L’investissement responsable dans le "monde de demain"​

L’investissement responsable dans le "monde de demain"

La remise des cinquante premières propositions de la commission citoyenne pour le climat au Président de la République cette semaine a rappelé à tous l’importance des enjeux environnementaux dans le contexte de la crise sanitaire actuelle et, plus encore, dans le « monde de demain » post-confinement et post-épidémie.

A un moment où le Président a invité les professionnels de la finance à « être au rendez-vous de la mobilisation économique » et où les organismes d’assurance annoncent ce jour-même un effort sans précédent au service des acteurs les plus fragilisés par la crise, il est indispensable de remettre l’investissement responsable au centre des priorités pour construire le « monde de demain ». C’est d’autant plus indispensable que ce monde aura à affronter immédiatement et à une échelle jamais rencontrée… les maux économiques et sociaux de l’ancien monde : chômage massif, inégalités sociales, déséquilibres publics majeurs…

Rappelons à ce stade que l’année 2019 a marqué plusieurs ruptures concernant l’investissement responsable dans notre pays :

  • Rupture en termes d’attente des citoyens et épargnants. Dans plusieurs études récentes, ils sont 7 sur 10 à souhaiter que leurs économies soient investies dans des supports responsables.
  • Rupture en termes réglementaires avec l’obligation introduite par la loi PACTE de mai 2019 de référencer dès le 1er janvier 2020 des supports responsables labellisés ISR dans les contrats multi-supports d’assurance-vie
  • Rupture en termes de performance. Plusieurs études académiques confirment que l’investissement responsable ne souffre d’aucun écart de performance négative par rapport aux autres investissements.

Encore des doutes ? Regardons alors simplement l’évolution des volumes d’encours labellisés ISR. En avril 2020, ces derniers représentent près de 395 fonds et de 150 Mrds EUR d’encours. En avril 2019, les encours labellisés s’élevaient à 55 Mrds EUR et moins de 200 fonds bénéficiaient du label…

La crise sanitaire actuelle doit inciter les investisseurs à aller plus loin et à intégrer de nouveaux aspects des politiques environnementales, sociales et de bonne gouvernance des entreprises… et des Etats. Je ne reviendrai pas ici sur les enjeux climatiques largement débattus par ailleurs. Les propositions de la commission citoyenne pour le climat méritent d’être analysées et mises en oeuvre dans les domaines clefs des transports, du logement ou encore des pratiques alimentaires.

Sur les aspects sociaux et de gouvernance, la situation actuelle et la préparation du déconfinement révèlent de nombreux écarts de pratique entre les acteurs. Elle suggère d’enrichir l’analyse et les indicateurs sous-jacents de l’investissement responsable permettant d’évaluer les pratiques « RSE » effectives des entreprises et des souverains en matière de prévention et de gestion des risques pandémiques :

  • Sur le plan social, il ressort ainsi que certaines entreprises ont favorisé et compensé financièrement le recours au temps partiel de leurs salariés afin de faciliter les conditions de la pratique du télétravail. D’autres ont introduit une plus grande flexibilité dans la gestion et la planification des congés. Certaines ont favorisé le don de jours afin de venir en aide aux personnes vulnérables. D’autres enfin ont considéré que le recours aux aides publiques et au chômage partiel était -en dépit de l’effondrement de leur activité- à réserver aux entreprises prioritaires et parmi les plus fragiles, par exemple selon le critère du nombre d’emplois par quotité de dette financière, suggérés par l’agence de notation Inbonis dans une étude récente relayée par B. Jacquillat du Cercle des Economistes. Ce type de pratiques mériterait d’être pleinement intégrées dans les choix d’investissement.
  • Sur le plan de la gouvernance, l’évaluation du caractère opérationnel des plans de continuité pourra aussi être pleinement intégrée à l’analyse ISR. Combien d’entreprises ont découvert que leur « PCA » étaient inutiles et obsolètes pendant cette crise ? Ces plans, dans leurs volets de prévention, de gestion et de sortie de crise devront totalement être revus… dans le secteur privé, comme dans la sphère publique. Ce qui frappe dans la gestion de la crise actuelle et dans l’élaboration des scénarios de sortie du confinement est le degré d’impréparation. Réaliser des stress tests, où figure généralement en bonne place le risque de pandémie, par les acteurs du secteur financier se révèle bien insuffisant…

La crise actuelle et « le monde de demain » constituent donc une occasion unique de renforcer et enrichir l’analyse ISR et les approches d’investissement durable. Ce travail devra être mené dans une optique de long terme. C’est sur cette base qu’on pourra juger que les acteurs du secteur financier sont au rendez-vous de la mobilisation collective.

Sophie Barniaud

RSE - transformation durable - ESG - Born in 329 PPM

4 ans

Une mobilisation d'autant plus nécessaire que le lobbying de l'ancien monde appelle à profiter de la crise pour revenir sur des décisions, notamment liées à l'environnement, et pour réduire les ambitions globales en termes de développement durable...

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