Les zones aveugles du manager HPI : l’impatience
Dans mon article d’avril dernier, je vous parlais des zones aveugles des managers HPI : attitudes inadaptées voire dures, difficultés à expliquer leurs cheminements intellectuels, à ne pas larguer leur entourage avec leur vitesse, à convaincre de la pertinence de leurs idées originales, créativité débordante qui confine parfois à l’éparpillement. Dans mon article du 24 septembre dernier, je vous évoquais de façon plus détaillée le haut niveau d’exigence : je vous propose aujourd’hui d’aborder une autre zone aveugle du manager HPI, qu’est l’impatience.
Les HPI ne se perçoivent pas comme différents
Comme je l’ai déjà souligné, les HPI ne se perçoivent pas comme différents, malgré le fait qu’ils ont ce sentiment permanent de décalage par rapport aux autres. Pourquoi ?
Etant non conscients de leur différence, ou cherchant à faire comme si, ils ne peuvent pas imaginer que leur rythme naturel très élevé soit anormal, trop élevé pour la plupart des gens, et en particulier pour leurs collaborateurs.
L’impatience est la manifestation concrète d’un écart de vitesse
Si vous êtes habitué à conduire de façon dynamique, et à démarrer promptement au feu, vous serez sans doute agacé d’être confronté à des conducteurs beaucoup moins réactifs. Si vous êtes habitué à dialoguer et échanger avec des personnes vives d’esprit, il vous sera probablement plus difficile d’écouter pleinement et avec patience des personnes qui ont une réflexion et/ou élocution plus lente ou laborieuse. Dernier exemple : les jeunes générations habituées à zapper et à faire 3 choses à la fois ont aussi du mal à se concentrer longtemps sur un seul sujet.
Il en va de même pour le manager HPI, dont le cerveau en ébullition permanente ne peut se satisfaire d’un rythme trop lent pour lui. Par empathie pour ses interlocuteurs, il pourra faire des efforts un certain temps, mais rapidement il devra exprimer son besoin d’accélérer. S’il ne le peut pas, ou s’il sent que cette accélération serait malvenue, la frustration générée provoquera presque toujours un agacement.
Pour un manager HPI, plus l’écart en termes de vitesse de réflexion et de compréhension avec ses collaborateurs est élevé, plus ce manager aura du mal à s’adapter durablement à cette situation, quand bien même il (elle) a une grande capacité d’adaptation.
L’impatience ne se tarit pas avec l’expérience, au contraire
De façon contre-intuitive, l’impatience du manager HPI ne se calme pas avec l’expérience ou avec l’âge. En effet, cet agacement de ne pouvoir avancer, combiné à un sentiment d’impuissance – tout comme un automobiliste coincé dans les bouchons – ne pouvant pas s’exprimer pour rester « politiquement correct », ne fera que s’accentuer avec le temps : les émotions qui ne sont pas exprimées s’amplifient et deviennent plus incontrôlables avec le temps.
Mon expérience personnelle de manager
Lorsque j’étais directeur du pôle entrepreneuriat à la CCI d’Ille et Vilaine, je devais conduire une transformation du métier de conseiller à la création d’entreprise, les faisant muter d’une posture de conseiller à une posture plus de coach (en développant leurs aptitudes d’écoute), pour faire simple.
Cette transformation étant très profonde, elle nécessitait de laisser du temps à tous les collaborateurs, au-delà de la formation que nous avions prévue, de s’approprier la démarche, de lever leurs propres freins au changement, et de cheminer à leur propre rythme.
Mais au lieu de laisser ce temps à mes équipes, j’ai voulu aller plus vite que la musique, ce qui a provoqué d’autant plus de réactions négatives ou de peurs. Mon intention était pourtant louable : je pensais juste qu’une fois les choses expliquées, chacun s’engagerait dans la démarche. J’avais juste oublié que mon rythme n’est pas le leur.
Recommandé par LinkedIn
Mon expérience de coaching d’une manager HPI dans le domaine IT
J’ai accompagné il y a quelques années une manager au sein d’une entreprise de technologies du numérique. Elle s’y trouvait comme un poisson dans l’eau car justement, ce type d’entreprises a besoin d’évoluer vite et d’être en continu à la pointe dans son domaine, et les talents qui y sont recrutés sont souvent des personnes aimant le changement et la vitesse.
Mais cet environnement propice a aussi ce qui lui a causé un biais cognitif : étant entourée majoritairement de personnes rapides comme elle, ou pas trop éloignées de sa vitesse, elle a fini par penser que c’est son rythme qui était normal. Une fois confrontée à quelques personnes moins rapides qu’elle, elle leur a inconsciemment mis une pression croissante pensant qu’ils étaient anormalement lents.
Elle ne pouvait avoir cette prise de conscience sans un observateur extérieur : grâce au coaching, elle a changé son attitude, et surtout a organisé son service autrement pour ne plus être en management direct de collaborateurs trop éloignées d’elle en termes de vitesse.
La non prise en considération des feed-back de votre entourage
En général, votre entourage vous dira que vous allez vite, parfois trop vite. Mais vous ne l’entendez pas car selon vous c’est une vitesse normale. Avec le temps, même vos collaborateurs les plus hardis arrêteront de vous le dire voyant que cela n’a que peu d’effet sur vous, ou un effet trop éphémère.
Quant à vos hiérarchiques, ils sont souvent trop heureux que vous conduisiez les projets et les changements à haut rythme, pour vous le faire remarquer, à moins que cela ne provoque trop de problèmes managériaux. Et dans ce cas le message ne sera peut-être pas aussi clair.
Quelles solutions pour sortir de cette zone aveugle ?
Par peur des impacts pour eux-mêmes, ou par lassitude, ce ne sont pas les autres qui vont vous aider à prendre conscience des choses. Vous devez donc prendre conscience, par vous-même, de cette différence fondamentale par rapport à la majorité des autres, dans vos modes de fonctionnement. Et en particulier dans votre haute vitesse.
Une grande particularité des HPI, c’est justement le refus de voir l’évidence : ils ont de vraies différences de modes de fonctionnement. La clé pour sortir de ses zones aveugles réside donc d’abord dans la prise de conscience des choses. Pour certains de mes clients, c’est grâce à leurs enfants qui ont été détectés, et qui par effet miroir leur renvoient cette révélation.
Une fois cette prise de conscience faite, l’étape d’après est l’acceptation, et c’est loin d’être simple. Et souvent, se mêle à cette question le sujet des émotions : comme je l’écrivais plus haut, l’impatience est signe de frustration, qui à la longue, provoque la colère. Or cette émotion est la plus inacceptable dans notre société, et il est souvent difficile de la nommer. Sans ce travail personnel sur les émotions, impossible d’avancer sur cette question de l’impatience.
Pour en savoir plus sur ce sujet, suivez mon webinaire du mardi 30 janvier prochain à 18h00.
Pour ne rien perdre de mes articles à ce sujet : abonnez-vous à ma newsletter
Ou suivez mon profil.
Cyril Barbé
Éducatrice spécialisée
11 moisMerci pour cette article qui résonne tellement fort en moi .... impatience et colère ce soir ....a la sortie du travail.... j'avais probablement besoin de lire cela ce soir....merci c'est toujours un plaisir de suivre et lire vos articles
Déclencheuse d’action | Choix de Vie pro | Politique Parentalité | Accompagnement Conseil Formation
11 moisBien vu !
Expert en Normes IFRS - DEC (Diplôme d'Expert-Comptable)
11 moisMerci Cyril pour cet article tellement parlant !
Risk & Insurance Manager at Stellantis | Essec Executive MBA Candidate | Associate in Risk Management | LLM Insurance Law
11 moismerci Cyril, très intéressant comme d'habitude.
Je suis partageur de succès🏆 = J'aide les gens motivés à avoir des réussites personnelles🥇 ou professionnelles🎖️ parce que je souhaite vivre dans un monde plus positif.
11 moisJe confirme et j'infirme ton article. Dans la partie de mon métier où j'accompagne des reconversions professionnelles, je commence toujours par faire faire le même exercice (on va dire les bases d'une étude de marché quantitative). Quand je l'ai fait moi-même, j'ai terminé l'éxercice, le lendemain de sa présentation en quelques heures de travail. C'est vrai que je suis parfois horrifié de voir que certains n'arrivent pas à compléter l'exercice au bout de 2 à 3 semaines. Mais d'un autre côté, avec le temps (et la connaissance de moi) j'ai compris que ma vitesse de réalisation n'est pas la vitesse "normale" (Ceci dit, ceux qui ne parviennent pas à réaliser l'exercice, disons dans le mois, je sais que je ne vais pas avoir envie de travailler avec eux. Ça nous permet de gagner du temps eux et moi 🤣 )