Les utopies du XXIè siècle
Les utopies du XXIè siècle est le dernier essai de Libero Zuppiroli aux Editions d'en bas. Comme le dit la 4ème de couverture de son livre, Il est un observateur (et acteur) de la vie universitaire européenne dont il n'est pas certain qu'elle suive la juste voie... Il a déjà publié aux Editions d'en bas en 2010 (2014) Une utopie universitaire.
Sans jugement, il expose les faits et les met en résonance avec les écrits de philosophes et les scientifiques des siècles passés, il permet ainsi une lecture entre les lignes de ce que sont les utopies du XXIè siècle. De la ville intelligente connectée, de la médecine personnalisée et le corps connecté, au monde entièrement robotisé, tout y est décrit, non pour nier ou combattre le développement technologique, mais pour y présenter sa démesure, sa surchauffe et comprendre les intérêts cachés des "big data".
Je prendrai l'exemple de sa réflexion sur la "santé parfaite" qui est prônée actuellement. Il présente ainsi le fait que tout nous incite à mesurer de façon continue notre activité, à rendre nos "profils santé" accessibles, à détailler nos mouvements, notre alimentation, nos exercices, tout doit y être répertorié, accumulé, accessible, dans le but de pouvoir analyser (par des robots médecins), anticiper, traité préventivement afin de vivre mieux et plus longtemps... plus heureux? et finalement pour quelle finalité?
Il écrit:
Les espérances de vie ont-elles augmenté pour autant ? Si on se réfère aux statistiques européennes, on trouve par exemple que dans les pays où la crise sociale est plus profonde, comme la Grèce, le Portugal et le Royaume-Uni, le nombre d'années de vie en bonne santé a diminué de deux ans entre 2008 et 2014. Tout se passe comme si les conditions de vie, la qualité de l'alimentation et les niveaux de stress avaient presque autant d'importance pour définir la bonne santé des populations que la qualité des soins hospitaliers et des traitements médicaux. On s'en serait douté.
Et à la question, que l'on pourrait se poser, à qui profite tout cela si finalement nous n'en retirons pas de bonheur ou une vie en bonne santé plus longue, Libero Zuppiroli relève simplement un chiffre :
Grâce à de nouveaux entrants, notamment ceux des technologies de l'information et de la communication, le marché de la santé est maintenant évalué à 9590 millards de dollars. C'est presque dix fois plus que le marché pharmaceutique en 2011 : mission accomplie.
Et que dit-il de la face sombre d'internet?... Pour cela je vous encourage à lire son livre mais il attire l'attention sur le fait que de vouloir augmenter indéfiniment la connectivité du réseau sans tenir compte des besoins matériels incompressibles de celui-ci et de la situation déplorable du monde du travail, peux paraître problématique, à moins que l'on s'en tienne à la stratégie du business as usual, et après nous, le déluge.
Finalement la question est posée, souhaitons-nous succomber au discours utopique sur les avantages incontestables d'une société où tout deviendrait plus facile, plus rationnel, mieux ordonné et qui de plus s'imposerait à nous comme une fatalité inéluctable? Ne serions-nous pas alors ceux et celles dont les machines disposent pour le compte et le profit de ceux qui disposent des machines dans l'aveuglement le plus complet et la destictruction de la Terre Mère? Big data ou sobriété heureuse (si il est encore temps qu'elle le soit)?
Pour toutes ces questions et bien d'autres, Les utopies du XXIè siècle aux Editions d'en bas est une lecture accessible et enrichissante.