L'innovation managériale : Une approche darwiniste des pratiques collaboratives
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L'innovation managériale : Une approche darwiniste des pratiques collaboratives

Les startups tout comme les grands groupes évoluent aujourd’hui dans un contexte hyperconcurrentiel. Dans un environnement ou l’adaptabilité est cruciale, l’innovation managériale est devenue un impératif stratégique et un véritable vecteur de compétitivité. A l’image d’une mutation génétique, elle permet aux organisations de s’adapter aux changements. Pourtant, les nouvelles pratiques collaboratives semblent être en manque de reconnaissance et sont souvent considérées comme des changements consécutifs à d’autres.

 

Définir l’innovation managériale

 

A la suite des travaux de Joseph Schumpeter, la définition de l’innovation s’est longtemps limitée à la capacité d’un entrepreneur à inventer ou perfectionner un produit ou un service. Aujourd’hui, le fait d’innover intègre également des pratiques ou des objets plus larges, dont le management. Les publications liées à l’innovation dans les pratiques managériales sont récentes et l’expression « Managerial Innovation » n’a été utilisée pour la première fois qu’en 1981 par J.R Kimberley. Selon Birkinshaw et al. (2008), l’innovation managériale est « l’invention et la mise en œuvre d’une pratique, d’un processus, d’une structure ou d’une technique managériale, qui est nouvelle par rapport à l’état de l’art et qui vise à prolonger les objectifs de l’organisation ». Pour eux, cela n’implique pas seulement l’apport d’une nouveauté dans une organisation établie mais surtout une nouveauté pour l’ensemble des organisations. Ils décrivent l’innovation managériale comme un processus comprenant 4 étapes :

 

– La motivation : Quelles sont les circonstances et les facteurs qui poussent les individus à modifier ou réinventer leurs pratiques managériales ?

– L’invention : Il s’agit de la phase d’expérimentation externe durant laquelle de nouvelles pratiques managériales émergent.

– L’implémentation : C’est la mise en œuvre et le processus technique qui permet d’établir la valeur de l’innovation dans la réalité managériale.

– La labellisation : Il s’agit du processus social permettant de légitimer l’innovation à l’intérieur et à l’extérieur des organisations.

 

Ce processus d’assimilation n’est pas forcément volontaire. Il peut résulter d’un effet de mode, d’un choix forcé ou d’un effet de mimétisme (Abrahamson, 1996). Il peut également être motivé par souci d’efficience et pour ne pas prendre de retard sur la concurrence. Dans tous les cas, l’implication de deux catégories d’acteurs est indispensable : Les agents internes, ceux qui appartiennent à l’organisation dont est issue l’innovation. Les agents externes, ceux qui participent à la diffusion et à la légitimation de la nouvelle pratique. David et Hatchuel (2007) distinguent quatre types d’interactions pouvant produire une innovation managériale :

 

-Chercheurs et entreprises pionnières construisent un nouveau modèle managérial en collaborant. Cette situation implique de la recherche-action ou une position de consultant pour l’organisation (Ce fut le cas pour les travaux de Frederick Taylor sur l'organisation scientifique du travail).

-Le nouveau modèle de management résulte de recherches académiques. Il s’agit toutefois d’une situation assez rare.

-Chercheurs et praticiens valident ensemble des modèles existants en les élargissant à d’autres situations managériales.

-Des chercheurs valident théoriquement un modèle managérial découvert ou inventé par des organisations pionnières.


Dans ce dernier cas, l’innovation provient des managers eux-mêmes car ils ont inventé un nouveau modèle sans interactions externes. Le rôle des chercheurs reste pourtant essentiel dans la conceptualisation et la diffusion du nouveau modèle. Il est important de souligner que les chercheurs ne sont pas les seuls vecteurs de diffusion. En effet, d’autres acteurs externes comme des organisations ou des institutions peuvent permettre à un nouveau modèle de se répandre.

 

 

Vers une R&D managériale ?

 

L’innovation est encore aujourd’hui assimilée aux progrès technologiques ou à l’évolution de produits existants. Les différents classements des entreprises les plus innovantes sont d’ailleurs aujourd’hui majoritairement basés sur le nombre de brevets déposés (Le classement Boston Consulting Group par exemple). Comment expliquer le fait que le management ne soit pas reconnu comme étant une pratique perfectible et mutable ?

Tout d’abord, l’innovation managériale n’a fait l’objet de recherches que depuis les années 1980. Il n’existe pas encore de consensus quant à sa définition. S’agit-il de l’émergence de nouvelles méthodes de management dont les objectifs sont d’améliorer la performance globale ? Est-ce l’adoption par une organisation d’une pratique ou d’une méthode existante mais qui est nouvelle par rapport à ses pratiques et méthodes de management actuelles ? Il semblerait également que l’innovation managériale soit considérée comme faisant partie des évolutions organisationnelles et informationnelles. Le changement serait donc induit par les mutations organisationnelles et les avancées technologiques des organisations. En ce sens, l’innovation managériale ne serait pas une création en soi mais la conséquence d’autres choix stratégiques. L’état de la recherche ne permet pas non plus d’identifier les facteurs responsables de l’émergence et de l’adoption d’une nouvelle manière de manager. Il semblerait toutefois que certains secteurs, comme le high-tech, soit beaucoup plus propice à l’apparition d’innovations managériales.

Pour arriver à une reconnaissance de l’innovation managériale, il faudra donc développer la recherche et pour cela, d’importants efforts financiers de la part des pouvoirs publics et des entreprises privées devront être faits.

 

 Paul Bouvet

@Paul_Onetwo

 

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