L'indice d'activation des façades, l'outil qui change la donne pour programmer les rez actifs
Concert organisé par la librairie Boukie's pour animer le centre-ville de bonne heure, rue Taillefer, Périgueux. La musique attire loin à la ronde...

L'indice d'activation des façades, l'outil qui change la donne pour programmer les rez actifs

L'indice d'activation des façades est la clé pour programmer un quartier animé ou un coeur de ville attractif

Lorsqu'on me demande ce qu'il faut faire pour rendre le coeur de ville plus attractif ou fabriquer un quartier plus vivant, j'ai avant tout recours à un outil de diagnostic qui se révèle très utile pour comparer l'attractivité des rez actifs selon leur capacité à attirer et à retenir l'attention des piétons. Il s'agit de l'indice d'activation des façades, que je détaille dans l'illustration ci-après.

L'indice d'activation des façades, copyright Bfluid 2015

Nous avons développé l'indice d'activation des façades au sein de Bfluid en 2015 en nous inspirant des travaux pionniers de Jan Gehl afin de pouvoir rapidement identifier où sont les forces et les faiblesses de la vitalité commerciale, que ce soit dans une rue commerçante donnée, au sein d'un centre commercial ou dans un coeur de ville tout entier.

Cet outil est conçu de manière systèmique et est particulièrement efficace pour analyser le fonctionnement d'un écosystème de rez actifs à grande échelle : cela peut être un tout nouveau quartier en train d'être construit, ou un programme de revitalisation du coeur de ville.

L'outil peut être mobilisé en phase diagnostic pour détecter rapidement les secteurs qui commencent à montrer des signes de dégradation de la qualité commerciale et pouvoir corriger le tir à temps, avant que la vacance commerciale ne s'installe pour de bon.


Dans le cadre d'Action Coeur de Ville, nous avons réalisé le "diagnostic-santé" des rues commerçantes à Creil. Ici la rue de la République, principale artère commerciale de la ville, montre des signes d'essoufflement : il est vital de la redynamiser. Copyright Bfluid 2019


L'indice d'activation nous aide lors du diagnostic, mais il nous aide aussi de manière prospective lors de la phase programmatique, par exemple lors de la création de nouveaux quartiers ou le déploiement de programmes de revitalisation de quartiers existants. Dans ces cas de figure il peut être mobilisé pour composer le meilleur séquençage des cellules commerciales afin de créer la ville à la hauteur du regard (the City at Eye Level) permettant d'attirer et de retenir de manière optimale les flux piétons. 


Programmation optimale des façades des futurs rez actifs dans le cas de scénario d'attractivité maximale pour les flux piétons, Ecoquartier "Vétrotex", Chambéry. Copyright Bfluid 2020


Comment fonctionne l'indice d'activation des façades ?

A l’instar d’une étiquette énergie, les façades vont pouvoir être classées de A à F, selon leur capacité à attirer et à retenir l’attention des piétons. Les diverses typologies de façades doivent se succéder en respectant une certaine diversité et en multipliant les effets de contraste.

Idéalement les façades les plus actives A, B et C, devraient être présentes en bon nombre et revenir très souvent agrémenter le rythme du trajet, tandis que les façades les moins actives, E et F, devraient rester minoritaires et ne surgir que de loin de loin.


Deux angles jumeaux et on ne peut plus différents : le premier actif, le second inactif. La façade A à gauche de la photo anime la rue avec la présence humaine. A droite, la façade E génère des usages de stationnement illicites et peu engageants. Madrid, Sonia Lavadinho 2024


Chaque fois que nous retombons sur une intersection, un carrefour, une fourche, une ponctuation sur le parcours, il faut impérativement réserver ces angles actifs à des façades A, ou tout au plus B ou C.


Il faut impérativement positionner des façades A qui activent les deux côtés de la fourche à parts égales, pour inciter les piétons à aller tant d'un côté que de l'autre. Si un des côtés reste inactif cela aura un impact délétère sur toute la rue. Paris, Sonia Lavadinho 2024

En aucun cas ces nœuds d’inflexion stratégiques ne doivent être occupés par des façades D, E ou F. Car c’est justement là où il y a le plus de convergence des flux que les gens marquent une préférence pour s’y arrêter et y séjourner. Comme il s’agit des lieux les plus propices à la rencontre, ils demandent l’activation la plus forte des rez.

Les boulangeries, tea-rooms, crêperies et gelaterias qui attirent du monde toute journée avec une forte intensité d'usages et une grande biodiversité des publics sont les meilleures typologies d'activités à implanter aux noeuds stratégiques. Paris, Sonia Lavadinho 2024


La forme importe autant que le contenu

Au-delà du contenu programmatique proprement dit, il est essentiel de prêter attention à la forme architecturale, pour créer un bon rythme à hauteur d’homme qui capte l’attention : privilégier des unités bâties plutôt étroites, de 3 à 5 mètres de long, présentant des reliefs garnis de nombreux détails qui accrochent le regard à différentes hauteurs et scandés par de nombreuses ouvertures, des portes et des fenêtres mais aussi tout simplement des respirations qui cassent la monotonie de façades trop longues et trop lisses. Ces recettes toutes simples mais éprouvées, que nous retrouvons systématiquement dans toute rue commerçante ancienne digne de ce nom, ne sont malheureusement que peu appliquées dans les nouveaux quartiers qui sortent de terre aujourd’hui et encore moins souvent dans les quartiers résidentiels existants, à quelques exceptions près qui sont loin de constituer la règle.

La perte de la capacité à composer des rez actifs du point de vue architectural est l’une des raisons majeures qui rend nos quartiers contemporains si inhospitaliers pour les piétons. 

Un mot de précaution s’impose à l’égard des façades de grandes dimensions. Des commerces spécialisés qui déroulent leurs vitrines sur des linéaires plus longs doivent consacrer proportionnellement beaucoup plus d’efforts à l’animation de leurs vitrines. Les plus intéressants sont ceux qui proposent des contenus qui sortent un peu du lot ou qui mettent en scène des styles de vie en trois dimensions jouant sur la profondeur de la vitrine, par exemple des magasins outdoors, de décoration d’intérieur ou liés à l’ameublement de la maison. Les devantures en deux dimensions jouant sur des images ou des écrans, comme celles des agences de voyages ou les agences immobilières, parviennent aussi à capter l’attention mais moins efficacement que celles qui mettent en scène des vrais objets. Ces grands commerces désactivent plus qu’ils n’activent la rue. Ils sont à saupoudrer avec modération en les positionnant sur les parties centrales des rues plutôt qu’aux extrémités, car les angles actifs des carrefours doivent rester réservés pour des vraies façades A - ou au besoin des fausses façades A, activées par d'autres moyens comme la présence végétale ou des interventions artistiques. 

Des angles morts sont pour une rue vraiment mortifères et il convient de les activer à tout prix, au besoin par des interventions artistiques sur les murs aveugles et une requalification plus importante de la chaussée, ici remodélée dans sa géométrie pour gagner de l’espace pour en faire un parvis pour le petit bistrot de quartier, dans le cadre de l’opération Madrid Rio. Madrid, Av. del Manzanares, Sonia Lavadinho 2024


Le rôle essentiel de la chaussée dans l'activation des rez actifs

Au-delà des rez eux-mêmes, qui avec leur caractère particulier viennent façonner l’ambiance sur les rives de la chaussée, il faut considérer le rôle que la chaussée elle-même joue dans la construction de cette ambiance. Sa porosité, soit sa capacité à permettre aux gens de traverser la rue librement en suivant leurs propres lignes de désir pour rejoindre l’une ou l’autre rive, est vraiment le facteur clé car il contribue fortement à la vie de la rue et au maintien de la vitalité commerciale des deux côtés de la rue, puisque ça rend la rue biface dans ses usages.

C'est aux carrefours que les rues se doivent d'assurer le plus de perméabilité dans toutes les directions. Opter pour un plateau à niveau est souvent la meilleure solution pour maximiser la porosité de l'accès aux rez. Cannes, Rue du Docteur Gérard Monod, Sonia Lavadinho 2024


C’est infiniment plus intéressant pour les piétons de pouvoir se déplacer le long de la rue comme ils le souhaitent et pouvoir la traverser dès qu’un rez actif attire leur attention de l‘autre côté.

Des sas de transition entre les vitrines et les lieux de traversée de la chaussée créent une deuxième peau qui donne de l'épaisseur à l'espace public et qui peut être investie pour le séjour et les sociabilités. Lausanne, Place de la Riponne, Sonia Lavadinho 2024


Les rues les plus animées sont les rues les plus perméables, qui incitent à traverser 10, 15, 20 fois en quelques minutes de parcours. Une rue qui n’est pas traversable, c’est une rue qui à terme va vraiment mourir.

L’aménagement des rives joue aussi un rôle essentiel, avec des assises, des terrasses, des lieux ombragés, des bandes ludiques qui multiplient les prises pour capter les passants et les inviter au séjour.

Si parfois les vitrines peuvent être assez quelconques, ce qui ne doit en aucun cas manquer, c'est la présence humaine sur le trottoir. Cela peut paraître contre-intuitif mais la présence humaine aura plus d’impact positif sur le ralentissement tant des passants que des automobilistes lorsque les piétons statiques sont placés au bord de la chaussée. Madrid, Gran Via, Sonia Lavadinho 2024


Assurer un fort degré de porosité de la chaussée la nuit est tout aussi essentiel que de jour. A tout moment la traversée d'une rue commerçante doit se révéler une expérience agréable, sécurisante et confortable.

Eclairage chaleureux, interventions artistiques au sol, présence de bancs et de végétation : dans le centre-ville, tous les ingrédients sont réunis pour animer la rue en version nocturne. Christchurch, New Crescent Street, Sonia Lavadinho 2024


Donc ce sont bien ces deux aspects ensemble – ce qui se passe sur les espaces publics et ce qui se passe sur les frontages – qui vont vraiment déterminer l’animation des rues. C’est lorsque les gens acceptent ces rendez-vous à intervalles très réguliers avec la rue que celle-ci devient vraiment animée. De rue en rue, de carrefour en carrefour, de place en place, l'animation apportée par la présence humaine se propage alors de proche en proche jusqu'à ce que le quartier assume réellement un caractère vivant. A une échelle plus large, c'est la ville toute entière qui pourra ainsi retrouver toute sa vitalité.


PS. Si vous souhaitez mieux maîtriser toutes les questions liées à la vitalité commerciale et apprendre à mobiliser l'indice d'activation des façades afin de vous aider dans la programmation des rez actifs de votre quartier ou de votre coeur de ville, alors c'est par ici pour pré-commander dès aujourd'hui ma formation en ligne et profiter d'une série de vidéos en bonus portant sur des exemples réussis de Barcelone, Paris et Stockholm et d'un prix de lancement avantageux.

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Un peu de patience cependant avant de vous y plonger, car la formation ne sera publiée et accessible en ligne que le 1er novembre 2024. En attendant, je vous souhaite d'ores et déjà un très bel été et je vous recommande, si ce n'est déjà fait, la lecture du très bel ouvrage richement illustré (Ré)aménager les rez de chaussée de la ville sous la direction d'Ariella Masbougi publié aux Editions Le Moniteur, ainsi que du non moins passionnant Rez-de-ville : la dimension cachée du projet urbain publié par David Mangin avec Soraya Boudjenane aux Editions de la Vilette.

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