L'esport est-il un sport ?

Combinaison de « e » et de sport, commençons par le mot “sport”, tellement utilisé qu’on en oublie son étonnante utilisation. En effet, il peut désigner une finale olympique de tennis autant qu’une balade en vélo, de courir sur un tapis de gym, soulever des altères ou encore faire une partie de football entre amis au terrain du coin.

Il apparaît donc que la catégorisation des activités doit se faire autour de l’action physique qu’il engendre. Évidence pour certains qui se délimite pourtant de façon assez imprécise au regard de son apparition. Si l’on se fie à l’un des hommes les plus impliqués dans la réhabilitation des Jeux Olympiques modernes, Pierre de Coubertin, la définition est celle-ci : « est le culte volontaire et habituel de l’exercice musculaire intensif incité par le désir du progrès et ne craignant pas d’aller jusqu’au risque ».

A cette définition, Nicolas Besombes rétorque que : « La définition reste vague, comme entourée d’un brouillard de connotations moralisantes et psychologisantes. L’homme qui a pourtant consacré sa vie à l’instauration de puissantes institutions garantes de la légitimité des règles sportives et de leur système compétitif reste muet sur ces éléments.

"Le terme accepte donc de nombreuses significations, il est polysémique. » Pierre Parlebas ajoute même que le mot est pansémique ce qui signifierait donc qu’il peut avoir toutes les interprétations possibles.

Si l’on se lance dans l’analyse de son étymologie le mot “desport” est apparu en France au 8ème siècle et signifie à l’époque « l’ensemble des moyens grâce auxquels le temps passe agréablement : conversation, distraction, badinage aussi bien que les jeux ». Le mot se transformera en “sport” un siècle plus tard lorsqu’il arrivera en Angleterre sous la forme d’un verbe “to sport” qui évoque les divertissements des notables et autres classes sociales supérieures.

Son sens le plus proche de notre société moderne apparaît au 13ème siècle sous cette définition : « la pacification progressive des mœurs et l’acceptation du principe d’alternance des vainqueurs tant dans l’hémicycle que dans les stades ».

Lorsque le sport revient finalement en Europe au XIXe siècle, le terme est chargé de sa signification britannique et renvoie aux manières hyper-codifiées de se divertir de la noblesse et de la bourgeoisie. Le sport est fondamentalement le reflet de la culture qui l’a vu naître, une création sociale, historiquement datée et située.

Il est évident que la délimitation et l’exactitude de la signification du sport n’est pas tâche aisée, il aura donc fallu attendre les années 60 et le travail de Jacques Defrance dans la sociologie des sports, 1995 pour que les définitions des experts évoquent le sport comme une activité “contextuelle, et révisable au cours du temps”. Une définition plus nuancée qui prend de la distance avec l’aspect purement physique de la pratique.

George Magnane en parle dans Situation du loisir sportif dans la culture contemporaine comme « une activité de loisir dont la dominante est l’effort physique, participant à la fois du jeu et du travail, pratiquée de façon compétitive, comportant des règlements et des institutions spécifiques, et susceptible de se transformer en activité professionnelle ».

De cette définition nous pouvons donc faire la transition avec celle de Parlebas qui évoque une « situation motrice d’affrontement codifiée, dénommée “jeu” ou “sport” par les instances sociales » c’est lui aussi qui établira la condition d’être un sport comme suit : l’activité ou jeu doit être “de nature motrice, elle est réglementée, donne lieu à la compétition et se manifeste par une prise en compte institutionnelle”. Dans ce cadre sémantique à géométrie variable, pouvons-nous en déduire si oui ou non l’esport mérite bel et bien son nom ?

La question moderne de l’esport comme un sport amène à répondre à des questions bien plus anciennes sur la définition actuelle du sport. Les définitions Coubertines du sport révèlent le caractère atavique de l’homme à vouloir créer des héros, des combattants, des dieux la ou il ne devrait y avoir que des hommes sportifs. L’aspect physique et mental des athlètes semblent devoir dépasser les plus belles projections de l’homme pour atteindre un niveau de puissance égal aux prédateurs évoluant entourés de bêtes sauvages. Celles que l’homme a combattu aux premières heures de son adn, suivit de guerres à main nus, puis de guerres à l’arme blanche pour enfin finir par des guerres modernes. Le sportif semble incarner cet homme du front, à la puissance supérieur et aux compétences guerrières et meurtrières. Si l’on observe les discipline olympiques actuelles, le lancer de javelot, la lutte, l’escrime, le lancer de poids, il est difficile de passer à côté de leur représentation guerrière et cela fait se poser la question du sens que l’on a donné au sport. Dans nos sociétés modernes, il n’existe pas de mot pour définir une activité intense intellectuelle régit par des règles si ce n’est le jeu. Comment nommer les échecs ou le golf un jeu alors même qu’ils nécessitent des années d’entrainement, des heures de compétitions sans pause, des formats de compétitions sur plusieurs jours et donc une endurance mentale, psychique, psychologique et physique hors du commun ? La, repose toute la complexité de la sémiotique, l’étude des sens par la définition, lorsqu’elle même n’est plus actuelle.

Questionner la définition même du sport nous amène à entrevoir le futur héros que sommeil dans le sportif ou l’esportif, de la même façon que le sport à créer des héros, l’esport créera, peut être, des supers héros. La réalité augmentée qu’amène les technologies d’hologrammes, comme celle sur laquelle travaille Magic Leap, peuvent amener l’esport à une représentation physique de performance inhumaines. Des joueurs pourront peut être incarner des sportifs extraordinaires, matérialisés en hologrammes, diffusés dans des stades à échelles humaines, pour offrir des spectacles dignes de Marvel ou DC comics. La ne sont que des projections, cela étant si l’on envisage l’esport comme domaine d’avenir, soutenu par une économie viable, remplissant des stades, avec des stars en puissance et des éditeurs qui investissement à la création d’univers narratifs passionnant et créatif, difficile de ne pas l’imaginer comme la matérialisation physique de nos attentes les plus folles. 

Mathieu Renard

Khai "Cobra" Nguyen

CEO & Founder Platinium-eSport / Consultant eSport / Acteur / Amateur fighter MMA

7 ans

Il y a déjà eu des super héros dans l'esport français mais ce model est en soit, trop avant-gardiste. La reussite en france, c'est comme parler d'argent... il ne faut pas ! Pour que l'esport soit reconnu, il faudrait des personnages charismatiques et profesionnels ex : team Platinium-esport, ce que la france ne détient pas

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Jean-Baptiste Pennes

Customer / Player driven decision maker

7 ans

Ce sujet inutilement polémique prend toute sa dimension avec ce synthétique et très instructif article, bravo.

Delphine Sanchez

Post Production/Montage

7 ans

Bel article! En rapport avec ton mémoire?

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