Les « visites accompagnées » en protection de l’enfance, une mission de plus en plus dévolue aux MECS.
Comment développer des outils efficients, pour favoriser le travail avec les familles
Dans le cadre de nos missions de protection de l’enfance et en fonction des ordonnances de placement judiciaire, les maisons d’enfants sont de plus en plus souvent amenées à mettre en place des « visites accompagnées » enfants / parents, fratries, enfants / grands parents etc…. et ce malgré les baisses de budgets significatives qui touchent de nombreuses structures.
Dans ce domaine, la sémantique est importante, aussi nous parlons bien de « visites accompagnées » et non pas de « visites médiatisées » nécessitant elles des professionnels formés spécifiquement. Mais peu de maisons d’enfants disposent dans leurs équipes de professionnels diplômés pour la médiation. De plus, bornées dans la rythmicité et dans la durée, le contenu de ces visites est quant à lui souvent abstrait car, les objectifs de travails sont rarement énoncés. Le Projet Pour l’Enfant (PPE) de l’aide Sociale à l’enfance (ASE) doit au minimum orienter les actions en nommant clairement les notions de danger. Seulement, dans les faits la seule chose réellement définie est le calendrier des rencontres.
Fortes de ce constat, les maisons d’enfants se retrouvent souvent seules avec les familles pour définir les axes de travail des « visites accompagnées ». Ainsi, la mise en place d’un « service famille » au sein de la MECS du Château de lorry, nous a permis de professionnaliser les actions d’accompagnement et de définir dès l’admission nos axes de travail. Les objectifs sont élaborés sur la base du PPE (quand il existe), des ordonnances judiciaires et sont contractualisés au travers du Projet Personnalisés d’Accompagnement (PPA) du jeune. Cependant, comment évaluer la pertinence des actions, et comment construire un accompagnement efficient lors de visites durant de 1 ou 2 heures par semaine, par quinzaine ou par mois ?
Aussi depuis 3 ans, afin de travailler sur les relations intrafamiliales, d’effectuer un soutien renforcé à la parentalité et ajusté aux besoins singuliers de l’enfant et de sa famille, nous organisons des « Week-end Famille » en lieu neutre 4 à 5 fois par an. L’objectif est réellement d’être dans un accompagnement et une observation fine des compétences parentales, de dégager des axes de travail fondamentaux à mettre en œuvre pour limiter les situations et comportements à risque.
Afin de préparer au mieux ce séjour, un entretien avec chaque parent et chaque enfant est mené par le service famille. Ces rencontres permettent d’identifier les besoins de chacun et d’aborder les éventuelles craintes face à ces « retrouvailles » d’une vie quotidienne. En effet, certaines familles n’ont plus partagé de quotidien depuis de nombreuses années. Aussi, ces temps préparatoires ont pour objectifs de rassurer parents et enfants, de baliser le déroulement du week-end et d’expliquer le cadre d’intervention des professionnels. L’achat des courses alimentaires est à la charge de chaque famille et marque ainsi l’investissement aussi financier dans la gestion des enfants
Les objectifs principaux du projet sont :
- Evaluer et observer les relations intrafamiliales
- Accompagner le lien parent/enfant
- Travailler la communication parent/enfant
- Travailler la place de chacun dans le système familial
- Réassurer les familles dans leur rôle parental
- Permettre d’activer l’auto-résolution des difficultés
- Partager un moment chaleureux de vie
- Et tout autre objectif définit avec la famille
Nous avons fait le choix de prendre le « risque » de sortir de l’institution pour que le travail se réalise dans un lieu neutre non marqué par les murs de l’établissement…. La mise en œuvre de ce projet est donc possible par la location de plusieurs gites indépendants et attenants à la charge de la maison d’enfants. Ainsi, afin de permettre aux familles des moments d’intimité, les temps forts de la vie quotidienne sont partagés de manière autonome sur chaque bungalow avec des interventions très régulières des professionnelles. Des temps d’activités communs sont organisés afin d’affiner l’observation et de créer ainsi une dynamique de groupe.
CONCLUSION :
La mise en place d’un projet tel que celui présenté nécessite bien évidemment l’accord du juge des enfants et de l’Aide Sociale à l’Enfance. Aujourd’hui, grâce à notre partenariat ces 2 instances reconnaissent l’intérêt de ce projet et le plébiscite.
En effet, par le biais de cette mise en situation de responsabilité, les parents bénéficiaires de cet accompagnement ont verbalisé avoir davantage confiance en eux et ainsi retrouver un peu « leur rôle de parents ». Nous avons pu découvrir des compétences familiales qui ne sont pas observables dans le cadre des visites accompagnées (contexte différent, lieu neutre, durée) notamment dans la gestion du quotidien, du rythme de vie et des besoins primaires (repas, douche, coucher, les courses alimentaires).
Certains enfants ont pu exprimer leurs satisfactions à bénéficier d’un temps de vie familiale et de pouvoir s’apercevoir de l’évolution rassurante de leurs parents. Cependant, il convient de rester attentif aux projections que cela peut induire chez l’enfant et bien clarifier dès la mise en œuvre du projet les objectifs visés. Il faut tout de même rester vigilant car ce dispositif n’est pas adapté à toutes les problématiques familiales.
Si la mise en œuvre est parfois complexe, de nombreux enfants et parents ont pu bénéficier de droits plus élargis suite aux avancées induites par ce temps d’accompagnement et d’observation plus conséquent (visites non accompagnées, droit de visite et d’hébergement).
Cette expérience « familiale, humaine et professionnelle » favorise une continuité dans le travail d’accompagnement mené par l’établissement tant auprès des familles que des enfants qui nous sont confiés.
Directrice de l'EHPAD de HOENHEIM (anc. Les Mésanges)
7 ansinitiative très intéressante !