Lost in... transition

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Si vous avez eu chaud en 2022, vous aurez encore plus chaud en 2023. Et ce n'est pas une bonne nouvelle. Les experts estiment à 80% la probabilité qu’un phénomène El Niño se manifeste entre juillet et septembre, faisant craindre une nouvelle flambée des températures mondiales. Mais face à cet emballement, nous courrons à contre-sens de la neutralité carbone. Souriez, c’est vendredi ! 🙌

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Du côté des entreprises d'abord. Le fait d'être validé par l’initiative Science Based Targets initiative (SBTi), cadre de référence en matière climatique au niveau mondial, constitue pour elles un véritable Graal. L’organisme passe au crible "scientifiquement" leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour voir s'ils sont alignés sur la trajectoire 1,5°C. À ce jour, plus de 5 000 entreprises ont pris des engagements climatiques, soit un tiers de l’économie mondiale, et près de 2 700 d’entre elles ont fait valider leurs objectifs, à différents niveaux (court terme, long terme, neutralité carbone). De quoi se réjouir ? Pas vraiment.

Loin du compte

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Quelle est réellement la qualité des engagements pris par les entreprises validées par SBTi ? C’est ce qu’a cherché à savoir le cabinet de conseil en investissement responsable Axylia, dans une étude inédite publiée fin avril. Il a pour cela retenu 800 des 1000 entreprises cotées en Bourse validées SBTi. Résultat : leurs engagements, parmi donc les plus ambitieux au monde, ne permettent de réduire leurs émissions que de 2% entre 2020 et 2030. Selon le Giec, c’est ce qu’il faudrait faire chaque année…

Parmi les écueils pointés par l'étude, il y a les objectifs de réduction des émissions exprimés en intensité ou encore la difficile prise en compte du Scope 3. "La méthode SBTi présente des limites", explique Ferdinand Raffy, analyste ISR chez Axylia. Mais la méthodologie reste à ce jour la meilleure initiative pour juger de la trajectoire des entreprises. "Nous sommes à la pointe de ce qui se fait de mieux mais ce n’est jamais parfait", explique à Novethic Lila Karbassi, présidente de SBTi. "Nous atteignons des limites face au challenge du siècle qu’est l’urgence climatique. Il n’y a pas de solution toute faite et certains secteurs sont très compliqués à décarboner."

Le gouvernement doit revoir sa copie

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@iStock

Nouveau round dans le premier procès climatique français. Le Conseil d’État, saisi par la ville de Grande-Synthe et plusieurs associations, estime que rien ne permet de garantir que le gouvernement tiendra sa trajectoire climatique. La plus haute instance administrative lui ordonne donc une nouvelle fois de prendre de nouvelles mesures d'ici juin 2024.

En juillet 2021, le Conseil d’État avait donné neuf mois au gouvernement pour se mettre en conformité. Un an après la date butoir, force est de constater que le compte n’y est toujours pas, bien que des mesures supplémentaires aient été prises. Si les données montrent que jusqu’ici les objectifs 2019-2023 pourraient être respectés, avec une diminution moyenne des émissions de 1,9% par an, les juges se demandent si ces résultats sont liés "à des actions du gouvernement ou au contexte particulier des dernières années (pandémie de Covid-19 et guerre en Ukraine)".

Pour les organisations de l’Affaire du Siècle, c'est "un désaveu pour le gouvernement". "Avec cette décision, le Conseil d’État entérine la défaillance du gouvernement et l'esbroufe qu’il organise autour de son (in)action climatique". Pour l'avocat spécialisé Arnaud Gossement , l'interprétation n'est pas la même. "Retour à la réalité. Le juge administratif ne va pas sauver la planète", réagit-il dans un post Linkedin.

Qui pour porter le Green Deal ?

Au niveau européen, les candidats ne se bousculent pas pour défendre le Pacte vert, nous explique Anne-Catherine Husson-Traore . À l’heure où Emmanuel Macron recevait à Versailles les 200 dirigeants des plus grandes multinationales dont Elon Musk, pour leur rendez-vous annuel Choose France, le Parlement européen organisait un évènement intitulé Beyond growth (au-delà de la croissance) pour alimenter l’engagement autour du Green Deal. Négligé politiquement, cet ambitieux programme européen pourrait offrir une véritable sécurité climatique, économique et financière d’ici 2030 aux investisseurs et aux industriels selon une étude publiée ce mardi 16 mai par Strategic Perspectives, un nouveau think tank lancé par Neil Makaroff .

"Le Green Deal européen va agir comme un bouclier contre le coût de la vie. Avec ses lois sur la transition écologique, l'Europe protège le portefeuille des ménages et des entreprises car elle fournit toutes les solutions pour réduire les factures d'énergie et s'éloigner du gaz, du pétrole et du charbon, qui sont les principaux moteurs de l'inflation", explique-t-il dans un communiqué. Mais les dirigeants européens sont loin d’accorder leurs violons sur le Green Deal et continuent à privilégier des visions nationales au détriment d’un élan européen, ce dont Choose France est une illustration parmi d’autres.


On passe au TOP 3 de la semaine !

Sur le podium des articles les plus lus par nos lecteurices, on trouve :

🥇 Perrier, Volvic, Hépar… les eaux en bouteille contraintes de réduire la voilure face à la sécheresse

🥈 Après le scandale des crédits carbone, le Royaume-Uni s'apprête à lancer des crédits biodiversité

🥉 Licenciements, chute en Bourse… ChatGPT percute le marché du travail


On finit avec la cerise sur le gâteau, le conseil de la rédac.

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Le 9 février 1972 aurait pu marquer un véritable tournant. Le social-démocrate néerlandais, alors vice-président de la Commission européenne chargé de l’agriculture Sicco Mansholt lâche une bombe. Après avoir lu les travaux du rapport Meadows, il écrit une lettre au président de la Commission : l’Europe, affirme-t-il, doit d’urgence engager une politique écologique rompant radicalement avec l’objectif de croissance. Hélas, Mansholt n’a pas été écouté, il a même été raillé ou conspué, dénoncé comme ennemi des travailleurs ou du progrès, à gauche comme à droite. Nous avons perdu cinquante ans...


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