Logements sociaux: du mythe à la réalité
Au commencement était la volonté de faire un effort de contribution à la justice sociale en substituant le privé à l'État dans l'édification de logements dits "sociaux" qui bien souvent se trouvent être des logements de standing qui n'ont rien à envier à leurs voisins du secteur libre.
Le Maître d'Ouvrage a donc été appelé en concours obligé, et au-delà d'un certain volume de surface de plancher réalisable s'est vu invité réaliser un certain pourcentage de logements sociaux dans son programme (20%) qui avec le renforcement de la Loi SRU sous le mandat ministériel de Cécile Duflot, s'est vu renforcé à 25%.
La logique de cet effort de contribution de la part de l'acteur privé se traduisant par une vente globale de ses logements à un bailleur social, cette vente globale venant en renfort du montant total des ventes à réaliser pour consolider financièrement la réalisation du programme, donc jusque là rien d'anormal.
La production de logements sociaux entraîne inexorablement une hausse des prix des logements libres
Là où la mécanique financière du projet se complique un peu, c'est que le prix défini de cette vente globale de logement sociaux se situe généralement entre 30 et 40% en-dessous des prix du marché du secteur libre, et constitue de fait un manque à gagner direct -pour ne pas dire une perte- sur une partie du stock de programme... qui est tout naturellement compensée par un "lissage à la hausse" des prix du stock des appartements et parkings offerts en libre afin de garantir les marges financières du même programme.
Facile donc dans ce contexte d'imaginer et de comprendre que ce manque à gagner, impacté par effet de chaîne sur les acquéreurs du secteur libre, a un effet direct sur les prix du marché sans que ce paramètre ne corresponde à une réelle valeur du bien offert.
On a souvent pensé que les promoteurs étaient les seuls à supporter la faiblesse du prix de vente des logement sociaux, mais il n'en est rien, et au final ce sont bien les propriétaires-vendeurs du terrain à bâtir d'une part, et l'acheteur final du secteur libre d'autre part, qui sont les seuls à supporter le secteur du logement social.
Loin d'être un outil de paramétrage des prix du logement à la baisse -autrement que dans les statistiques- le secteur du logement social est bel et bien un facteur d'augmentation des prix du secteur libre... à la hausse.
Les logements sociaux sont une alternative inévitable et logique au vieillissement du parc locatif actuel
À méditer, d'autant qu'à l'avenir la réalisation de logements sociaux décents et moins énergivores est pressenti comme facteur important de part son action sur le volet social, mais aussi comme levier incontournable du renouvellement nécessaire du parc -parfois vieillissant- de logements sociaux du pays.
Les actions à mener afin rentre plus cohérente la réalisation de logements sociaux sur le territoire sont diverses et variées, et toutes les voies sont bonnes à explorer: de l'ajustement -à la hausse- de la valeur d'acquisition du social, à l'ajustement des volumes de réalisation en fonction du maillage social et du prix du foncier, ou encore l'octroi d'un bonus de constructibilité pour le promoteur-maître d'ouvrage, mais c'est un effort inévitable si l'on veut pérenniser et optimiser cet effort de solidarité nationale.
Responsable de Pôle
9 ansPuisque vous avez ouvert le débat sur la problématique des coûts du foncier, je me permets d’apporter ma contribution à l’édification collective en rappelant quelques éléments factuels. Dans la région Rhône-Alpes, la décennie écoulée a vu les prix des charges foncières des opérations de logements sociaux progresser de 145 % (en moyenne). Nous entendons ici les logements sociaux acquis en VEFA ainsi que ceux produits en maîtrise d’ouvrage direct. Il faut rappeler que lorsque un maître d’ouvrage HLM achète un programme en VEFA il le fait un prix global, n’ayant souvent qu’une valeur indicative ou déduite par ratio pour déterminer la part du foncier. Les données dont nous disposons, du moins pour la région Rhône-Alpes, nous montrent que le prix d’achat global des programmes en VEFA est « relativement » équivalent à celui des opérations en maîtrise d’ouvrage direct. Il faut également rappeler, cela me semble vraiment nécessaire, que les secteurs de mixité qui induisent aujourd’hui une forte part de production en VEFA, ont été justement créé afin de permettre aux organismes HLM de construire dans les zones où le foncier est devenu trop cher. Il serait donc surprenant qu’une augmentation du prix payé par les organismes Hlm pour acquérir ces programmes puisse apporter une solution durable aux difficultés de logement que nous connaissons. Par ailleurs, l’utilisation de la VEFA dans les secteurs de mixité sociale avait évidemment comme objectif de faire baisser les prix du foncier et d’assurer une forme de redistribution de la richesse... j’aurais tendance à penser que les possesseurs de terrains à bâtir ou les futurs acquéreurs dans les zones les plus tendus ne figurent pas parmi les plus défavorisés… Nous constatons d’ailleurs, à Lyon comme dans d’autres grandes villes de la région, que les programmes neufs dans les zones les plus cotées se négocient entre 4000 et 6000 € du mètre carré, bien loin de ce que le salaire médian (1800 € mensuels) permet de s’offrir… Je pense qu’il est important de reconnaître que l’explosion des prix du foncier que nous avons connu ces 15 dernières années, et qui n’ont que très peu reculé dans les zones les plus tendus après la crash de 2008, est essentiellement due à une bulle spéculative qui a accru les logiques de rente foncière. Entre 2004 et 2014, la part de la VEFA dans la production des organismes HLM est ainsi passée de 5 à 35 %. Une vision plus détaillée de cette question laisse apparaître que dans les secteurs les plus tendus la proportion de VEFA peut-être encore beaucoup plus importante. Cela questionne naturellement la capacité qu’auront les organismes HLM à y produire directement autrement qu’en acquisition amélioration. Pour les organismes HLM cette évolution s’est traduite par une augmentation très forte des coûts des charges foncières. Cela aussi bien pour les opérations en VEFA que pour celles dont les fonciers avaient été acquis sur le marché de gré à gré. En 2014, c’est en effet plus de 70 % des fonciers qui sont issus soit de VEFA soit du marché de gré à gré. À cet égard il faut préciser que les hausses du prix du foncier les plus fortes ont été enregistrées durant les années pour lesquels les organismes avaient encore un recours relativement modéré à la VEFA…. La part d’opération pouvant bénéficier de fonciers minorés (baux emphytéotiques, préemption…) est quant à elle en fort recul, passant de plus de 50 % de la programmation en 2004 a un peu plus de 20 % en 2014. Vous estimez en outre que le prix d’achat des opérations en VEFA par les organismes Hlm est inférieur de 30 à 40 % à celui du prix du marché libre. D’autres économistes ont suggéré que les prix de l’immobilier étaient largement surévalués dans certaines zones de notre cher pays, également de 30 à 40 % selon leur dire. Notre pays a également été récemment pointé comme étant un de ceux où les coûts de construction, rapportée à la qualité, figurait parmi les plus élevés d’Europe. De son côté, la Caisse des Dépôts a publié il y a un an ou deux ans une étude montrant que les hausses des coûts de travaux sur les 10 dernières années (environ 5 % par an) avaient largement dépassé le niveau de l’inflation. Si les coûts de travaux sont clairement un facteur d’inflation, ils ne sont sans doute pas le pire, la réglementation et les normes sont en partie à incriminer, mais cela, au moins, on ne peut pas le mettre sur le dos des organismes HLM Il me faut également rappeler quelques chiffres sur l’évolution des revenus et les taux d’effort des ménages qui n’ont pas eu le bonheur de suivre l’embellie du prix des biens immobiliers et des terrains. Entre 2004 et 2014, le taux d’effort moyen des locataires HLM est ainsi passé de 14 à 24 %, et l’évolution a été bien pire pour les locataires du privé. En caricaturant à peine, on peut dire que la richesse des locataires été transféré vers les propriétaires, celle des jeunes générations vers les plus anciennes, un excellent exemple d’une fracture sociale qui s’est agrandie sous nos yeux…. Allons-nous encore rajouter quelques pelletées de charbon dans le train de l’inflation ? Pas sûr. Ceux qui sont réellement pénalisés par cette situation sont davantage à chercher du côté des locataires et des primo accédant, qui ont bien du mal à trouver aujourd’hui des produits qui soient appropriés à leur revenus. Cela vaut pour les organismes HLM, dont la structure de la programmation est malheureusement de plus en plus déconnectée de la structure réelle des revenus des demandeurs de logements sociaux, qui connaissent une précarisation grandissante, mais également pour la promotion privée, qui s’étonne encore que le marché soit atone et qu’il soit difficile de trouver preneur pour ses produits. Là encore il me semble difficile de croire qu’une économie faite sur les organismes HLM puisse contribuer à renverser cette situation. Nous aurions davantage besoin d’une politique nationale qui permettrait de décourager la rétention foncière avec une fiscalité beaucoup plus appropriée. Le fonctionnement actuel du marché de l’immobilier ne permet plus de répondre aux besoins des habitants, il draine les subventions publiques, provoque l’augmentation du prix des biens et des loyers et la paupérisation la population, une vraie réussite…. en passant cela fait cinq ans que le taux de propriétaire n'a pas bouger en France, les chiffres viennent justes de tomber..... Il semble aujourd’hui vraiment essentiel que les collectivités et l’État puisse se doter d’outils qui permettraient de réguler beaucoup plus en amont l’activité des marchés immobiliers et fonciers afin d’éviter les errements que nous connaissons depuis des décennies. Des errements qui voient les périodes de crise succéder à celles d’euphorie, semble-t-il inexorablement. Ce fonctionnement est préjudiciable bien évidemment aux habitants, locataires ou aspirants propriétaires, mais également aux promoteurs et à l’ensemble de la filière du bâtiment. La succession de périodes d’euphorie et de dépression provoque en effet des ravages dans l’industrie du bâtiment, grosse consommatrice de main-d’œuvre, et empêche la formation d’une certaine « vérité des prix » qui serait un gage de stabilité pour le secteur… Là aussi nous ne pouvons que regretter que l’encadrement du secteur de l’immobilier ne soit plus fort afin d’éviter que l’économie tout entière ne soit prise en otage à chaque nouvelle bulle spéculative. Tous les acteurs, me semble-t-il, auraient à gagner à un fonctionnement plus lisse et plus apaisé de ce secteur d’activité, si cruciale pour l’économie de notre pays…. Même en ces temps de dérégulation effrénée, on peut toujours rêver…
Directeur général | Architecte de la Transition Énergétique & du Logement Durable | Stratégie Bas Carbone & IA | Excellence Opérationnelle
9 ansEn partie vraie mais pas totalement
Directeur des relations institutionnelles et parlementaires
9 ansA lire les commentaires on a l'impression que la production de logements se fait exclusivement en VEFA. Autre point dont on oublie de parler: les normes et règles applicables aux logements sociaux sont bien plus drastiques que celles des logements libres par exemple en matière de surface. C'est ce qui explique en partie le choc des cultures de 2008 entre la promotion immobiliere qui pensait pouvoir recycler ses programmes de VEFA plantés au prix fort aux bailleurs sociaux et ces derniers devant se conformer à des standards de qualité plus élevés tout en pratiquant des loyers plus faibles. Le logement social a bon dos...
Directrice associée
9 ansC'est en effet ainsi que la plupart des logements sociaux sont financés et si on faisait une infographie pour présenter à un acquéreur ce qu'il paie en achetant un bien immobilier il serait surpris de voir la part qui revient au promoteur pour tout le travail qu'il réalise et le risque qu'il prend et tout ce qui part dans la fiscalité et l'aide sociale.