Les requins masqués : la lutte finale.
Une enquête du célèbre détective indépendant, Charles Hockolmes, racontée par son assistante le docteur Jeanne Ouatesonne. (8ème partie)
Mon ami Charles Hockolmes était disposé à ce que je publie quelques confidences sur son enquête ce qui ne s’était plus produit depuis plus de six mois malgré les différents échanges que nous avons eu sur les nombreux événements qui ont marqué l’actualité.
J’avais réservé une table dans une guinguette éphémère située dans le quartier Saint-Cyprien. Comme nous étions en avance, nous nous sommes installés à la terrasse du bar qui fait face à la Galerie du Château d’Eau.
Après quelques échanges de banalités, je me suis hasardée à lui demander s’il avait fait quelque chose pour le 14 juillet.
- Non, ma chère Ouatesonne. Rien, tout au moins tel que vous l’entendez. Je ne goûte pas à ce type de festivités, car je suis préoccupé par d’autres sujets qui pourraient compromettre nos plans.
- Je croyais votre plan infaillible.
- Aucun plan ne l’est, car tout dépend de notre collectif, des conditions de jeux et des événements extérieurs. Même si j’ai une totale confiance en notre stratégie et nos capacités de réactions, je suis un peu stressé, car nous entamons la lutte finale.
- Je croyais qu’elle était déjà commencée, Hockolmes ? Vous n’évoquez pas vos adversaires, les requins masqués comme vous les appelez. Seraient-ils le cadet de vos soucis ?
- Nous nous sommes préparés et je crains moins l’adversaire que les événements extérieurs. Comme ce moineau qui n’arrête pas de tourner autour de nos têtes.
Deux ou trois oiseaux, bientôt rejoints par deux pigeons, s’étaient mis à s’approcher avec insistance de notre table sur laquelle ils n’hésitaient pas à monter, probablement attirés par nos cacahuètes.
Aucun de nos gestes ni nos injonctions ne semblaient pouvoir contrarier leurs ardeurs et ils revenaient sans cesse de tous côtés comme dans ce film de Hitchcock.
Nous avons fini les cacahuètes et les volatiles se sont dispersés alors que la patronne du bar venait encaisser nos boissons :
- « Dégagez bandes de piafs ! » Leur cria-t-elle. « Désolée, mais des clients leur donnent à manger alors ils en ont pris l’habitude. »
C’était l’heure de notre réservation et j’étais bien contente de quitter cet endroit avant une nouvelle attaque aérienne.
Hockolmes me pris le bras et me dit avec un air circonspect :
« Avez-vous vu, Ouatesonne, l’affiche de la galerie du Château d’eau ? ».
Il s’agissait de l’exposition actuelle d’un collectif de photographes avec une immense chouette. Elle avait pour titre : « Les oiseaux ».
- Décidément, nous sommes poursuivis. Dis-je.
- Ou bien, c’est un signe de plus pour nous inciter à rester vigilants.
Quelques instants plus tard, nous étions installés à notre table dans la cour d’une école de coiffure transformée en guinguette durant les vacances d’été.
- Alors quels sont les sujets qui vous préoccupent, Hockolmes ?
- Nous sommes le 17 juillet, date du soulèvement nationaliste en Espagne, il y a 86 ans. L'échec de cette tentative de coup d'État militaire fut à l'origine du déclenchement de 3 années de guerre civile, se soldant par la défaite de la République espagnole et l'établissement de la dictature franquiste, qui dura 36 ans avec toutes les souffrances et les déchirements que l’on connaît. Je crains que nous ne soyons pas à l’abri de ce type d’épisodes sanglants alors que nous sommes à l’aube de grands changements qu’ils pourraient compromettre.
- Sur quoi vous appuyez-vous pour craindre une révolution alors que bon nombre d’observateurs considèrent les Français comme des moutons résignés et inoffensifs ?
- Le terrain est propice, nos gouvernants semblent ne pas avoir écouté les différentes manifestations, plus ou moins pacifiques, ainsi que les revendications des gilets jaunes, du personnel de santé, des défenseurs du climat, des retraités, des femmes, des anti-pass sanitaire, etc. si bien que 2 Français sur 3 rêvaient d’un « no pasarán » qu’ils n’ont obtenu que relativement par voie électorale.
Le président a défilé sous les sifflets et je pense que la colère s’est emparée de ceux qui n’ont pas été écoutés. Comme vous le savez, la colère est mauvaise conseillère.
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De plus, chacun sait que la période à venir sera moins confortable que celle qui vient de passer alors qu’elle a déjà laissé de cruels souvenirs ainsi que des plaies non encore cicatrisées. Je crains le bien-fondé de ce que disait Jean Dufaux, un auteur de BD :
« Donne au peuple du pain et des jeux, il ne se révoltera pas. Donne-lui la peur et l'inconfort, il se baissera pour prendre un pavé au sol. »
Vivre dans la peur, vos moutons, mon cher Docteur, s’y sont presque habitués, mais certains s’agitent aux cris des loups, car ils n’ont plus confiance au berger ni en ses chiens. Bon nombre bêlent déjà avant qu’ils ne se rebellent, car ils ne supporteront pas l’inconfort et certainement que les brebis se battront pour celui de leurs agneaux.
- Je comprends tout à fait votre métaphore, Hockolmes, et je partage en partie votre analyse. En revanche, je suis un peu déçue par votre plaidoyer anti-gouvernemental, moi qui vous croyais apolitique. Est-ce vraiment cela que vous souhaitez voir publié dans mon article ?
- Vous y mettrez la tournure qui vous convient et je vous confirme ne pas prendre de parti en politique. Je ne m’intéresse qu’aux faits et à leurs probables conséquences aussi, je ne porte aucun préjugé sur les responsabilités de chacun. Elles seront établies quand ce sera l’heure. Je souhaite seulement prévenir plutôt que guérir, ce qui est plutôt votre domaine, Chère Docteur.
Ce n’est pas non plus le moment de chercher à savoir qui est collaborateur ou qui est résistant. Chacun doit devenir un guerrier de la paix et faire de son mieux en son âme et conscience là où il peut agir. Ce que je voudrais dire à vos lecteurs, c’est que c’est le moment d’avoir du courage ainsi qu’une certaine patience, car, bientôt les masques vont tomber.
Le guerrier de la paix peut être faible, mais il n’est pas lâche. Il peut être violent, mais il préfère la non-violence, car il a du courage.
- C’est du Gandhi que vous me chantez-là ?
- En quelque sorte, disons que je l’interprète à ma façon.
- Si je comprends bien, vous vous attendez à ce que tout le monde devienne gardien de la paix pour éviter des joutes sanglantes, voire une guerre civile dont l’issue serait incertaine et potentiellement pire que ce que l’avenir nous réserve.
- C’est exact, à ceci près que j’ai parlé de guerriers de la paix et non de gardiens qui eux sont censés protéger les moutons contre les loups. Mais, s’ils le souhaitent, ils peuvent entrer aussi dans cette nouvelle confrérie.
Cette confrérie des guerriers de la paix constitue une union entre des êtres humains (h), symbolisée par U h. Selon une célèbre devise, ils agissent seuls « un (h) pour tous (les autres h) » ou ensemble « tous (les h) pour un (h) ».
Les guerriers de la paix de l’U h ne font pas de distinction entre êtres humains (h) pour mener leurs actions.
L’ensemble U h des guerriers de la paix deviendra, en grandissant, l’ensemble ℍ celui d’une nouvelle Humanité.
- Et vos requins masqués et leurs pléiades de sous-fifres corrompus et mal intentionnés dont vous m’avez parlé, croyez-vous sérieusement qu’ils vont se convertir en guerriers de la paix ?
- Pas tous évidemment, mais certains sont déjà infiltrés, comme il y en aura dans l’U h.
- Et comment allez-vous nous en débarrasser ?
- Élémentaire, ma chère Ouatesonne, je vous ai déjà donné tous les indices que vous avez publiés dans vos précédents articles. La partie est bien engagée, c’est tout ce que je vous dirai aujourd’hui. Votre prochain article sera le dernier concernant les requins masqués. Dans cet épilogue, vous pourrez narrer cette lutte de l’ombre.
- Un dernier indice, pour nos lecteurs, s’il vous plaît !
- Remontez au tout début !
- A mon premier article ?
- Il le faudrait, mais c’est du début de notre soirée dont je vous parlais.
Nous étions tranquilles, rappelez-vous, rien ne pouvait nous arriver. C’était sans compter sur ces bestioles qui semblaient affamées et qui s’en sont prises à nous.
- Vous parlez de ces oiseaux qui ont pris de mauvaises habitudes et qui se sont rué sur nous pour quelques cacahuètes.
- C’est cela même, ma chère amie.
Hockolmes tira sur sa pipe avec un plaisir évident. Je savais qu’il ne me dirait plus rien concernant cette histoire. En rangeant mes notes, je me suis demandé ce que j’allais bien pouvoir raconter à mes lecteurs. J’attendrais demain pour le savoir après tout même le soulèvement nationaliste en Espagne ne s’est pas fait en un jour.