L’importance d’être innovant

L’importance d’être innovant

Article co-écrit avec Régis Villard

Nous en parlons tous les jours, que cela soit dans les journaux, sur le web, à la télévision, entre amis ou collègues. Nous connaissons tous quelqu’un qui a voulu se lancer ou s’est lancé dans la création d’une startup en relation avec elles. Ouvrir de nouveaux champs d’exploration, résoudre des enjeux, ou encore, changer le monde seraient des qualificatifs que nous pourrions leurs donner. Elles, ce sont les nouvelles technologies. Malgré leur importance dans notre société, nous avons pu remarquer, lors de nombreuses conférences dédiées à ce sujet, un aspect récurrent qui nous a particulièrement frappé: la focalisation excessive des innovateurs sur les caractères techniques du produit qu'ils offrent.

Que ce soit de nouvelles startups ou de grands groupes, beaucoup se sont fait piéger par cet aveuglement technologique. Par exemple, le boîtier Logitech pour la Google TV en 2011. Les dirigeants pensaient que la TV du géant américain serait une révolution et que les clients auraient besoin de ce boîtier. Ils se sont trompés sur toutes leurs hypothèses. Ou encore, la startup Color, une application de partage de photos qui n’a pas su tenir compte des attentes de ses clients pour l’interface et les notions de vie privée. En effet, chaque photo prise était publique. Nous pouvons observer, qu’alors même que la technologie soit innovante et que de nombreux soutiens existent de toutes parts, via notamment les « Venture Capitalist » (VC) et autres investisseurs, le recrutement de jeunes talents ou encore les conseils d’administration extrêmement expérimentés, les échecs sont toujours aussi nombreux.

Pourquoi, donc, assistons-nous à tant de flop alors que les nouvelles technologies ouvrent tellement de nouveaux champs d’exploration et de nouvelles façons de régler les problèmes de notre société ?

Selon de nombreuses études et nos observations personnelles, le problème principal se situe au niveau de la proposition de valeur transmise. En effet, un très faible focus, si ce n’est aucun, n’est mis au niveau de ce qu’apporte la technologie en termes de valeur au client final. En quoi cette dernière aide l’utilisateur à effectuer un “job”, à lui apporter des avantages et lui retirer des peines. De nombreuses entreprises se concentrent sur leur produit soi-disant révolutionnaire sans se soucier de son acceptation par le marché comme peuvent le montrer les exemples cités auparavant.

Effectivement, afin de rendre un produit ou une technologie attractive, il ne suffit pas que cette dernière soit intrinsèquement innovante mais qu’elle permette de faire le lien entre les besoins et aspirations des utilisateurs et les solutions offertes au travers de l’utilisation du produit ou de la technologie. C’est le client qui décide, pas la technologie. Il faut donc porter une attention toute particulière à ce que le client veut, ce que le client fait et ce que le client est. Pour cela, il existe plusieurs techniques tel que les questionnaires, les A/B testing, ou encore, le prototypage. Alors même que la technologie a cette faculté de faciliter le rapprochement entre les entreprises et leurs futurs clients, de réaliser tous ces tests de “product-fit”, il est surprenant que si peu de moyens, même rudimentaires, ne soient mis en œuvre par ces startups et grands groupes. Une peur de l’inconnu? Une crainte de se faire briser un rêve en le confrontant à la réalité?

Pourtant les solutions sont là, simples d'utilisation et accessibles à tous. Il ne s'agit juste que d'un effort conceptuel à adopter. Prenons un exemple concret en la forme du prototypage et du design itératif de la proposition de valeur. En designant rapidement une proposition de valeur et en la soumettant au public cible avant même sa mise en forme définitive cela permet un retour utilisateur immédiat et donc un potentiel pivot dès la première heure. Cette approche permet, par ailleurs, d'affiner le fit de la proposition aux attentes du marché au fur et à mesure du développement, sans se faire rattraper par un changement dans l'habitude des futurs clients. En adoptant cette méthodologie provenant du mouvement Lean Startup, non seulement les chances de succès s'en retrouvent améliorées, mais en plus, des millions seront potentiellement épargnés grâce à la gestion plus efficace de la valeur offerte. Ainsi l’entreprise peut débloquer son budget graduellement et ajuster sa proposition de valeur au fur et à mesure des retours des tests sur ses clients.

Certaines entreprises ont parfaitement intégré ces procédés mais ne se sont toutefois pas démarquées sur le marché alors même que leur base client était très enthousiaste concernant la technologie développée. Prenons l’exemple de Xmarks, un service permettant de synchroniser ses bookmarks sur l’ensemble des devices des utilisateurs. Le fit client-produit était parfait et la proposition de valeur acceptée de façon unanime. Mais, le produit était disponible gratuitement alors que les coûts de développement et de serveur devaient être couverts. Ici, ce n’est plus la proposition de valeur qui fait défaut mais bien la cohérence du business model. La cohérence peut se faire à tous les niveaux que cela soit dans la manière de tirer des revenus, dans les moyens d'atteindre son segment client, de prioriser ses activités clés, ou encore, ses partenariats stratégiques. En substance, tout ce qui va englober la technologie proposée pour la faire fonctionner et durer sur le marché dans un modèle économiquement viable. La proposition de valeur doit être intégrée dans un business model qui lui permet de développer tout son potentiel. Imaginez, par exemple, si Google, au lieu d’avoir un modèle basé sur la publicité, nous faisait payer 1$ pour chaque recherche, beaucoup de monde n’utiliserait pas leur technologie alors même qu’ils la trouveraient révolutionnaire. Ou, envisagez si Apple développait la totalité des applications proposées aux clients en interne. Leurs coûts seraient beaucoup plus conséquents et l’offre beaucoup moindre pour le client. Cette offre amoindrie résulterait en une perte de clientèle même si la technologie intéresse les utilisateurs et cela se traduirait certainement par des difficultés financières pour la société. Donc, même avec un fit « produit-marché », la pérennité d’une nouvelle technologie et l’avantage concurrentiel qui en ressort ne peut se faire que par la création d’une synergie et d’une cohérence entre le modèle d’affaires et l’innovation technologique.

Le dernier facteur critique pour la réussite ou l’échec d’une nouvelle technologie sur le marché réside dans le fait de considérer, d’analyser ou non son environnement. L’environnement s’entend au sens large, cela peut être les aspects légaux avec l’arrivée d’une nouvelle loi, la prise en compte des concurrents ou des nouveaux entrants, ou encore, les tendances socio-économiques du marché pour n’en citer que quelques-uns. En effet, oublier d’adopter un point de vue holistique en ce qui concerne l’environnement de l’entreprise peut s’avérer fatal comme l’illustre très bien l’exemple de Nokia. En se concentrant uniquement sur leur technologie et en ne considérant pas les nouveaux entrant tels qu'Apple et son Iphone, Nokia commença à creuser sa tombe. L’entreprise se porta le coup final en choisissant de ne pas prendre Google et le système Android comme partenaires clés mais de se focaliser sur son OS Symbian. Ils n’ont, tout simplement, pas su considérer les nouvelles tendances du marché afin d’évoluer. Il faut, donc, prendre en compte l’écosystème élargi pour mieux adapter son offre, anticiper de nouvelles menaces ou tendances à venir afin qu’une nouvelle technologie produise l’entier de sa capacité et soit adoptée par les utilisateurs au sein d’un business model qui fait du sens dans son environnement.

Pour conclure, la course frénétique aux nouvelles technologies a de nombreux côtés positifs, elle ne vas pas sans de nombreux challenges à relever et des pièges à éviter. Nous pouvons remarquer que ce n’est pas la technologie intrinsèquement qui permet aux entreprises de se démarquer. Une place plus grande aux tests de marchés, à l’itération, à l’innovation dans le business model et l’observation de l’environnement doit se faire. L’importance d’être innovant, oui, mais à tous les niveaux. Nous pensons, même, qu’avec les technologies existantes, le monde peut, grâce à une meilleure approche et une meilleure utilisation des innovations techniques, bien mieux résoudre de nombreux enjeux de notre société et créer de la valeur pour le marché. Bien mieux que rechercher absolument à surpasser techniquement la technologie existante. Et vous, que pensez-vous de cette course à la nouvelle technologie?

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