L'identité sociale, levier ou dérive en entreprise?
"Je ne laisse pas mes salariés avec leurs portables dans l'usine. Le boulot c'est le boulot et le perso...Ben c'est le perso." Un cadre d'application réglementaire établi avec une vraie détermination et vu au cours de cette dernière année. A première vue, il semble tout à fait entendable que la dissociation de la sphère professionnelle et la sphère privée soit établie, surtout au sein de l'environnement professionnel de travail.
Est-ce la frontière entre les deux sphères privée et professionnelle qui s'est réduite année après après année?
Un élément récent permet de comprendre l'impact de la réduction de cet écart, la montée en puissance des réseaux sociaux dans le monde des entreprises. En effet, au-delà de Linkedin, sanctuaire et vecteur principal de la communication externe de l'entreprise, apparaissent progressivement année après année des nouvelles pratiques en matière de communication des entreprises sur une pluralité de réseaux sociaux avec des enjeux concrets : améliorer la mise en avant de ses produits, favoriser une meilleure politique de recrutement, attirer plus de public vers la formation, être plus identifié sur un marché concurrentiel, etc... Ces réseaux sociaux n'étant pas utilisés initialement dans la sphère professionnelles étaient surtout utilisés dans la sphère privée, notamment par les salariés. La conséquence directe à cette évolution est double : l'enjeu de la communication externe de l'entreprise et l'identité sociale pour les personnes de devenir sur un ensemble de réseaux sociaux des êtres sociaux et des êtres sociaux-professionnels.
L'enjeu des entreprises est aujourd'hui de comprendre plus que jamais l'importance de l'identité sociale.
Pour aller à l'essentiel des travaux du psychologue E. Erikson, le développement de tout individu est une longue quête vers l'identité sociale dont chaque phase d'évolution est marquée par une crise psychosociale majeure. Pour reprendre l'exemple abordé en introduction, imaginez dès lors la réaction de ce dirigeant forcé de constater que les fameux portables interdits à ses salariés dans l'espace de travail pourraient devenir les premiers outils de communication vertueux dans la nouvelle forme de communication externe "du moment". Quel serait l'enjeu du dialogue social opérant entre employeur et employé(e)s pour enclencher ce nouveau changement? " Bon écoutez, j'ai peut-être été un peu dur avec vous sur les smartphones, alors si vous pouviez être sympas et vous abonner à la page de l'entreprise et liker nos publications ce serait super utile..." Adhésion du collectif? Construction d'un potentiel de développement? Ou rejet total avec modèle contradictoire adressé au patron par l'ensemble des collectifs au travail?
Là encore le changement se prépare, s'organise, se planifie et s'accompagne.
Nous l'avons rapidement vu, l'identité sociale comporte bon nombre de stades de changements au sein des entreprises...
En doutez-vous? Que direz les salariés de LIP de 1973 lorsque le tribunal de commerce a annoncé la fin de "leur" entreprise, au regard des scènes de vie d'ateliers présents sur Instagram et consort depuis la reprise d'activité de l'entreprise.
Que penserait Martin Cooper, père fondateur du téléphone portable sur la déshumanisation actuelle sur le plan social de l'utilisation massive du smartphone aujourd'hui dans le quotidien et la sphère professionnelle en parallèle de sa volonté initiale de rapprocher les individus par l'utilisation d'une nouvelle technologie de communication plus nomade?
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En réalité, il existe autant d'exemples délétères que d'exemples vertueux dans ce contexte et la dimension du changement en entreprise que comporte l'impact des réseaux sociaux sur l'identité sociale. Ainsi il est primordial de garder en tête certaines phases importantes dans le développement d'un nouveau modèle stratégique pour vos organisations.
I. Le changement ne s'impose pas, il s'accompagne
Passer de l'interdiction à la demande d'implication des réseaux sociaux n'est pas un virage que je conseillerai. En effet, l'approche forcée d'une direction ne ferait que renforcer les écarts des équipes face à l'identité sociale qui pourrait être bénéfique pour l'entreprise. En outre, elle pourrait même orientée les salariés à la dérive de développer sur les réseaux une communication délétère pour l'entreprise (Balance ton boss pour ne citer que cet exemple).
II. L'identité sociale doit être un projet commun
Vous souhaitez que les équipes s'impliquent, proposer leur un vrai projet. Là encore un retour aux fondamentaux de l'entreprise que sont : l'écoute, le dialogue avec les équipes doit être au centre du projet. Cela permet de construire une dynamique commune avec des collaborateur(trice)s qui utilisent quotidiennement (voire plus aisément) que les directions ces plate-formes de communication et qui peuvent être d'excellent conseil pour construire une vraie approche pertinente de la nouvelle identité sociale.
III. Accepter de faire tomber les masques
L'entreprise parfaite n'existe pas et ce n'est pas grave. Car c'est dans l'entièreté de votre singularité d'entreprise que vos salarié(e)s peuvent vous faire remonter autant de points positifs que d'écueils qui doivent servir à améliorer la vie en entreprise et pas mettre vers l'extérieur l'affichage d'une vitrine sociale en laquelle personne ne croit. Ainsi la communication peut-être un levier d'amélioration au sein des pratiques de l'entreprise.
En conclusion
Le sentiment d'identité sociale est un élément important dans la vie de tout individu et également dans la vie de l'entreprise. Par une rapide synthèse du cadre général, j'ouvre ici le chapitre du débat qui peut être en jeu au sein de vos organisations. Que vous soyez dirigeant, cadre, salarié(e)s, le changement opérant dans le cadre des nouveaux enjeux de communication impacte de près ou de loin votre identité sociale. Il est ainsi important d'ouvrir au sein des organisations l'échange afin de favoriser les bonnes pratiques. Bien entendu, rappelons que l'équipe décisionnaire appliquera in fine le plan de match en matière de communication. Mais ne vaut il pas mieux être un impact player dans ce cadre qu'un joueur talentueux sur le banc de touche? Et concernant les directions, de la même façon, ne vaut il pas mieux composer une stratégie gagnante avec l'ensemble de ses talents en favorisant les leviers d'identité sociales en mouvement plutôt que de se priver d'un ensemble d'impact player trop longtemps resté(e)s sur le banc? A suivre.