L’innovation au service des citoyens !
Pas une décennie sans innovation majeure, c’est le rythme de l’occident depuis presque 200 ans. La diffusion de ce progrès s’est faite naturellement, sans laisser – ou presque - personne de côté, offrant aux citoyens plus de confort, de sécurité, ou de loisirs ou une meilleure santé. Tous les secteurs d’activités bénéficient du progrès des autres secteurs jusqu’au virage de l’homo informaticus. Cette ère nouvelle imaginée par les hippies du MIT et formalisée par les centres de recherche bien connus de la Silicon Valley, marque le changement de paradigme au plus profond de la vie citoyenne.
Passés les premiers émois provoqués par l’informatique, l’industrie toute entière est devenue peu à peu dépendante à ce nouvel outil (dépendance récemment mise en exergue avec la faille Log4j qui a révélé le caractère systémique du moindre défaut). Cette cohorte fut rejointe à partir des années 2000 par une population plus large, avide de nouveautés, de facilité, de services gratuits (sic) accessibles sans effort d’apprentissage du bout du doigt. La rétrospective peut donner le vertige à certain et ouvrir l’imagination des autres, mais en 2019 l’étude sur l’illectronisme* révèle que 29% des français âgés de 16 à 74 ans disposent de compétences « faibles » en informatique, soit une proportion comparable au taux d’analphabétisme au début du 19ème siècle**, reflet d’une fracture sociale plus profonde. Si les proportions restent les mêmes, les usages et la vitesse d’évolution se sont considérablement accrus en 1 siècle.
La diffusion du smartphone n’a pris que 10 ans là où la télévision a dû patienter 40 ans pour devenir un équipement adopté par la majorité des foyers. D’un changement passif (regarder la télé), le monde est passé à un changement actif demandant de nouvelles compétences (maitrise des formulaire web, du téléchargement d’app sur mobile, etc…) parfois inaccessibles pour certains pour des raisons cognitives ou matérielles, mais pourtant rendues indispensables par la « digitalisation » de la société.
Ce nouveau paysage demande une réflexion globale ; technologues, juristes, journalistes, enseignants, parents, doivent être impliqués derrière un corps politique efficient, pour que le progrès porté par les innovations ne soit pas synonyme de fracture entre les citoyens. A une plus large échelle, l’avènement de la technologie a fait naître un concept nouveau, celui du « 1st take all », principe selon lequel le premier sur le marché récolte la masse critique et devient de fait le seul fournisseur, et quotidiennement palpable au travers du prisme des GAFAM. A cette échelle, on assiste à un affrontement mondial : les GAFAM luttent contre la montée en puissance des BATX, au centre desquels est placée l’Europe, inexistante, et ce malgré la reconnaissance internationale de ses chercheurs dont la place au sommet du podium de l’université de Paris-Saclay*** en 2020 et les 6 Français médaillés Fields durant les 5 dernières cérémonies en sont la consécration.
Mais revenons aux citoyens, cet homo informaticus relégué au rang d’utilisateur puis de produit (selon l’adage « si c’est gratuit c’est toi le produit ») se retrouve au centre de cet affrontement, notamment en raison de sa dépendance grandissante à la technologie (qui sait encore lire une carte routière ?) et ouvre toujours un peu plus grande une fenêtre de vulnérabilité sur sa vie. L’IA et son carburant la data ont fait irruption dans tous les domaines, services publics et privés, pour apporter à l’utilisateur la « plus belle expérience client ». Le citoyen utilisateur est alors materné, on lui « suggère » des produits, des films, des idées et l’algorithme s’améliore à chaque interaction jusqu’à mieux connaitre l’individu qu’il ne se connait lui-même selon les publications de l’université de Cambridge et Stanford****. Demain nos voitures se conduiront toutes seules, discrètement contrôlées à distance par leur concepteur comme le fait déjà Tesla, rendant encore plus dépendants les citoyens à la technologie.
Dans ce paysage, les grandes entreprises, l’Etat, les collectivités doivent s’unir pour informer les citoyens sur leur nouvel espace de vie. Car si la recherche et l’innovation sont essentielles dans une économie mondialisée, elles doivent avant tout servir et non asservir les citoyens.
La philosophie rend possible la conception de l’innovation avec un prisme différent de pensée, cette discipline autrefois garde-fou des intellectuels et mathématiciens, peu à peu écartée des cercles de décision au fil des siècles, a rendu borgne les « innovateurs » désormais entièrement tournés vers le Dieu Dollar. L’innovation peut être (re)pensée pour être plus éthique, humaniste, au service du bien commun et indépendante, elle DOIT être repensée et partagée sans laisser une poignée de multinationales capter la connaissance et l’utiliser au dépend d’un public laissé volontairement ignorant si l’on veut préserver une vie humaine au #citoyen.
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Ce n’est plus un choix mais une obligation.
*INSEE PREMIÈRE No 1780, i.e. ne disposant pas des capacités nécessaires dans les 4 compétences de base : chercher une information, communiquer, accéder à des services du quotidien et utiliser un logiciel office.
** source Statista
**** https://www.lesechos.fr/2015/01/facebook-et-si-le-reseau-vous-connaissait-mieux-que-votre-conjoint-241583