Lundi 10 Décembre 2018 :
Ce soir, à vingt heures, notre président de la République, Emmanuel Macron, doit s'exprimer devant la nation. Durant toute la journée, d'après les informations qui sont en ma possession, il multiplie les consultations auprès des représentants de partis politiques, de députés, de maires, etc.
Emmanuel Macron prend-t-il conscience qu'il doit faire un geste fort en direction des Gilets Jaunes, et des 70 % à 80 % de la population française qui les soutient. Personnellement, je n'en suis pas convaincu au regard des premières mesures qui ont déjà filtré - une prime exceptionnelle pour les salariés, la hausse du minimum vieillesse, une suppression plus rapide de la taxe d'habitation, une défiscalisation des heures supplémentaires - ne seront pas suffisantes pour apaiser la colère et le ressentiment des français. S'il ne va pas plus loin, s'il n'annonce pas des mesures plus volontaires, je gage que la pression de la rue ne retombera pas.
Les français ne sont pas idiots. Pire, ils ne supportent plus qu'on les prenne pour des naïfs que quelques mesurettes calmeront. Ils ont toujours autant peur - et je les comprends - qu'on leur jette des miettes du haut de la table, quand ils se rendent compte que l'argent qu'ils donnent à l’État par le biais de leurs impôts - qu'ils ne refusent pas de payer - l'emploie injustement, ineptement, et que l'effort qu'ils fournissent n'est pas récompensé.
Depuis longtemps, quelle que soit la mouvance politique au pouvoir, les gens se sont aperçu que l'Etat se désengageait de plus en plus de ses prérogatives essentielles - sécurité, scolarité, soins, transports, agriculture, etc. -, et qu'il les confiait à de grands groupes, des multinationales qui n'ont qu'un seul but : le profit, à court terme de plus, et contenter leurs actionnaires. Alors, quand Emmanuel Macron a abrogé l'ISF afin que ces multinationales réinvestissent en France, les français ont vu là une mesure injuste. D'autant qu'elle a été l'une des premières qu'il a prise.
Pire encore, le retrait de l'ISF est inutile : les français savent parfaitement que ces multinationales - françaises en particulier - ont réfugié leurs sièges dans des paradis fiscaux où ils ne paient pratiquement pas d’impôts. Près de 80 milliards d'euros par an d'après ce que je sais. Ces multinationales dotées de groupes de pressions à l'Assemblée nationale ou à Bruxelles, pour influer sur les lois françaises ou européennes, les favorisant, sont ressenties comme une insulte. Alors que beaucoup de français ont du mal à boucler leurs fins de mois, ces puissants se moquent de ceux qu'ils emploient - souvent de façon précaire à renfort de CDD ne permettant pas à ceux qui y sont soumis d'avoir un minimum de perspective d'avenir et de stabilité. Je ne parle même pas des délocalisations pour trouver ailleurs des employés aux salaires moins élevés. Je ne parle pas non plus des profits hallucinants de ces multinationales qui considèrent les travailleurs comme une marge d'ajustement à leurs dividendes. Je ne parle pas non plus des ces hommes et ces femmes travaillant dans ces entreprises, qui sont poussés à bout, jusqu’à faire des burn-out, des tentatives de suicide. Je ne parle pas, aussi, de cet encouragement continuel à la consommation à outrance, alors qu'ils n'en n'ont pas les moyens.
Je rajouterai également un point que l'on évoque peu, mais qui, à mes yeux, est l'un des nœuds essentiels de la crise que traverse la France depuis une quarantaine d'années, qu'aucun gouvernement de Droite ou de Gauche n'a su - pu ? - régler, et dont Emmanuel Macron fait aujourd'hui les frais : la Dette. Comme l'immense majorité des pays du monde, la France est enchainée à une dette abyssale : 2000 milliards de dollars il me semble. La France vit depuis longtemps au-dessus de ses moyens, et pour rester conforme aux accords européens, la France ne doit pas dépasser son PIB consacré à son déficit public de 3 %.
Attention, je ne remets pas en cause l'Europe, la construction européenne, etc., qui, à mes yeux, est une bonne chose. C'est le seul moyen de faire face aux géants que sont les Etats-Unis, la Russie, la Chine, etc. dans la concurrence commerciale, économique, etc. qui nous oppose à eux. Mais, depuis longtemps, l'Europe est divisée, affaiblie, ne parvient pas à se protéger industriellement, économiquement, face à eux. Je ne parle pas de l'immigration, qui est un autre sujet, et qui, quoiqu'en disent certains nationalistes intégristes adeptes du repli sur soi identitaire, est une bonne chose ; toutes proportions gardées, bien entendu. J'ai déjà évoqué ce thème dans d'autres articles, d'ailleurs.
Quoiqu'il en soit, cette dette abyssale, si elle profite aux spéculateurs de tous poils, aux banques internationales, etc. restreint énormément les marges de manœuvres des pays comme la France - ou tellement d'autres - qui y sont soumis. De plus, quand on, sait que ce désendettement auquel se sont attaqués tous les gouvernements de Gauche et de Droite est inefficace, là se trouve un des problèmes majeurs de notre politique dans ce domaine. Il faut en effet savoir que lorsqu'un gouvernement, chaque année, consacre des milliards d'euros pour tenter de résorber cette dette, il n'emploie cet argent que pour les intérêts de la Dette ; pas pour restreindre la Dette elle-même ; ou si peu que les intérêts à rembourser l'année suivante sont toujours aussi lourds.
Or, une partie de l'économie boursière est basée sur cette spéculation. Il faut aussi savoir que les capitaux boursiers ne sont soumis à aucune taxe fiscale. Je ne suis pas spécialiste dans ce domaine, mais si taxe il y a, elles n’empêchent pas les multinationales cotées en bourse, ainsi que leurs actionnaires, de s'enrichir monstrueusement.
Nos gouvernants se demandent comment sortir de la crise à laquelle nous assistons au travers du mouvement des Gilets Jaunes, de la montée des extrémismes, des replis sur soi un peu partout en Occident, ce sont là deux leviers essentiels de notre économie mondialisée, que l'on pourrait utiliser. Malheureusement, nos gouvernants, et Emmanuel Macron le premier, n'en n'useront pas, parce que ces multinationales font pressions sur eux. Leurs menaces de délocalisations, leurs dirigeants proches des pouvoirs en place, quand ils ne font pas partie des ministères, font peur à nos politiques. Ils savent qu'en cas d'exigence du pouvoir à leur encontre pour soutenir l'effort collectif, ces multinationales exerceront des représailles économiques et salariales. De fait, puisqu'il faut bien que quelqu'un contribue, ce sont évidemment les salariés, les plus fragiles, les plus démunis, etc. qui paient le prix du manque de courage politique à leur encontre.
Si ce n'était que la France... Mais il en est de même dans tous les pays soumis aux mêmes bouleversements qu'entraine la mondialisation. Par contre, si la mondialisation a des effets pervers dont je viens brièvement de décrire quelques-uns d'entre eux, ce n'est pas vrai pour tout. Mais ceci est d'une complexité et d'une diversité telle que je ne peux décrire, décrypter, approfondir cela, au travers d'un article tel que celui-ci ; ou d'autres qui lui ont précédé. Il me faudrait rédiger un livre entier pour cela ; et encore.
Je vous le rappelle, je ne suis pas un expert. Cependant, je m'informe quotidiennement sur la marche du monde, sur notre civilisation, sur notre société, sur l'économie, sur la politique - qu'elles soient française ou internationale -, sur la géostratégie, etc. Par ailleurs, contrairement à certains et certaines dont j'ai vu les publications pulluler ces derniers jours sur Facebook ou ailleurs, si je me méfie des annonces du Gouvernement, je me fie encore moins aux fake-news, aux appels à la haine, à la violence, à la bêtise, à l'ignorance, qui ne cessent de s'y déverser.
Quand je vois le degré d'ignorance, de haine, de violence, de certains et certaines, j'ai tendance à les comparer à des barbares issus des Ages Obscurs. Et ni ceux-ci, ni les membres de l'Ultra-Droite, de l'Ultra-Gauche, ni les casseurs venus des banlieues qui, chaque samedi désormais, envahissent nos villes pour les mettre à feu et à sang, ne sont et ne seront la réponse à l'épreuve que la France et les français traversent. Ils ne font que parasiter et rendre encore plus difficile l'obtention d'une solution.
Et quand on y réfléchit bien, n'est-ce pas là la réelle volonté de ces ultra-droitistes ou ultra-gauchistes qui ont trouvé là le moyen de tenter de déstabiliser notre république et notre démocratie. En outre, c'est sur eux que l'attention générale est concentrée, alors qu'ils ne font même pas partie - à quelques exceptions près - du mouvement des Gilets Jaunes. C'est aussi un moyen de décrédibiliser celui-ci, ou de détourner l'attention du public avide de sensationnalisme qui observe ces événements comme un spectacle ; dans une société où le moindre événement de quelque ordre que ce soit est devenu un divertissement ; et où chacun se sent le droit, grâce aux réseaux sociaux, d'y contribuer, de l'alimenter.
Pour ce dernier point, je ne suis pas contre ; je serai même plutôt pour. La liberté d'expression est une liberté fondamentale. Encore faut-il ne pas propager des fakes news, de la désinformation destinée à déstabiliser les acteurs engagés pour tenter de résoudre cette crise. Encore faut-il ne pas se laisser emporter par ses émotions telles que la haine, la violence, les menaces, la peur, le rejet, etc. Ce que nous partageons ici, par nos écrits, nos images, nos vidéos, engage notre responsabilité.
En tout état de cause, pour revenir à l'objet principal de cet article - comme quoi, ce que j'y souligne montre que les racines du mal sont profondes, diverses, et touchent à l'ensemble du système -, tout ce passif accumulé depuis une quarantaine d'années ne se résoudra pas à coups de "mesurettes" comme celles que je crains qui seront annoncées ce soir par notre président de la République. Elles ne vont calmer les Gilets Jaunes ni la population qui les soutient. Je me demande mème si, malgré une baisse du nombre de "Gilets Jaunes quotidiennement mobilisés - leur nombre ces derniers samedis, lors des manifestations à Paris ou ailleurs, stagne ; voire est en léger recul -, cela ne va pas réactiver leurs ressentiments et leurs impressions qu'on les prends pour des naïfs ou des idiots. Je crains qu'elles n’arrêtent pas ce mouvement de fonds qui, telle une vague déferlante, emporte tout sur son passage.
Il y a deux ou trois semaines, ces "mesurettes" auraient pu freiner cette vindicte populaire. Aujourd'hui, il est trop tard, et il faudra bien plus que cela pour faire recouvrer le calme au peuple. Il faudra bien plus que cela pour qu'une amorce de réconciliation ou de dialogue entre nos dirigeants et le peuple, soit possible. Les dégâts sont irréparables. L'économie basée sur les fêtes de fin d'année est en berne. Ce sont les petits commerçants, qui sont aussi malmenés par cette politique, qui en font autant les frais que les ouvriers, les chômeurs, les précaires, etc. Car, malheureusement, j'ai l'impression qu'une fois de plus, la tactique utilisée est de tenter de dresser les uns contre les autres, alors qu'ils sont dans les mèmes difficultés. Les uns comme les autres sont autant perclus de taxes, ont autant de mal a finir leurs fins de mois.
Mais c'est tellement facile de faire des raccourcis de cet ordre, afin de culpabiliser les Gilets Jaunes. De leur dire : "regardez, c'est de votre faute, c'est vous qui mettez l'économie du pays par terre.". Le Gouvernement a t'il la même mise en cause auprès des multinationales qui peuvent encaisser quelques jours ou quelques semaines de manque à gagner, au vu des milliards de bénéfices qu'elles font ? Évidemment, non. On ne change pas un système bien huilé : stigmatiser le peuple "d'en bas".
Un dernier point : je n'ai rien contre ceux qui réussissent, qui se battissent des fortunes. Ils sont tout autant utiles et nécessaires que l'ouvrier qui travaille dans leurs usines ou leurs magasins. Ils contribuent aussi au développement économique. Ce qui est révoltant, par contre, c'est qu'ils ne contribuent pas, comme ils le devraient, à l'effort collectif, en s'exonérant d’impôts, de taxes, en s'exilant dans des paradis fiscaux, en profitant des failles d'un système législatif national, européen, mondial, pour y échapper. Ce qui est encore plus révoltant, c'est qu'ils n'ont aucun état d'âme à délocaliser pour exploiter ailleurs une main d’œuvre moins chère pour s'enrichir encore plus. Ce qui est inqualifiable, c'est qu'ils polluent, détruisent la biodiversité, freinent la transition écologique nécessaire, pour leurs intérêts particuliers ; alors qu'ils ont les moyens d'investir pour accompagner celle-ci. Et que c'est par leurs absolutismes et leur mépris des plus humble qu'ils accentuent le changement climatique, tout autant qu'à pousser des peuples désespérés, sans perspective d'avenir, dans la rue.
En conclusion, et au vu de ce que je viens encore de détailler brièvement ici, je crains qu'il ne faille attendre que très peu de l'intervention du chef de l’État ce soir. Je crains que, si le mouvement des Gilets Jaunes donne des signes d'essoufflement, l'Ultra-Droite et l'Ultra-Gauche n'en n'a pas fini de tenter de déstabiliser nos institutions. Je crains que les revendications et les attentes de la population quant à l'amélioration de son pouvoir d'achat ne soit pas - ou peu - satisfaite. Je crains que les répercussions de cette crise d'ampleur inégalée depuis 1968, ne soit pas résolue. Je crains que les principaux bénéficiaires que sont les multinationales, actionnaires, etc. n'aient pas à fournir leur part d'effort pour la communauté, que l'on exige des plus modestes. Or, tant que cet état de fait subsistera, rien ne changera.
Auteur/éditeur chez Pierre Laflamme ROMANS
6 ansA-t-il convaincu les français ?