Innovation Inc.

Innovation Inc.

Innovation et progrès

Un jour, j’ai été confronté à un problème : l’introduction des SaaS (Software As A Service) dans le domaine de la comptabilité et de la gestion d’entreprise. Les bienfaits de ces solutions me parurent si triviaux que je n’ai même pas jugé nécessaire d’argumenter. Mais quand j’ai dû me justifier devant de vrais utilisateurs, je me suis retrouvé sans argument.

Il est quand-même incroyable qu’on puisse se lancer dans une aventure de création de startup, qui est le siège de l’innovation, sans avoir la moindre initiation sur ce qu’est l’innovation. Je l’ai constaté par la suite en coachant à mon tour des étudiants qu’ils sont sous le choc face à des questions pourtant triviales du genre "pourquoi votre produit ?" ou "Pourquoi votre client reviendrait vous voir ?".

Peut-on innover en Algérie ?

Il y a quelques jours, début septembre, en me baladant au centre d’Alger, j’ai remarqué un panneau lumineux annonçant une conférence sur le thème de la smart city. Ni une ni deux, je l’ai pris en photo et je l’ai diffusé instantanément sur le réseau social. Et ce qui devait arriver arriva.

S’en est suivi un déferlement de critiques et de sarcasme. Toutes sortes de commentaires du genre « avant de parler de smart city, on devrait réparer les trottoirs éventrés » ou « avant de parler de smart city, ramassons d’abord toutes les ordures qui s’amoncellent sur nos trottoirs » ou encore « avons-nous une connexion avec le débit et la fiabilité suffisante pour parler de smart city ? »…

J’ai remarqué que cet état de résignation est très largement répondu parmi les algériens, même les plus motivés d'entre-eux par l’innovation.

Tirer profit de ses points forts

Un valeureux coach à l’incubateur de Sidi Abdallah nous a un jour expliqué que pour réussir un projet, on doit se baser sur nos points forts, sur nos avantages concurrentiels. Ensuite, Mr Chaïb (car c’était son nom) nous a posé la fameuse question : et que ferez-vous de vos défauts ? Et la réponse quasi-unanime de la salle était : il faut s’en débarrasser bien-sûr. S’en est suivi l’explication du coach qui dit en substance que si vous voulez éliminer tous vos défauts, ça vous prendra à peu près toute votre vie. Autant apprendre à vivre avec. Il est juste important de se débarrasser des défauts qui vous empêchent d’atteindre vos objectifs.

Ce qui est valable au plan personnel l’est encore davantage au niveau d’un pays ; on n’a heureusement pas besoin de corriger tous nos défauts pour avancer voire même pour briller.

Les roses s’épanouissent sur le fumier

En réalité, l’histoire nous dit que l’homme n’a jamais été aussi innovant que sous d’extrêmes contraintes. La technologie a fleuri là-même où le besoin de solution s’est fait le plus pressant. Par exemple, le m-payment a pris tout son essor dans ces régions où les banques étaient défaillantes. L’usage de l’internet mobile à plus progressé dans les régions où la couverture du téléphone fixe était insuffisante.

La technologie fleurie également plus facilement là où le poids de l’état et de la réglementation est le moins pesant. OK, sur ce point, c’est vrai que nous ne sommes pas gâtés. Mais parlons-en franchement : si l’un des 38 lycéens du lycée d’El-Borma qui ont échoué à l’examen du baccalauréat l’an dernier créait une application de m-payement ou une monnaie locale d’échange sur son territoire, quelles autorités viendraient le lui reprocher. Ce n’est pas une incitation à violer à loi mais juste à flirter avec ses frontières !

Prenons les plus grandes puissances mondiales en terme d’innovation, nous nous rendrons compte que chacun de ces pays a son lot de problèmes primitifs qui pourraient à juste titre l’empêcher d’innover. Le taux de population pauvre aux USA et en Allemagne, les problèmes d’infrastructure, d’épidémie ou de famine en Afrique et même, comble de l’absurdité, un problème grave de manque de toilettes en Inde. En plein milieu de problèmes graves, un îlot technologique peut naitre. Tout le monde a entendu parler des innovations fulgurantes qui ont permis à Israël de développer son agriculture hors sol ou dans un environnement désertique. On connais pourtant tous les problèmes de la région.

Vision, vision… vision

Voilà, ceci étant dit, revenant à présent à l’innovation en Algérie. Et au sujet du projet Smart City. J’ai lu l’annonce. La bonne nouvelle c’est que c’est un appel à l’innovation. Le souci c’est qu’il transpire l’amateurisme et le manque de vision. C’est un appel à toute personne ayant une idée à venir la suggérer pour bénéficier de quelque financement ou avantage. Ce n’est juste pas comme ceci que cela doit se passer.

Nous souhaitons donc transformer nos villes en ouvrant la porte à la technologie. Oui, mais pourquoi faire ? Comme on a dit plus haut, la motivation est d’une importance capitale. Et la motivation se traduit par la vision. Il y a quelques jours, j’ai sursauté en entendant un membre de l’exécutif, afin de nous rassurer, nous dire ne vous inquiétez pas, ces choix ont été dictés par des experts ! La vision n’est juste pas l’apanage des experts. Les experts connaissent les technologies et les solutions. Mais un expert en AI ne voudra rien de plus que d’introduire de l’AI partout.

Qui doit donc décider de ce qui doit être fait ? C’est le rôle de la politique de fédérer les idées mais c’est le rôle de la société civile de produire les idées et de produire la vision : les startups, associations, think tanks et les journalistes spécialisés ont vocation à produire et diffuser une vision de la société.

Alors là, c’est pour le moins très ironique : la startup qui agit dans le cadre d’une vision est censée également produire de la vision. La clé est dans la capacité d’une société à produire des champions, capables de montrer la voie.

Un entrepreneur est quelqu’un capable de réaliser sa vision. Et les entreprises championnes de leurs domaines respectifs sont des transformateurs de la vision en produits et services. Je suis donc persuadé que la grandeur d’une nation se mesure à sa capacité à favoriser la croissance de ses champions, à les mettre en avant et à s’en servir de locomotive. Ce système qui a conduit ailleurs à la starification des entrepreneurs à succès, les Steve Jobs, Elan Musk, Jeff Bezos, Mark Zuckerberg, Xavier Niel et les autres, produit de la vision et du mouvement.

Lever le frein à l’innovation

Est-ce qu’on se rend compte du bienfait de l’innovation et de la concurrence saine ? Grâce à cette course effrénée, en 10 ans, le smartphone est passé d’un objet approximativement destiné à naviguer sur internet, au périphérique le plus abouti qui soit, compagnon de tous les jours, replaçant appareil photo, gps, le laptop,… Protéger les entreprises des agressions et les laisser se concurrencer et innover, générer du revenu et le réinvestir dans le progrès représente le principal moteur de l’économie.

C’est le contraire ce qui se passe chez nous en réalité et ceci parce qu’on a l’impression que plus une entreprise a du succès et plus elle est solide alors qu’en réalité elle en devient plus fragile, cible des individus et des autorités. J’ai encore un souvenir douloureux d’un ami entrepreneur qui a brillamment réussi son concept de restauration et qui a voulu le transformer en concept de franchise reproductible. A cette occasion, il a découvert toute la rigueur de la réglementation algérienne concernant la restauration et qui est appliquée de façon sélective. Autant dire que l’assainissement doit commencer au niveau des lois pour ensuite transpirer les mentalités.

Abderraouf Hamoudi

🇵🇸 🇩🇿 Business Intelligence & Data Analytics Specialist 📊📈🎯

7 ans

pas seulement les lois car il y a pleins de projets innovants, qui ont surpassé les limitations de la réglementation, mais ils étaient tués dans le berceau et avant de voir le soleil du jour. nous n'avons plus la motivation pour développer notre pays tant que les gens malhonnêtes ne cessent de vendre leurs âmes et principes pour le dieu le plus populaire de cet ère (Money). cela n'élimine pas la possibilité de faire des initiatives mais nous savons que la fin ne sera jamais un conte de fée. ravi que nos intellectuels gardent toujours leurs ambitions. Excellent article Dr Samir A.

Abdelkader HADJ MILOUD

Ing. IT | exec. MBA | Green Belt LSS | ITIL 4

7 ans

Favorisons l'innovation disruptive plutôt que l'incrementale ... Elle est à la porter de nos jeunes.

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