’ensemble des points de contacts pour repérer les plus efficaces.
L’objectif pour l’entreprise offreuse est de proposer une expérience client avec le prescripteur la plus réussie et mémorable possible afin d’augmenter la satisfaction et d’encourager la fidélité.
Une des premières difficultés vient du fait qu’une expérience client prescripteur n’est pas une expérience d’usage : la proposition doit donc se faire autour du service proposé par l’entreprise.
Quelques bonnes pratiques pour améliorer l’expérience client :
- Proposer une prise en charge sans faille : être disponible, transparent, réaliser un suivi des échanges.
- Personnaliser l’expérience client : proposer des parcours différents selon les appétences sans oublier les canaux digitaux.
- Ecouter les feedbacks : il s’agit de comprendre les éventuelles insatisfactions du prescripteur et de mettre en place des actions pour éviter qu’elles se renouvellent. S’ils prescrivent une autre marque, pourquoi le font-ils ?
- Susciter des émotions : une entreprise offreuse innovante aura la capacité d’étonner et sûrement d’enchanter son client prescripteur.
Sources :
[1] F. Jallat, E. Peelen, E. Stevens, P. Volle, « Gestion de la relation client : expérience client, performance relationnelle et hub relationnel », 5e édition, Pearson, 2018
[2] Holmes J.H. et Lett J.D. “Product sampling and word-of-mouth”, Journal of Advertising Research, 17, october, 35-40, (1977).
[3] F. Jallat, E. Peelen, E. Stevens, P. Volle, « Gestion de la relation client : expérience client, performance relationnelle et hub relationnel », 5e édition, Pearson, 2018
[4] Katherine N. Lemon & Peter C. Verhoef, “Understanding Customer Experience Throughout the Customer Journey”, Journal of Marketing : AMA/MSI Special Issue ISSN: 0022-2429 (print) Vol. 80 (November 2016), 69–96 1547-7185 (electronic) American Marketing Association, 2016
[5] L. Deslandres, « Management de l'expérience client », Broché, 2015