Commentaires du 18 sept 2022

[Rappel : Cette rubrique fonctionne sur une base simple ; elle reprend des commentaires que j’ai pu faire de « commentaires » proposés par mes étudiant.e.s à l’occasion de différents travaux en cours de formation.]


Extrait 1 -> Quelle expérience préalable pour diriger ? Réponse à une étudiante « cadre de santé » préparant le Cafdes

RB -> L’illustration que vous développez dans votre commentaire sur la base de votre expérience personnelle de « cadre de santé » met en avant la problématique classique, mais oh combien récurrente ! de la filiation entre expérience de base du métier et expertise à commander, à encadrer, à diriger… 

Bien entendu, deux thèses s’opposent : 

[1] L’absence de continuité des rôles : le manager pourrait n’avoir aucune expérience ni même aucun savoir préalable du terrain sur lequel il prétendrait exercer son « autorité » ; 

versus

 [2] L’expérience de la base donnerait en quelque sorte une légitimité naturelle à commander…

Il est clair que ni l’une, ni l’autre de ces deux postures ne sont acceptables. 

[1] L’injection de « cadre manager » ayant pour tout bagage des pseudo-théories de management et des techniques de chef supposément exportables dans tout contexte est évidemment une absurdité si l’on considère ce que « culture de métier » et de « champ professionnel » veulent dire !! Il est évident que cette pratique moderne qui a été expérimentée dans le secteur social et médico-social assez tôt par exemple dans les CAT (ESAT). On y a recruté en poste de directeur des cadres commerciaux ou des professionnels issus d’entreprises de production n’ayant parfois aucune connaissance du handicap et du champ médico-social. Cela a principalement conduit à faire perdre toute identité médico-sociale (c’est-à-dire à dénier la dimension d’institution de soin) aux CAT-ESAT ainsi dirigés ! Aussi de là à dire que les usagers y ont gagné !! 

[2] À l’inverse, l’idée selon laquelle l’expérience d’un terrain à partir de positions « basses » serait en quelque sorte suffisante en elle-même à équiper la personne de compétences à commander, à encadrer, mais surtout à diriger, est tout aussi absurde !! L’expérience ne fait savoir que pour autant qu’elle est élaborée* ; et la fonction de direction ne saurait être abordée sans avoir été mise en réflexion par celui qui y prétend ! Hélas, la réalité du terrain démontre que cette exigence réflexive est souvent délaissée au profit d’une formation technique exclusive. C’est l’un des enjeux de votre formation CAFDES où l’on voit couramment les étudiants réclamer avec insistance de renforcer les aspects « techniques », voire parfois clairement demander qu’on abandonne toute référence non immédiatement « utiles » dans leur technicité de Directeur (du moins telle qu’ils se la représentent !). C’est ainsi qu’il y deux ans la promotion de CAFDES avait demandé à voir supprimer le cours de sociologie et le cours de philosophie politique pour renforcer les entraînements à l’épreuve de Gestion Fi… CQFD…

* Brizais R. (1998). L’expérience, du savoir à former. L’accueil familial. Édition IPI, n° 6, décembre.

Extrait 2.1 -> Ne pas confondre contrôle et maîtrise…



« À travers la construction du compromis, le dirigeant a besoin de montrer qu’il maîtrise la situation et qu’il garde la main, qu’il reste en quelque sorte celui qui dirige et non celui qui est dirigé. Cette idée me semble être un aspect essentiel lorsque l’on occupe une fonction de direction. » 

RB -> OK, mais il faudrait ne pas confondre « contrôle » et « maîtrise » qui sur le plan psychique n’ont pas le même sens, du tout ! Et ne font pas courir les mêmes risques de déviance au sujet qui les recherche !! Le contrôle va dans le sens d’une juste adaptation aux conditions réelles de son existence ; la maîtrise reste du domaine du fantasme…

Extrait 2.2 -> Stratégie et ménagement

« Il semble qu’avoir toujours en tête ce qu’il vise (finalité) et ce vers quoi il souhaite aller, peut aider le dirigeant à orienter ses choix et prendre des décisions. Au-delà de l’orientation qu’il souhaite donner, il me semble essentiel que le dirigeant ne perde jamais de vue que l’établissement social ou médico-social qu’il dirige a pour mission de répondre aux besoins des usagers et que ceux-ci peuvent évoluer, ce qui nécessite de re-questionner le projet (et la finalité) au moment opportun. » 

RB -> Là il s’agit d’une question de « stratégie » ; voir Clausewitz… Il faut garder en tête l’« orientation » de son action, et ne pas confondre tactique et stratégie ! Cela permet par exemple d’accepter de ne pas se battre sur tout, de savoir renoncer sur une bataille pour mieux gagner la « guerre », de ne pas confondre le temps du présent et le futur visé, bref d’introduire dans son « management » du ménagement de soi et des autres !

Extrait 2.3 -> Pour en finir avec l’idée que le changement serait positif pendant que le maintien (le fait de tenir à quelque chose) serait « conservateur » (ringard…)

« Dans les choix qu’il fait, le dirigeant peut alterner entre l’introduction de changements dans l’organisation (position réformatrice) ou le maintien du fonctionnement existant (position conservatrice) »

RB -> C’est critiquable, car trop binaire ; en effet cela signifierait que tous les changements seraient « progressistes », là où dans le domaine du management par exemple ceux que l’on nous propose actuellement sont franchement des régressions (par rapport entre autres à des conditions de travail en place ou des stratégies de soin en cours !). Par ailleurs poser comme une évidence que le maintien d’un fonctionnement serait forcément « conservateur », n’est que la même idée en miroir, tout aussi fausse au demeurant. Tout dépend en effet de l’évaluation qui est faite au temps du dit-fonctionnement ! Pourquoi faudrait-il changer des choses qui marchent bien en ce sens qu’elles réalisent les orientations que l’on a déterminées et répondent de manière suffisante [qu’elles sont « suffisamment bonnes » pour reprendre cette formule souvent mal comprise de notre cher Winnicott !] aux attentes et besoins de ceux qu’elles concernent ?

Frédéric REBOUX

Directeur - Pôle Adultes 44 APF FRANCE HANDICAP

2 ans

Merci pour ces partages.

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