IA : Intelligence ou artifice ?            L’EXEMPLE DU SECTEUR BANCAIRE - CAS PRATIQUE

IA : Intelligence ou artifice ? L’EXEMPLE DU SECTEUR BANCAIRE - CAS PRATIQUE

Pierre Blanc, associé du cabinet Athling – retenu par l’Observatoire des métiers de la banque (OMB) pour réaliser une étude sur l’intelligence artificielle (IA) dans la banque, notamment concernant l’emploi et les compétences – et Didier Moaté, DRH de La Banque Postale et du réseau La Poste, se sont prêtés au jeu des questions-réponses à quatre mains.

Quels sont les enjeux majeurs de l’intelligence artificielle (IA) ?

Didier Moaté : Notre principal enjeu est le défi des compétences, d’aujourd’hui et de demain, face à une transformation radicale de nos métiers : la banque changera davantage dans les cinq prochaines années qu’elle ne l’a fait au cours vingt dernières…

Nous sommes en face d’un besoin urgent et croissant de compétences, techniques, réglementaires, comportementales, pour satisfaire des clients immergés dans un univers de profusion multicanale.

La différence, dans les moments de vérité que constitue chaque contact entre le client et sa banque, repose désormais autant sur la qualité que sur l’immédiateté de la réponse, laquelle exige des collaborateurs rompus à ce nouvel « impératif catégorique ».

L’irruption de l’intelligence artificielle va encore exacerber la différenciation en donnant aux équipes la pleine capacité – et responsabilité – de susciter l’émotion, de créer la confiance, bref de construire le socle durable de la relation « augmentée » par la puissance et l’assistance de la machine. Des métiers nouveaux, des postures commerciales à réinventer, une « autonomie » à promouvoir et installer, les défis de formation sont immenses et constituent un pari humain, humaniste même, sans précédent.

Pierre Blanc : Les banques sont dans une phase transitoire qui a démarré il y a une dizaine d’années. Elles doivent faire face à trois chocs d’ampleur et de nature différentes : un choc de réglementation, un choc de concurrence, un choc dans la relation clients (transparence, confiance). Les clients prennent en charge de plus en plus d’opérations et ne consultent leurs conseillers que très rarement. La banque tend à devenir une commodité.

À cela s’ajoute la convergence de technologies qui arrivent à maturité et qui accélèrent les transformations. Alors qu’elles devraient être réactives, les banques sont alourdies par la multiplication des procédures et les contrôles induits. Les modèles économiques sont percutés – les rôles des collaborateurs aussi – par cette double contrainte : vitesse et lourdeur. Les personnels font face à des injonctions paradoxales de type « gagnez en autonomie mais, surtout, respectez les procédures ».

L’enjeu majeur en termes de RH est de réussir à les mobiliser, en particulier les managers, dans cette période agitée.

Que mettez-vous derrière le terme d’intelligence artificielle ?

P. B. : C’est un vocable qui est apparu dans les années cinquante aux États-Unis. Il n’existe pas de définition officielle. Les scientifiques à l’origine de ce terme poursuivaient l’objectif de faire reproduire par une machine les mécanismes d’apprentissage et les autres formes d’intelligence de l’être humain. Les outils d’intelligence artificielle émulent ou visent à émuler, en quelque sorte, les fonctions cognitives de l’être humain : le langage, la reconnaissance, la résolution de problèmes, le raisonnement, etc. Pour le même objectif métier, il existe plusieurs solutions à base d’intelligence artificielle. Mais, plus que la définition, ce qui est important, c’est de savoir ce que font et apportent ces outils.

Quel sera l’impact de l’IA ?

D. M. : L’intelligence artificielle, c’est la promesse, autant que l’exigence absolue, d’organiser demain nos entreprises selon la prédiction de Théodore Levitt, professeur à Harvard, il y a plus de cinquante ans déjà, au service de la seule création de valeurs centrées clients.

Notre responsabilité de DRH est de préparer nos entreprises collectivement, et nos collaborateurs individuellement, aux défis qui se présentent. À nous d’être lucides devant les enjeux de productivité, réels et massifs, auxquels nous sommes confrontés, et responsables autant que volontaires devant les besoins de formation à satisfaire, les nouveaux métiers à imaginer et à créer, les reconversions à susciter et à accompagner.

Les RH ne sont bien entendu pas seules, tant s’en faut, à porter cette magnifique responsabilité. C’est aussi et surtout aux managers d’incarner cette vision et de partager le sens au plus près, face à ces armes de déstabilisation massive que constituent les ruptures digitales, numériques et d’IA…

Expliquer, rassurer, accompagner, comprendre le sens des (r)évolutions qui s’annoncent, promouvoir l’utilité et la qualité du travail bien fait, voilà autant de responsabilités que nos managers ont à porter.

Enfin, soulignons la dimension clef de relations sociales riches, nourries et transparentes. Nous devons oser considérer le dialogue social comme un facteur central de changement, en particulier sur des « ruptures » perçues, collectivement et individuellement, comme des menaces. C’est notre responsabilité de créer d’abord les conditions d’un dialogue sur le fond, de partager le contexte, la vision et les enjeux pour négocier d’autant mieux le « chemin » de la transformation. C’est tout le sens des journées stratégiques que nous avons organisées à la Banque Postale avec chacune de nos OS représentatives, hors calendrier formel des instances de la banque, journées entièrement dédiées au partage des grands enjeux de transformation de la banque.

P. B. : Les technologies actuelles permettent de retranscrire le monde dans lequel nous vivons – et nous-mêmes –sous forme de 0 et de 1. Des volumes de données considérables sont exploitables aujourd’hui en temps réel du fait de l’amélioration des performances de calcul des ordinateurs. À partir de là, toute la banque est potentiellement touchée par l’intelligence artificielle : toutes les directions, tous les niveaux hiérarchiques, tous les métiers.

Les outils à base d’intelligence artificielle prolongent et amplifient le mouvement de l’informatisation et de l’automatisation de la société sous d’autres formes. Optimiser, prévoir, détecter des anomalies, aider à la décision, recommander, etc., à chaque fois que vous vous posez une question de cet ordre, vous pouvez penser intelligence artificielle. Les technologies permettent d’analyser du texte. Les progrès sur la voix sont impressionnants. Nous passons de l’automatisation à l’interaction en langage naturel. C’est un bouleversement dans la relation client. Les équipes commerciales, qui se sentaient à l’abri des technologies ou qui les percevaient comme une assistance, sont potentiellement concurrencées par la machine.

Un mot pour les lecteurs de Personnel ?

D. M. : Je porte cette conviction que le digital, le numérique et l’IA, nous dessinent un avenir dans lequel l’Homme, loin de disparaître, occupera une place incontournable pour incarner ce besoin croissant d’altérité, d’émotion, de confiance, que seule l’interaction entre les hommes (et les femmes !) peut assurer. Ayant en tête toutefois, que pour bâtir ce futur avec plus « d’humain », notre responsabilité de DRH est bien de nous ouvrir et d’investir sur ces technologies IA, RPA et autres univers de la data ! S’ouvrir pour comprendre, assumer cette réalité de demain et… la préparer !

P. B. : L’intelligence artificielle génère de nombreux débats et finit par devenir anxiogène. Il est important que les entreprises se saisissent de ce sujet au plus haut niveau et passent d’une logique de PoC (proof of concept, c’est-à-dire une logique de test) à la définition d’un plan IA. Ces outils ne sont pas des sparadraps pour soigner tels ou tels maux. Ils sont beaucoup plus profonds. Ils nous poussent à nous interroger sur la place des individus dans les entreprises et dans notre société. Les directions des ressources humaines sont des clés pour préparer l’entreprise de demain, en incluant la machine dans leurs réflexions. Elles doivent être motrices. C’est à elles de s’emparer de l’intelligence artificielle avec ce que cela implique sur l’emploi, le travail, les compétences, l’accompagnement, les parcours professionnels, etc. Elles en ont la légitimité. L’intelligence artificielle ne se décrète pas. Ce n’est pas une option technologique. C’est un choix d’entreprise qui doit répondre à une question : « Pour quoi faire ? »

Reproduction effectuée avec l'accord de la Revue Personnel N°583 Novembre-Décembre 2017 - http://www.andrh.fr/services/la-revue-personnel


Dr Annaik Feve,

Neurologist and Neurofinde executive coach and investigator

6 ans

Tres intéressant! La Poste se saisit de cette nouvelle technologie et nous espérons nos adapter les ressources d’intelligence artificielle au contexte humain et à son évolution au cours des dernières et des futures années!

Pepper c’est son nom une merveille de technologie promeo je crois

Matthieu Rossi

Animateur de secteur, marché du particulier, Yvelines 78 Nord chez Crédit Mutuel Alliance Fédérale Mes publications, commentaires et like n'engagent que moi

7 ans

Mon cher Watson

Philippe SICARD

Chef de Projet Marketing/ Accompagnement des mises en marché chez Crédit Agricole SA

7 ans

Tres bon article. Merci

Amine Bouassida

Chief of Staff - SMC France @ Microsoft

7 ans

Excellent et très intéressant ! La relation clients changera grâce à l’IA. Merci beaucoup Marcos VAZ.

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