L'intelligence du travail artificiel

Ce constat s’adresse à tous mais quand même plus particulièrement à tous ceux qui comme moi ont observé et commenté l’arrivée de l’IA comme les dinosaures ont dû faire avec la météorite en observant le ciel il y a 65 millions d’années : qu’est ce que c’est que cet engin ?

Puis le temps passant (vite), nous arrivons à comprendre que l’arrivée de l’IA ne déclenche pas la fin du monde mais sans doute le début d’un nouveau, le tout début. En effet nous utilisons aujourd’hui une IA dite étroite ou intelligence artificielle faible. Ce qui laisse supposer que dès demain arrivera l’Intelligence Artificielle Générale puis après demain la superintelligence Artificielle.

Restons-en donc pour l’instant à l’IA étroite ou faible. Avec cet outil pourtant encore très limité, nous développons des capacités d’analyse hors norme par rapport à nos pratiques ancestrales, mais nous arrivons aussi à « créer » grâce à ses capacités génératives. Et là, miracle : tous les utilisateurs constatent que bien cornaquée par des prompts pertinents, l’IA fait le boulot à notre place !

Je ne vais donc pas reprendre ou lancer de débat sur la future place de cet outil dans la production artistique et culturelle : je laisse le soin aux professionnels de ces métiers de respecter l’éthique qui doit être la leur, quitte à créer un label « Produit Sans IA ».

En revanche, je suis plus dubitatif quant au positionnement de l’Education Nationale sur le sujet. Je précise mon propos en reprenant ci-dessous l’échange que j’ai eu avec mon fils de 17 ans, alors qu’il venait de terminer un commentaire de texte. Je tiens à préciser que mon fils est normal, c’est à dire qu’il est équilibré, éduqué, aimé et équipé du classique triptyque smartphone-PC-PS4 et du même pack Bof-Bof-J’sais pas que l’immense majorité de ses congénères :

« Alors, c’est bien l’école ? -Bof

-          Et tes profs ? -Bof

-          Et qu’est ce que tu veux faire plus tard ? -J’sais pas »

Lisant par-dessus son épaule, je lui dis donc :

« Incroyable ! On dirait presque une thèse ! Mais, tu comprends tout ce que tu as « écrit » ?

-          Euh…

-          Ok. Tu vas donc remettre un devoir fait par une IA à ton prof, et tu penses qu’il ne va pas s’en rendre compte ???

-          Ah mais ne t’inquiète pas. Juste après, je le passe dans une autre IA qui paraphrase la totalité. Et comme ça on ne voit pas la différence entre ce que je sais écrire d’habitude et ça. »

Bref, les adultes responsables que nous sommes promeuvent actuellement un modèle d’IA qui fait le travail rébarbatif à notre place, les plus agiles et plastiques intellectuellement d’entre nous le reprennent immédiatement à leur compte. Il s’agit là d’un cas très particulier puisque je ne parle que de mon fils. Mais j’ai le sentiment qu’il existe des millions de ce cas particulier…car ne nous leurrons pas, si une majorité de lycéens associera plutôt le mot rébarbatif à un double pléonasme ayant trait à la pilosité faciale, une fois le sens compris ils l’appliqueront à la quasi-totalité des matières enseignées. Fort heureusement, l’IA ne fait pas encore de sport, ouf !

Au-delà de l’absence de la moindre créativité dans ce type d’utilisation de l’IA générative (si ce n’est la pertinence des prompts, je le reconnais), je crains surtout l’appauvrissement culturel et la perte de mémoire historique. Car à faire faire le boulot par un autre sans parfois même prendre connaissance du contenu, on n'apprend plus rien. Nous disions la même chose pour la génération d’avant qui avait fait sa spécialité du copier-coller Wikipedia, mais il leur fallait bien à minima relire ce qu’ils copiaient préalablement. Et lire, c’est déjà se cultiver.

Dans le cas présent, j’ai presque honte de l’écrire, mais mon fils ne savait même pas de qui était le texte à commenter. Imaginons ce triste exemple dupliqué des millions de fois dans toutes les matières.

Alors, en moins de temps qu’il n’en faudra à l’Education Nationale pour anticiper cette situation, les élèves auront terminé leurs devoirs avant d’être rentrés à la maison, sans presqu’aucune valeur ajoutée.

Et donc, la mise en place d’un nouveau modèle intégrant l’IA dans l’enrichissement culturel de nos enfants et développant leur appétit pour le travail et la créativité, on s’en occupe après les uniformes svp ?

Philippe Canivet

Architecte associé & président de AAGROUP | Directeur de l'agence de Valence

10 mois

Certes nos enfants ne développent pas leur culture générale mais ils développent leur intelligence pratique. D’ailleurs nos ancêtres vivaient très bien comme cela. Le Bon Sens Paysan oblige. Nous n’avons pas d’autres choix que de leur faire confiance.

Jean Noël Louchart

Directeur technique at ETANDEX

10 mois

Mazarine Pingeot a oublié le « sans IA » dans son dernier livre Vivre sans !

Charley Cichoradzki

Spécialiste désenfumage naturel et mécanique Dirigeant AEROLIK SYSTEM Président du GIMSSI - FFB

10 mois

Témoignage Intéressant et ouvrant à la réflexion ! Je n'ai pas encore franchi le pas mais l'intégration de l'IA dans nos outils quotidiens m'interpelle, comme le BIM je suppose qu'il ne faudra pas louper le train... Mais rassurez-moi ça n'est pas l'IA qui a écrit l'article pour vous 😅 ?

Hugues Bethuleau

ingenieur commercial chez ETANDEX

10 mois

C’est tellement vrai

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