L'information se prélève... Mais le savoir se construit laborieusement
«L'école de Jules Ferry n'était pas seulement une école où l'on imposait autoritairement le savoir. C'était aussi, comme l'a bien vu Julien Gracq, une école d'imagination. Une des réussites de cet enseignement est d'avoir fait rêver des générations à partir des cartes de géographie et du parcours imaginaire que chaque enfant pouvait faire avec les yeux rivés sur les départements, les rails, les canaux... Aujourd'hui, l'imagination ne se nourrit plus des savoirs scolaires. Elle se gave, et peut-être se meurt, d'images devenues torrentielles. Il reste assez peu de place à l'école pour la patience et la rêverie, et donc pour l'appropriation lente de ce qui est transmis. Sur ce point, il y aurait beaucoup à dire des usages d'Internet. On n'apprend pas de la même façon quand on cherche une information sur Wikipédia et quand on la trouve lentement, à travers un certain nombre d'essais et d'erreurs. L'information se prélève... Mais le savoir se construit laborieusement.»
entretien avec Mona Ozouf, Sciences Humaines, n° 262, 2014.