"A l’heure du numérique, il est aussi temps de lancer une campagne de numérisation massive des œuvres du domaine public."​
http://www.numerique.culture.fr/

"A l’heure du numérique, il est aussi temps de lancer une campagne de numérisation massive des œuvres du domaine public."

Alors que les promesses de campagne qui fleurissent avant la fin de l'hiver, j'ai lu dernièrement sur le site d'un candidat "A l’heure du numérique, il est aussi temps de lancer une campagne de numérisation massive des oeuvres du domaine public." Je me suis donc demandée si le patrimoine numérisé était si peu visible de tous pour qu'un candidat propose une action qui est largement en marche depuis plus de dix ans en France.

Petit rappel : Les premiers encouragements du ministère de la culture et de la communication datent de 1996 avec le premier appel à projets de plan de numérisation national lancé par la Mission de la Recherche et de la Technologie. Dans un premier temps, la numérisation patrimoniale a permis de proposer une nouvelle approche de la conservation et une ouverture sur l’accessibilité des informations pour les chercheurs. Il est vrai qu'au démarrage ces projets pouvaient paraître confidentiels. Et puis Google est passé par là : des accords avec de grandes bibliothèques anglo-saxonnes pour numériser plusieurs millions de documents sont conclus en 2004. La réaction de la France est (presque) sans appel : l'Europe doit protéger, rendre accessible et valoriser son patrimoine. Le projet d'une bibliothèque numérique européenne devient réel en 2005.

Numériser, c’est offrir un outil supplémentaire de conservation préventive : le document peut être consulté virtuellement et ne plus subir ou minimiser les risques inhérents à une consultation physique. Numériser, c’est permettre un accès aux chercheurs et à l'ensemble des publics et donc de tous les citoyens : le document invisible hier devient abordable même à l’autre bout du monde. Et la question des droits d’auteur ? Devant la masse des documents, candidats à la numérisation, il était assez logique de privilégier ceux qui étaient libres de droit. La BnF a lancé son premier marché dit de "numérisation de masse" en 2007 avec le soutien du Centre national du Livre. L'objectif de mettre en ligne 100 000 documents libres de droits en quatre ans a été largement rempli (http://bbf.enssib.fr/contributions/numerisation-pour-une-nouvelle-approche-de-la-qualite).

Il semble donc que ce candidat et son équipe de campagne n'aient pas conscience de cette réalité pourtant présente et accessible sur la Toile. J'avoue être sensibilisée à cette question car j'ai travaillé au sein de la BnF (2007-2009) en tant que chargée de numérisation dans le cadre du marché de numérisation de masse mais tous les autres concitoyens qui m'entourent ont-ils cette connaissance ? Sincèrement, je ne le crois pas. En effet, lorsque j'explique mon parcours en numérisation patrimoniale la majorité des questions qui reviennent souvent sont "parce que l'on numérise tous les documents anciens en France ?", "mais çà fait longtemps ?", "et on trouve çà où ?", "ah ouais mais faut être chercheur ou étudiant pour y avoir le droit, non ?" et depuis peu "çà a un rapport avec la numérisation des entreprises ? on fait enfin numériser les vieux documents ?".

Il me semble aujourd'hui inopportun de vouloir faire une proposition de campagne de numérisation massive des œuvres du domaine public. Il faudrait par contre engager des efforts financiers sur la gestion de ce patrimoine numérisé : combien d'établissements ont obtenu des subventions pour numériser mais aucune pour indexer, gérer et stocker convenablement les images ? Il faudrait réfléchir à un véritable portail national comme le propose Europeana à l'échelle européenne qui identifierait l'ensemble du patrimoine numérisé. Il faudrait aussi offrir une meilleure visibilité à l'ensemble des citoyens.

En conclusion, oui il est nécessaire de continuer à soutenir les projets de numérisation, mais surtout les aider dans la gestion de ces fonds d'images par une valorisation appropriée et une meilleure accessibilité des outils de recherche afin que le patrimoine numérisé soit encore plus visible.

Emeline Gosse (Dodart), fière d'avoir participé au lancement de la première campagne de numérisation de masse à la BnF de 2007 à 2009.


Corinne Sannier

Ingénierie éducative et Professeur , ministère de l'Education nationale

8 ans

Merci pour cette tribune au coeur de nos problèmatiques. Il faut transmettre en effet, mais ne pas brader , réussir à sublimer en somme, comme tentent de le faire ces très beaux albums de Gallica, par exemple. Il est étrange en effet de prétendre ignorer ce qui vient d'être accompli. Continuons.

Frédérique Alexandra Gaillard

Enseignante-chercheure en Photographie | Maître de conférences en SIC | Lab. LERASS | Experte photo CA Toulouse | Lauréate de la Résidence de chercheurs en musée 2024-25 - Musée de l'Air et de l'Espace lab. Framespa-CNRS

8 ans

Votre article résume bien la situation. La post-prod de la numérisation à un coût peu négligeable, du traitement intellectuel jusqu'à la conservation numérique. Ces aspects sont sous-estimés dans la gestion de projet. L'enjeu est aussi de fédérer les numérisations des différentes institutions pour éviter les doublons. Europeana est un beau projet, mais il reste un portail. Les petits établissements n'ont pas tous les moyens d'avoir une base de données en ligne et moissonnée par Gallica et/ou Europeana (interopérabilité / OAI). Certains se sont tournés vers des plateformes collaboratives gratuites (Wikimedia par exemple) qui ouvrent vers d'autres problématiques (propriété des données numériques, limitation des informations accessibles, efficacité de la recherche...) Vaste sujet! Merci - @FrederiGaillard

Cathy POTEL

Presse professionnelle - Archimag - média spécialisé dans le management et les technologies de l'information

8 ans

Tribune très intéressante, merci à vous

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