Les réseaux sociaux ou le tribunal des émotions

optimistic and unpopular opinion du dimanche matin d’un thérapeute qui observe quotidiennement les dégâts psychologiques des réseaux sociaux

On est tous d’accord pour dire que les réseaux sociaux ont transformé la manière dont nous communiquons, donnant naissance à un nouveau phénomène : le tribunal des émotions. Cette arène virtuelle, où les jugements sont rendus à la vitesse d'un clic, reflète un mélange complexe de libération de la parole et de jugements précipités.

D'une part, la capacité de partager librement nos pensées et expériences est précieuse. Elle a ouvert la voie à des mouvements importants, permettant aux voix marginalisées de se faire entendre. On citera tous les « MeToo ». Cette libération de la parole est un pilier de notre société moderne, encourageant la transparence et la solidarité.

Cependant, cette médaille a son revers. La rapidité avec laquelle les informations circulent peut transformer une simple expression d'émotion en un jugement public massif. Les réseaux sociaux, agissant comme un tribunal émotionnel, peuvent parfois oublier la nuance et la complexité des situations humaines. Une accusation, un commentaire, une parole rapportée ou même un malentendu peuvent rapidement se transformer en condamnation, sans espace pour le dialogue ou la réflexion.

Ce phénomène est exacerbé par le fait que nous vivons dans des temps incertains, où l'anxiété et l'insécurité façonnent nos interactions. Cette atmosphère, combinée à l'anonymat relatif que proposent les plateformes en ligne, peut encourager un comportement impulsif et parfois destructeur. La vengeance, la colère et la frustration trouvent un exutoire facile dans ce tribunal sans visage, où les conséquences semblent lointaines.

Les individus se retrouvent jugés non pas sur des faits vérifiés, mais sur des perceptions et des émotions brutes. Cette dynamique peut non seulement détruire des réputations et des carrières en un instant, mais elle peut aussi avoir un impact profond sur le bien-être émotionnel des individus impliqués.

Ce phénomene mène aussi, trop souvent, à du cyber-harcèlement. Lorsque les émotions prennent le dessus, la frontière entre un débat enflammé et un harcèlement nuisible devient floue. Les individus, souvent cachés derrière l'anonymat que leur confère internet, se sentent libres de déverser des commentaires agressifs ou malveillants. Ces actions, qui peuvent sembler anodines pour celui qui les commet, ont un impact profond et durable sur la vie des personnes ciblées, exacerbant les effets destructeurs de ce tribunal des émotions. Le cyber-harcèlement n'est pas simplement un inconvénient de notre ère numérique ; c'est une manifestation toxique de la manière dont la culture du jugement instantané peut dégénérer en abus réels.

Alors, comment naviguer dans ce tribunal des émotions ? La clé pourrait résider dans un retour à l'empathie et à la réflexion. Avant de partager, commenter ou juger, il est crucial de prendre un moment pour réfléchir à l'impact de nos mots et actions. Se rappeler que derrière chaque écran se trouve une personne réelle, avec ses propres luttes et histoires. Se demander, simplement, ce que notre commentaire, notre expression émotionnelle négative va nous apporter dans notre vie réelle.

Aujourd’hui, beaucoup d’entre-nous pensent que ce tribunal des émotions peut remplacer la délibération soignée et équilibrée du système judiciaire français ( ok, encore trop long et trop complexe.. )..

En tant qu'adultes, nous sommes les modèles pour nos enfants, façonnant leur perception du monde et de la manière dont ils interagissent avec autrui. Il est de notre responsabilité de réfléchir à l'héritage que nous souhaitons leur laisser. Cela implique d'incarner et de promouvoir des comportements modèles en ligne qui reflètent respect, empathie et réflexion.

À chaque fois que vous postez quelque chose de négatif, demandez-vous : et si c’était mon enfant qui était la cible? Est-ce que j’aimerais qu’il reçoive le commentaire/ message que je m’apprête à poster ?

Bon dimanche