Métiers du futur : comment préparer aux compétences de demain ?
D’après une étude prospective publiée en 2017 par Dell et l’Institut pour le Futur, un think-tank californien, il est dit que 85% des emplois de 2030 n’existeraient pas encore. C’est un pourcentage que l’on retrouve à travers de nombreux articles portant sur les métiers du futur qui s’efforcent de prédire quels seront les métiers de demain. : éthycien en IA, egoteller, psydesigner, chirurgien spécialiste de la téléchirurgie, architecte environnemental, architecte en réalité augmentée, nano médecin, philosophe d’entreprise, hacker, etc., les spéculations sur les métiers de demain vont bon train. Or, la question principale à se poser n'est pas forcément celle des nouveaux métiers, mais plutôt comment préparer les futurs professionnels qui les exerceront.
Une révolution technologique et sociétale
La raison principale de cette mutation 3.0 : l’avènement de l’économie numérique et la robotisation, avec des machines apprenantes recréant une véritable intelligence cognitive, au plus proche de l’intelligence humaine au point de la dépasser dans la prochaine décennie. Face à ce tableau plutôt inquiétant pour les travailleurs de demain, l’enjeu fondamental sera de se recentrer sur ce qu’ils pourront mieux faire que la machine.
À cette principale raison, viennent s’ajouter d’autres paramètres liés à la crise Covid qui n’avait pas eu lieu lorsque l’étude a été publiée. On sait l’impact qu’a eue cette crise sanitaire sur la digitalisation des entreprises et sur le management des organisations, transformant en profondeur le monde du travail. On a également pu prendre conscience de l’urgence de démondialiser l’économie et de relocaliser l’industrie, pour avoir été confronté - et l’être encore à présent - à des pénuries de matières premières (acier, bois, papiers, minerais, etc.) ainsi que des composants électroniques et équipements divers ralentissant considérablement de nombreux secteurs comme le bâtiment ou l’industrie automobile. Cette problématique est aujourd’hui au centre des préoccupations de la France avec la mise en place du plan de relance France 2030 qui investit 34 milliards d’Euros sur 5 ans dans le développement de filières d’avenir. Ce dispositif vient s’ajouter à celui de France Relance qui prévoit 100 milliards d’Euros destinés à réindustrialiser le pays, lui redonner de l’indépendance dans des secteurs stratégiques et créer de l’emploi. L’impact prévu est évalué 70 milliards d’euros par an à l’horizon 2030 en valeur ajoutée, hors inflation soit + 392 milliards d’euros en richesses générées pour l’industrie manufacturière et plus de 430000 emplois directes et indirects créés. Cette prévision de croissance n’est pas sans conséquences sur les besoins en foncier et en compétences qui deviennent les principaux enjeux de cette réindustrialisation.
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Réinventer la formation
Face à ces enjeux et prédictions, face à cette accélération du digital et de l’IA au cœur de tous les secteurs d’activité, il est question d’anticiper l’organisation et la structuration du travail de demain, comme évoqué au travers d’un récent article de William Plummer paru dans Le Figaro économie. Il appartient fondamentalement aux branches et syndicats professionnels d’identifier ces nouveaux besoins et métiers émergents et c’est d’ailleurs à ce titre que chaque année depuis 2019 l’opérateur France Compétences lance un appel à contributions. Ces identifications ont pour objectif de créer de nouveaux référentiels métiers, en adéquation avec l’évolution des secteurs. C’est à partir de ces référentiels que sont conçues les nouvelles formations, dans une dynamique d’agilité et d’adaptabilité.
Si France 2030 cherche à privilégier la filière de l’hydrogène pour retrouver une autonomie énergétique et développer les mobilités de demain, le traitement de la Data ainsi que la production et la gestion de l’IA constituent l’ADN des nouveaux métiers à venir. Reste à se poser la question, en termes de mobilités et de travail nomade, de l’interopérabilité de la data au niveau européen pour bâtir une économie numérique puissante, qui n’aurait rien à envier aux GAFAM. L’acte sur la gouvernance des données approuvé par le Conseil européen en mai dernier, dans le cadre plus global de la stratégie européenne pour les données, est un signal fort de cette volonté commune des 27 États-membres.
Face à cette révolution du travail qui prend sa source dans l’accélération de la transformation digitale au sein de tous les secteurs d’activité, l’urgence est de savoir former les professionnels de demain tout en ayant conscience de l’obsolescence accélérée de ces mêmes compétences. Un paramètre que devront prendre en compte les opérateurs de compétences (OPCO) ainsi que tous les acteurs étatiques et régionaux dédiés à la formation et l’insertion professionnelle pour plus de réactivité et d’adaptabilité, au risque de générer des pénuries de profils qualifiés.
Sophie SANCHEZ