Libérer l’entreprise, c’est placer la décision dans les mains de ceux qui sont les premiers impactés par son application.
L’entreprise libérée fait rêver et comme tout rêve, il est difficile d’y adhérer à 100%. Mais un mouvement évolutionniste est bien en marche. Un mouvement lent qui fait évoluer notre façon de voir l’entreprise. On en connait les causes qui ont été largement analysées mais en fin de compte, ce qu’il en ressort c’est que la principale cause de cet état est la fonction managériale. Du coup, c’est un peu comme la chasse aux sorcières, il faut alléger l’entreprise de sa charge managériale et lui redonner ainsi toute sa souplesse et son adaptabilité.
Cela est vrai, mais un peu réducteur semble-t-il. Si on développe cette idée que la fonction managériale serait le mal qui ronge nos entreprises. Il est vrai que sous son angle de censeur qui ne fait que commander et contrôler, son rôle peut être perçu comme obsolète. Les individus étant de mieux en mieux formés et informés, ils possèdent tous une capacité décisionnelle qui leur permettrait de s’auto commander et surtout, s’auto contrôler. Mais lorsqu’on analyse la fonction managériale sous son angle de facilitateur où le manager connecte et fait collaborer, la valeur ajoutée est indéniable. Lorsqu’on étudie notre organisation cérébrale comme l’organisation d’un système complexe, très vite on s’aperçoit qu’en appui de nos systèmes neuronaux, il y a un système de cellules gliales, cellules qui ont 3 types de mission :
- Apporter les nutriments nécessaires à la bonne marche des entités de production
- Entretenir un espace de travail dégagé de tout élément pouvant nuire au bon fonctionnement
- Accélérer les échanges entre unités de production.
N’est-ce pas là un rôle de facilitateur, de coach et d’accompagnateur, en un mot de manager. Et si l’évolution de notre espèce a sélectionné cette organisation en systèmes de production et systèmes d’appui, ce doit être parce qu’elle est la plus performante dans le contexte où nous évoluons.
Ne serait-ce que sous cette forme « facilitatrice », le management doit donc exister pour que l’entreprise devienne performante.
Mais alors si on ne libère plus l’entreprise du management, on la libère de quoi au juste ?
Faisons quelques constats :
- Beaucoup de managers ont choisi cette voie d’évolution pour son côté altruiste, c’est-à-dire venir en aide aux autres, mais peu s’attendaient à être des « courroie de transmission » dont la seule tâche est de veiller à la bonne mise en place des décisions prises.
- Piloter, c’est avoir un pouvoir de décision et être seul face à cette décision. C’est à ce moment-là que l’on ressent la force de la responsabilisation. Or de nos jours peu de managers ont cette puissance décisionnelle.
- La plupart du temps, le rôle des managers s’arrête à proposer des options pour que d’autres fassent les choix. Et même lorsque le manager à le droit de décision, il est obligé d’en référer à son supérieur pour que les contrôles nécessaires puissent être planifiés. Et donc la décision ne dépendra plus de lui.
Devant ce contexte, il est légitime de se poser la question sur la marge de manœuvre des managers. D’un côté leur mission est de prendre des décisions efficaces dans des environnements incertains, complexes et savoir prendre des risques calculés, d’un autre côté, ils doivent en référer à leur hiérarchie pour valider leur décision. Leur marge de manœuvre est donc très réduite, entre le marteau et l’enclume. Lorsque l’on n’est pas maître de sa décision il y a peu de chance qu’on s’en sente responsable. Alors comment blâmer nos managers parce qu’ils ne remplissent pas leurs missions quand la gouvernance ne leur en laisse pas la l’attitude.
Et là, nous touchons le point sensible. Ce n’est pas du management qu’il faut libérer l’entreprise mais des systèmes décisionnels lourds et non adaptés, c’est-à-dire de la gouvernance classique. Ce sont ces systèmes qui alourdissent nos processus de production, les rendent rigides et peu porteurs de sens.
Une des solutions possibles, une « ubérisation » interne de la gouvernance ou comment définir et mettre en place des cadres de gouvernance dans lesquels chaque individu peut prendre la décision en toute autonomie et en toute responsabilité. C’est ce pouvoir de décision responsabilisant qui représente notre liberté. Mettre en place ces cadres décisionnels, c’est mettre à disposition des processus décisionnels toutes les informations utiles et donner la capacité à chacun de décider en toute responsabilité.
Partager l’information, c’est partager son pouvoir en toute transparence. Sommes-nous réellement prêts à nous libérer de nos pouvoirs pour permettre à nos collaborateurs d’atteindre leurs rêves tout en restant à leurs côtés pour faciliter leur travail quotidien en leur assurant des contextes sécures ? Rapprocher la décision au plus près de l’opérationnel avec des cadres de gouvernance définis, c’est également permettre aux individus de se positionner devant un choix en estimant à leur juste valeur les risques encourus et leur permettre ainsi d’avoir le dernier choix du « Go / No Go ».
Pour conclure : « ubériser » la gouvernance, c’est permettre à la décision de se prendre au niveau de l’opérationnel en respectant un cadre de contraintes. C’est ce que nous faisons quotidiennement dans nos contextes privés : nous prenons des décisions en toute connaissance de causes et nous en sommes responsables. Est-ce que cela ne pourrait pas être appliqué à l’entreprise ? C’est un peu cela aussi qui induit « l’esprit startup » tant recherché et qui permettra aux l’entreprise de vraiment se libérer des contraintes inutiles.
Jm Santi auteur de "La boite à Outils de la prise de décision" édition Dunod
Chef de projets Innovations sociales
8 ansEn phase totale également. Une condition supplémentaire pour faciliter la prise de décision et assurer la performance de l'entreprise : une mission d'entreprise claire pour l'ensemble des collaborateurs qui fait sens pour eux. Ainsi toutes les décisions serviront un but commun et assureront la cohérence des actions.