Les syndicats ne sont pas le problème, mais la solution
Le projet de loi Pacte est une occasion à saisir pour renforcer la place des syndicats dans les entreprises. Le modèle de co-détermination fonctionne outre-Rhin, pourquoi pas chez nous ?
Francis Mer, ancien ministre de l'économie, rappelle qu’en 1945, les alliés, dans le but d’affaiblir durablement l’Allemagne, ont décidé de lui imposer la décentralisation de l’état (les landers) et la co-détermination dans les entreprises (la cogestion). On en voit le résultat aujourd’hui. Ce qui devait affaiblir ce pays l’a renforcé. La décentralisation, en rapprochant le politique des citoyens, et la cogestion, en faisant travailler ensemble patrons et représentant des salariés, ont renforcé la confiance. Or la confiance est à l’origine à la fois du bien être et de la performance. C’est donc l’intérêt de tous de la renforcer.
Dans le même temps, la France se débat dans une ambiance de défiance généralisée qui nous épuise ; dans la sphère publique, au niveau social, dans les entreprises, et même dans la sphère privée (20% des français font confiance à leurs voisins, contre 80% des danois).
Dans les entreprises, un cercle vicieux est à l’œuvre. Le faible taux de syndicalisation (11% des salariés) accentue artificiellement le poids des syndicalistes les plus contestataires. Les patrons sont donc peu enclins à donner aux syndicats toute leur place. Même si l’évolution de la représentativité des organisations syndicales est favorable aux syndicats réformistes, elle est très lente. Si rien ne bouge, nous sommes condamnés à continuer à avancer pendant de nombreuses années avec des semelles de plomb.
Comment sortir de cette situation ?
Renforcer l’implication des salariés et le rôle des syndicats dans l’entreprise est une des clés. C’est un facteur de cohésion sociale.
Martin Richer propose trois dimensions pour une co-détermination à la française :
· Au niveau micro, la tâche : Promouvoir l’autonomie et le dialogue professionnel au niveau des équipes.
· Au niveau méso, la coopération : Favoriser le fonctionnement des Institutions Représentatives du Personnel (IRP) et de la négociation collective.
· Au niveau macro, la gouvernance : Renforcer la présence des administrateurs salariés dans les Conseils d’Administration.
Le rôle des syndicats de salariés est majeur aux trois niveaux, même s’il est plus important aux niveaux méso et macro. Les associer fortement à la marche de l’entreprise c’est favoriser, comme en Allemagne ou dans les pays nordiques, une attitude plus responsable de leur part.
Dans le même temps, il faut agir sur le taux de syndicalisation ainsi que le taux de participation aux élections professionnelles pour assurer une meilleure représentation de toutes les sensibilités syndicales. Renforcer le rôle des syndicats comme décrit plus haut est l’une des voies. Une autre serait de confier aux syndicats un rôle économique et social plus fort, en renforçant leur rôle dans la distribution des œuvres sociales par exemple.
Une mission porteuse d’espoir
La mission confiée à Jean-Dominique Senard et Nicole Notat en préparation de la loi PACTE est l’occasion de formuler des propositions allant dans ce sens. Il est intéressant de rappeler que Jean-Dominique Senard a engagé le déploiement d’une co-détermination chez Michelin aux trois niveaux décrits plus haut. Au niveau micro, en diffusant massivement un modèle d’autonomie des équipes, au niveau méso, en renforçant la négociation collective autour de l’avenir des sites, au niveau macro, en faisant rentrer un administrateur salarié au conseil de surveillance de l’entreprise alors que le statut juridique de son entreprise (commandite) ne l’y contraignait pas. Le parcours de Nicole Notat dans ce cadre n’est pas moins notable avec son passage à la tête de la CFDT (syndicat dont on connaît l’activisme sur ces trois niveaux de la co-détermination), et son rôle dans le domaine de la RSE à la tête de Vigeo.
On attend de cette mission bien plus qu’un travail sur l’objet social des entreprises ; on attend des dispositions concrètes sur la co-détermination qui soient un signe de confiance envoyé aux représentants des salariés, et qui contribuent à la transformation radicale du dialogue social en France. Nous en avons furieusement besoin !
Original de l'article publié sur Le Cercle Les Echos