Ma rencontre avec Mère et Pondichéry
Alors que peu à peu le projet autour de « Pour un peuple d’oiseaux » avance, et que nous sommes presque aux derniers actes de l’adaptation pour le théâtre, je me souviens de mes vingt ans . J'écrivais déjà, dans de grandes envolées lyriques, des poèmes brûlants de révolte, que je détruisais dans la foulée, sans rémission. Puis vint ,après de longues années d'apprentissage , l'espace d'un cheminement, d'un souffle de compréhension de la raison pour laquelle l'écriture m'avait été "matricielle", avant de devenir libératrice.
Je venais de découvrir à la mort d'Esther, ma mère, de petits carnets écrits d'une plume fiévreuse, qui dataient de sa propre jeunesse. Elle citait, entre autres, Vivekânanda, et je me souviens m'être sentie en résonance pour la première fois avec cette jeune fille de 25 ans qui écrivait en 1943, alors que la guerre grondait et menaçait autour d’elle « La vie que nous menons, nos aspirations, nos efforts, nous les avons vécus bien des fois. Notre passé et notre avenir sont liés ..." Ainsi, cette mère mythique avait été exaltée, idéaliste et bouddhiste...
Et c'est grâce à elle que cette idée-là, d'une autre approche du monde, dans l'apaisement et l'apprentissage de la tolérance, grandit, s'enracina, jusqu'à une autre rencontre, fondatrice de l'écriture d’un de mes romans, qui devrait bientôt retrouver la lumière, « Mirra Alfassa », celle que l'on nomme "Mère", qui, aux côtés de Sri Aurobindo, dans l'ashram de Pondichéry qu'ils ont fondé et développé dès 1926, créa avec lui une école de pensée autour de la supra-conscience de l'Homme. Elle n'a cessé depuis ma première approche de ses écrits d'être source et évolution dans ma vie. Je dis souvent que peu importe le chemin que l'on prenne et le temps que l'on mette à le trouver, pourvu qu'il vous conduise vers ce qui donne un sens à votre quête. Et je sais aujourd'hui que, même si je suis encore bien loin d'avoir accompli une révolution intérieure, comme Mère en fut pour moi l’exemple, je suis la somme de tous les êtres qui ont habités un temps mon espace. Chaque rencontre porte en elle les germes d'un possible renouveau. Et nous sommes les jardiniers de cette féconde manne
Lorsque tous les personnages de ce roman sont venus à moi, je n'en reconnaissais aucun. Tim, Allan, la vieille Lala, l'intouchable, ou Shani l'intrigante hantée par Kali, ce Dieu Ganesh et ce récit que j'ai situé en grande partie à Pondichéry, sont une illustration à mes yeux que rien n'est figé dans notre existence. Je ne savais écrire que dans une plume trempée à l'encre de la souffrance. Et me voilà porteuse d'une histoire indienne foisonnante et colorée!
Je ne sais si Mère ou Sri Aurobindo ont inspiré une trace infime de mon écriture, mais il me plaît de le croire...comme il me plait de croire qu'Esther, ma propre mère, quelque part dans cet indéfini infini, sourit, peut-être, de cette moisson en devenir...
Romancière et poète chez Editions Maxou
5 ansSuperbe texte qui, comme tous ceux que Sarah nous offre , porte loin , inspire et rejoint les vécus de ceux qui ont la chance de les lire ...