Métro Nord : un débat qui dérange ?
Après avoir réussi à éluder le débat sur le métro Nord pendant des années, voilà que le gouvernement bruxellois met toute son énergie à faire démarrer le chantier et à éteindre toute velléité de débat. Même si le dossier du métro Nord est ouvert depuis une dizaine d’années et a fait l’objet de nombreuses analyses critiques d’experts et d’associations d’habitants, ce n’est que depuis quelques mois que, grâce aux procédures d’urbanisme, la parole est donnée aux habitants et aux commerçants. Ceux-ci se sont emparés de ces premières occasions pour participer nombreux aux réunions d’information, aux enquêtes publiques et aux commissions de concertations relatives au projet et à ses incidences.
Précédemment, les éléments qui auraient permis une participation publique au choix de l’amélioration de la mobilité sur cet axe Nord-Sud (Evere – Uccle) ont été soigneusement occultés. Même la communication (très orientée) des conclusions de l’étude d’opportunité a été faite le 11 septembre 2012 par L. Onkelinx et C. Picqué avant la mise à disposition du gouvernement des informations de cette étude, comme si l’on avait voulu forcer la main.
Par la suite, malgré les avis fort critiques de la Commission Régionale de la Mobilité mettant en évidence l’absence d’effet du métro Nord sur la réduction du trafic auto, le dossier a suivi imperturbablement son cours, les ministres restant sourds aux questionnements légitimes des habitants et de leurs associations, questionnements basés sur les bribes d’informations qui leur parvenaient.
Aujourd’hui, alors que habitants, commerçants, experts et associations s’invitent dans le débat à l’occasion d’une diffusion plus importante du projet de métro, le souci du Gouvernement bruxellois est d’étouffer ce débat, de tenter de disqualifier ceux qui s’expriment et d’utiliser la technique du « coup parti » : le dossier a été approuvé par tous les partis, ou presque, pas question de le remettre en question ; on va même commencer les travaux avant d’obtenir les permis d’urbanisme : pour déplacer les canalisations des concessionnaires (eau, gaz, électricité, égouts), il ne faut pas de permis !
R. Vervoort se permet même de désinformer en avançant que Beliris prendrait à sa charge les augmentations du coût des travaux[1] : le Fédéral ne s’est engagé que sur un montant de 50 millions d’euros par an depuis 2015 pour un ouvrage (la section Nord du projet) dont le coût est estimé à ce jour par le bureau d’étude BMN à 1.120,108 millions d’euros (en attendant les habituels dépassements). Tout le reste doit encore être négocié.
Les principaux arguments utilisés pour maintenir ce projet tel quel, alors que des alternatives intéressantes sont sur la table, sont « on déjà englouti 30 millions en frais d’études, on ne va pas tout jeter à la poubelle »[2], « il en va de la crédibilité d’Ecolo ou La logique voudrait qu’on prolonge le métro Nord vers Uccle et Linkebeek »[3], « il y a un large consensus au sein de la majorité »[4]. Ces arguments rappellent ceux qui ont été utilisés pour défendre le projet précédemment : « Bruxelles est à la traîne en matière de métro par rapport à d’autres grandes villes européennes[5] », « Les problèmes de mobilité vont aller croissants, donc nous devons aller en souterrain comme la plupart des grandes villes d’Europe »[6], « Tous ceux qui veulent résoudre le problème des embouteillages à Bruxelles ont intérêt à voir se terminer les lignes de métro »[7].
Le fond du débat, à savoir, quel est le meilleur moyen pour améliorer la mobilité, la qualité de l’air, la réduction du trafic privé dans le cadre d’un budget serré et de l’ensemble des priorités de la Région ne peut avoir lieu pour certains !
A ce jour, seul le MR a proposé ce 21 janvier un débat au Parlement bruxellois sur le choix du tram ou du métro pour la création de nouvelles lignes de transport en commun à Bruxelles. Vincent De Wolf va-t-il inviter une série d’experts pour objectiver la question ?
Manifestement, le débat sur le métro est un débat qui dérange.
Vincent Carton
Ingénieur civil, urbaniste. Professeur à l’EFP-Bruxelles
[1] Rudy Vervoort, Le Soir du 29 janvier 2019
[2] Didier Reynders et Pascal Smet, id.
[3] Ridouane Chahid, id.
[4] Pascal Smet, id.
[5] Didier Reynders, Le Soir du 6 février 2014
[6] Laurette Onkelinx, La DH du 6 octobre 2003
[7] Hervé Hasquin, Le Soir du 9 août 1995
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5 ansIntéressant ! Quid d'une ligne de métro de la Porte Louise au Bois de la Cambre ou, justement, jusqu'Uccle/Linkebeek ? La ligne 8/93, en "site propre", est congestionnée, pas assez rapide et efficace. Bien que partisan du tram pour aspect "vintage" et la beauté des paysages (péri-)urbains, on ne peut pas nier que le métro est plus efficace et rapide ! Quel bazar Bruxelles tetcheu dis !