Les “Question Marks” de The Why Factor Company N° 3 : Échanges autour des tendances et enjeux 2021 avec Lionel Cuny, CEO of @Insign-Agency
Quelles sont les tendances 2021 au niveau de votre marché et de vos clients ?
Difficile d’avoir des données fiables sur notre marché, car aucun institut d’étude ou d’analystes ne sait vraiment estimer les tendances d’évolution des investissements marketing et communication des entreprises. Ça en dit long sur notre marché et son rapport aux prévisions économiques. Les seuls indicateurs que nous avons sont les investissements publicitaires, qui devraient être fortement à la hausse (9/10 %), mais après une baisse d’autant en 2020. Les entreprises sont dans une dynamique offensive et ne veulent plus subir la situation. Elles ont fait le dos rond et réduit les budgets en 2020 pour préserver leur rentabilité mais il semble que cette année elles soient résolument plus tournées vers la nécessité de développer la top line. Beaucoup d’entreprises se sont rendus compte de leur retard digital et que les roadmaps de transformation n’étaient pas au bon rythme. Beaucoup d’entreprises cherchent à accélérer pour continuer à développer leurs revenus malgré la situation. Que ce soit les ETI, comme les grands groupes, qui n’étaient pas les plus en avance par ailleurs. La communication interne a pris aussi une importance toute particulière, parce que le travail en distanciel, requière une communication plus régulière, plus spontanée, moins maîtrisée et surtout plus humaine. Dernière évolution, l’importance des enjeux Positive Impact. Les entreprises ne sont pas crédibles encore, malgré de fortes attentes des citoyens à leur égard pour changer les choses. Les fonctions marketing et communication doivent aussi faire leur révolution et aborder ces enjeux de manière renouvelée. Il ne s’agit pas d’une Flavour de plus, d’une gamme de plus, ou de déclaration. Il s’agit d’être crédible et donc authentique. Il faut que nous professionnels nous repensions notre manière de faire, d’agir, de promouvoir ces sujets pour que les marques et les entreprises soient récompensées de leurs efforts et créent de la préférence. 1/3 des consommateurs déclare avoir arrêté d’acheter ou d’utiliser des produits qui n’étaient pas respectueux de l’environnement. C’est une tendance de fond qui va durablement changer le business des marques. Et ceux qui ne prendront pas de l’avance seront rapidement en retard.
Quels sont les principaux enjeux internes et externes à venir pour les entreprises (interne/externe) ?
Sans surprise, l’enjeu prioritaire est le retour à la normale. Un normal qui est différent, forcément. Pour la première fois de l’humanité, on se rend compte que travailler, ne signifie plus être dans un lieu physique spécifique. Bien sûr, cela ne concerne pas tous les métiers et toutes les industries, mais c’est un profond changement qui va s’opérer. Il pose la question de la formation de la culture de l’entreprise, de ses rites, de ses codes. Il y a de nombreux collaborateurs qui ont rejoint leur nouvelle entreprise sans n’y avoir jamais mis les pieds. Ils n’ont pour certains jamais rencontré physiquement leurs collègues, leurs pairs ou leurs équipes par exemple. Le management va devoir aussi évoluer. Les fameux diptyque Confiance / contrôle ou le mode commande / contrôle voit leurs fondations s’écrouler. Les process aussi doivent évoluer, car ils étaient fondés sur une réalité principalement physique. C’est une nouvelle manière de penser l’entreprise qui va s’imposer. Et l’enjeu de la culture, du leadership, de la motivation, de la confiance et de l’organisation de l’entreprise sont pour moi le principal enjeu. People First. Company second. La clé de la réussite repose sur la performance humaine avant tout. Le deuxième enjeu, est pour moi, celui de la créativité, de la capacité à saisir de nouvelles opportunités et à faire pivoter des modèles qui étaient très ancrés dans le physique, et finalement peu digitaux. Il y a eu plus de 3 millions de nouveaux clients sur Internet depuis 1 an. Et la très très grande majorité, ne reviendra pas en arrière. La distribution par exemple, sil elle bénéficie du contexte de restriction, va devoir faire repenser son modèle. Tout comme le tourisme, qui paie son ultra dépendance aux plateformes, ou encore les entreprises dans le B2B qui doivent repenser leur manière de faire du commerce, faute de pouvoir d’une part faire des rendez-vous physiques, et d’autre part de ne plus pouvoir participer aux nombreux salons professionnels qui ne peuvent plus se tenir. Le troisième enjeu, c’est celui de l’efficacité de la dépense marketing / communication qui n’est pas assez objectivée. Depuis 50 ans, les entreprises coupent les budgets quand les temps sont durs et ouvrent les vannes en période de croissance. C’est contre intuitif comme raisonnement, parce que le marketing et la communication sont des vrais leviers de croissance. C’est l’inverse qu’il faudrait faire. Comment on en arrive là ? Parce que personne ne sait vraiment modéliser d’une part les impacts à venir en termes de création de valeur, quelles sont les corrélations entre les différents leviers développés, quels sont les variables exogènes qui ont le plus d’impact, quel est le bon arbitrage entre des investissements sur le haut du tunnel ou le bas, c’est-à-dire entre notoriété et acquisition. Le récent scandale Uber qui s’est rendu compte que les 2/3 de ses investissements marketing n’avaient aucun impact sur la génération de top line, est inquiétant. Le marketing doit faire sa mue, pour être capable d’objectiver son impact à l’avance et de prouver sa création de valeur.
Comment gérez-vous l’incertitude liée au contexte économique / sanitaire actuel ? Quels seraient les freins à une relance soutenue ?
Je vois plusieurs freins. D’abord financier, avec ce mur de dette que les entreprises vont devoir escalader. Il risque de freiner la capacité de se réinventer et d’investir des entreprises pour faire face aux deux grandes révolutions en cours. La digitalisation de notre économie d’une part et le positive impact d’autre part. Ce dernier va être transformatif, autant que le digital. En premier lieu sous l’effet de la régulation, ensuite de l’opinion publique et de plus en plus du consommateur qui attend non seulement des produits à impact positif, mais que les entreprises derrières les marques soient exemplaires en matière de RSE. Les « front runner » seront avantagés et bénéficieront d’un avantage compétitif majeur. L’incertitude fait partie intégrante des données, et les entreprises se sont habituées à faire avec cette incertitude. Mais ce qu’elles changent, ce sont les prévisions et l’anticipation, qui reposent sur des modèles prédictifs basés sur le passé. L’IA apporte des solutions, mais il lui reste à apprendre à modéliser les « accidents » comme celui que nous traversons. Les plus en avance, comme Uber, utilisent d’ailleurs l’IA pour prédire et ne se contentent plus de faire des exercices sur la base du N-1. Leur trajectoire d’hyper croissance nécessitait une nouvelle approche du reporting financier et l’anticipation des volumes d’affaires à venir de manière beaucoup plus précise, en modélisant tous les paramètres et en apprenant de leurs expériences d’implantation dans les nouvelles villes.
Avec le COVID et la mise en place du télétravail, avez-vous lancé une réflexion sur l’organisation du travail et la place des locaux d’entreprise à l’avenir ?
Oui nous réfléchissons au sens des lieux, c’est-à-dire, pourquoi revenir travailler au bureau si c’est pour faire ce que je peux faire chez moi, ou si c’est pour échanger avec des collègues ou clients à distance. Les bureaux devront être fait pour la collaboration physique qui s’avère beaucoup plus efficace qu’en virtuel, ils devront inspirer aussi et permettre de gérer beaucoup mieux les pics et les creux de présence. Une entreprise, c’est avant tout un collectif et il a besoin de se réaliser par une présence et des échanges physiques. L’homme est avant tout un animal social, c’est ce qui le rend plus intelligent que tous les autres mammifères. Le sevrage de relation humaine est aussi dangereux que la privation de nourriture. Mais nous ne pourrons plus faire comme avant et juste se dire, que l’on vient au bureau pour travailler.
Précis, argumenté, complet, clair et éclairant. Merci Lionel Cuny
Insign CEO - Co Founder The Why Factor Company
3 ansMerci Jean-Noel Brouchud pour m’avoir permis de partager mon analyse.