Macron : inventaire d'une faillite

Qu’on ne s’y trompe pas : si passionnelles ou si intéressées que paraissent les voix qui s’élèvent de tous les rangs du Parlement pour dédouaner les élus de leur responsabilité dans la crise actuelle en chargeant la barque de M. Macron, le Président de la République est bel et bien le principal fautif du naufrage dans lequel la société française tout entière se trouve enfoncée. Leur problème, à ces donneurs de leçon, est que cette faute ne date pas d’aujourd’hui. Elle date du moment de la fin 2016 où, dans un petit livre intitulé Révolution, ce jeune candidat de petite expérience et de grande prétention les a éblouis en déduisant, à partir d’une intuition juste – une "grande transformation" sans précédent depuis les Lumières – la nécessité de poser "les fondements d’une nouvelle société". Sur cette base, le nouveau Jupiter s’est cru légitimé à se réclamer de De Gaulle en se posant en parangon – voire en prophète – d’un gouvernement du centre, et en "maître des horloges" rassemblant "en même temps", sous sa gouverne, les acteurs politiques et économiques censés s’être élevés, par leur expérience et leur savoir, à un niveau de conscience historique comparable, sinon égal au sien.

Sans prétendre à cette altitude, j’ai eu, dans les colonnes de L'Express du 5 mai 2017, la faiblesse de reconnaître dans cette vision les défauts de ce que, en 1980, à propos de Raymond Barre, j’avais appelé "l’extrême centre" ; et d’estimer ce centrisme idéologique peut-être plus dangereux encore que les extrémismes de droite et de gauche, dans la mesure où, dans sa logique implacable, il étouffe le fonctionnement régulier de l’alternance, qui, en confrontant les droites et les gauches aux réalités du pouvoir, est la respiration même de la démocratie. Sept ans après l’accession du macronisme au pouvoir, l’affolement du personnel politique témoigne d’un état panique d’asphyxie.

Certes, une politique peut viser à chercher un appoint "au centre". Mais elle ne peut nier la légitimité du débat droite-gauche en réduisant sa représentativité à l’étiquette "du centre". Le propre d’un gouvernement "du centre" est d’être sans alternative. Dans son manifeste Révolution (p. 43), M. Macron croyait possible de dépasser, voire de fondre "une gauche sociale-démocrate, réformiste, européenne", et de l’autre "une droite européenne, libérale et sociale". Sept ans après, il récolte le choc en retour de tout ce qu’il condamnait : "une gauche conservatrice qui défend les statuts, prône la fermeture des frontières" au risque de la sortie de l’euro, face à "une droite qui prône une identité fermée sur elle-même, accuse l’Europe de tous les maux, prône la brutalité sur le plan social et demeure ambiguë sur le plan économique". Que pouvait-il attendre d’autre d’une "majorité" construite autour d’un programme ambigu et à géométrie variable, entièrement placée dans la dépendance du Prince ?

Jacques VINCIGUERRA

Adjoint au Maire chez Mairie de LE BUGUE

6 mois

Voilà bien une analyse pragmatique à lire avec grande attention et objectivement.

Sabine Renault Sablonière

Chef d'entreprise, ActuPresseCom

6 mois

Merci Alain Gerard, si juste !

Rudolf Mögele

Europäisches Unionsrecht mit Schwerpunkt auf europäischem Agrarrecht

6 mois

Je suis d’accord !h

François BONNET

🧱Consultant IT et auto-entrepreneur- J'accompagne les PME/ETI dans leur projet de transformation digitale. Je suis également Expert RGPD/QUALIOPI 🧱

6 mois

Je suppose que vous parlez de 2016 au lieu de 1976 date à laquelle Jupiter était encore dans les langes...F.Bayrou qui a fortement encouragé cette "théorie" et son poulain, son absence de vision et son manque de travail à la tête du Commissariat au Plan résument l'impasse institutionnelle dans laquelle nous sommes désormais. L' élection d'une assemblée constituante, à partir de septembre, pour aller vers la 6ieme république ( pas à la sauce Chaviste) eût été plus pertinente.

Hervé Jouanjean

Senior Trade Expert chez Cassidy Levy Kent

6 mois

Oui… il me semble qu’il faut aussi ajouter à l’analyse les effets percées du système présidentiel à la française. Nous avons maintenant vécu plusieurs épisodes au cours desquels il est apparu que la vie politique était organisée non pour debatre et chercher des majorités, mais pour abattre le Président, quel qu’il fut. Ainsi LR depuis le début de cette législature voulait abattre le Président et refusait donc tout compromis sur un programme. Impossible de gouverner dans ces conditions. Question : faut-il encore un Président élu au suffrage universel ? N’est-il pas devenu un obstacle au fonctionnement de notre démocratie ?

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