MAIRES DES GRANDES VILLES : LE PARI POLITIQUE A HAUT RISQUE DE LA DENSIFICATION URBAINE / Les Echos 20 juillet 2021
Les maires partisans de la densification urbaine seront-ils les victimes politiques de la lutte contre l’artificialisation lors des municipales de 2026 ? C’est un risque qui ne peut être balayé d’un revers de main tant l’étalement urbain semble, au bout du compte, plus facilement admis que la densification urbaine.
Economiser le foncier, éviter que les villes ne s’étendent à perte de vue, tenter de limiter le recours à la voiture en privilégiant des constructions en milieu déjà urbanisé… Sur le papier tout le monde ne peut être que d’accord. Mais il ne suffit pas de vouloir user du foncier avec parcimonie. Encore faut-il trouver le moyen de construire autrement pour répondre à la demande d’une population qui augmente, de couples qui se séparent, de ménages qui veulent des logements plus spacieux…
Si il devient beaucoup plus difficile de construire en plein champ, il va donc bien falloir privilégier un habitat un peu plus élevé ou un peu plus resserré. Et le faire en ville. Pour désigner ce parti pris, les spécialistes parlent de densification. Le mot fait peur au point que les élus se gardent bien de l'utiliser et que les architectes comme les urbanistes tentent d’en relativiser la portée en différenciant "densité réelle" et "densité perçue". Pour eux, aucun doute, il est possible de réaliser une densité urbaine plus acceptable que celle des grandes cités d’après-guerre. La preuve ? Paris est une des villes les plus denses du monde sans que les Parisiens s'en plaignent. Mais les mentalités évoluent et c'est sans doute moins vrai aujourd'hui qu'hier.
Des verts plus partisans de la végétalisation que de la densification
Depuis la pandémie et l’exode provoqué par le premier confinement, le débat sur la densité a redoublé d’intensité et le modèle de la métropole fait l’objet d’un nombre croissant de critiques. Même les écologistes, que l'on aurait imaginé partisans de la densité contre l’étalement urbain, s’opposent à la construction de tours et émettent de sérieuses réserves sur la nécessité qu’il y aurait à « construire la ville sur la ville ». Lors des dernières élections municipales, ils ne sont d’ailleurs pas privés de critiquer le rythme des constructions à leurs yeux trop élevé. Simple calcul politique ? Pas seulement. Car une fois aux manettes, les verts persistent et signent. Nouveau maire de Lyon depuis 2020, Grégory Doucet plaide pour « une densification raisonnable ». Selon lui, « il existe une alternative entre l'immeuble de grande hauteur et la maison individuelle : un immeuble de trois ou quatre étages avec des espaces réservés à la nature ». Élu comme son collègue l’année dernière à la tête de Bordeaux, Pierre Humric, appelle « après des années de bétonisation de la ville où l'on a sacrifié nos derniers espaces de nature », à rendre la ville plus verte, moins minérale.
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Des résistances de plus en plus fortes face aux programmes de construction
La vérité c’est que, sur le terrain, la densification passe mal quand l’étalement, lui, en réalité, ne gêne pas grand monde. Au contraire. Jusqu’à présent, les villes centre ont pu se dispenser d'un véritable effort de construction dans la mesure où les communes périphériques ne demandaient qu’à s’en charger pour accueillir de nouveaux habitants. C’est dire si la densification qui s’annonce dans les prochaines années en raison d’une raréfaction et d’un renchérissement du foncier perturbe un modèle bien établi. D’ores et déjà, les maires de petites communes s’inquiètent de ne plus pouvoir s'étendre quand les promoteurs, confrontés à une diminution spectaculaire des permis de construire, annoncent une nouvelle flambée des prix de l’immobilier qui pénaliserait les ménages les plus modestes. Mais on parle peu des maires de villes les plus importantes. Or ce sont surtout eux qui vont devoir mener le combat de la densification. Et le moins que l’on puisse dire c’est que la tâche s’annonce à haut risque. Certains maires préfèrent délivrer des permis sans le dire ou en pointant du doigt les exigences de la loi en matière de logements sociaux. D'autres, en revanche, l'assument ouvertement quitte à en faire un objectif politique à part entière. Mais, encore une fois, c'est une chose de réclamer une densification dans un colloque ou au parlement, c'en est une autre de la justifier face à des associations de riverains remontés contre un programme immobilier ou face à une opposition dénonçant une ville « en travaux permanents », de plus en plus « inhumaine » et « moche ». L’interview donnée par l’adjoint socialiste à l’urbanisme de Rennes à Ouest France fournit un parfait exemple de la difficulté de justifier une politique volontariste en matière de logement. Interpelé sur la nécessité des nouvelles constructions, l’adjoint socialiste évoque pèle mêle les efforts réalisés pour baisser le nombre d’étages prévus, le fait que la métropole se développe moins vite que le bassin de vie, la nécessité d’éviter un retour et une multiplication des bidonvilles… Sans vraiment convaincre. Au point que de guerre lasse, il finit par admettre qu’à défaut de faire l’unanimité sur la question du logement, « la conflictualité fait partie de la construction des métropoles. »
Dès 2019, les verts rennais, eux, ne s'étaient pas privés de réclamer une « meilleure répartition de l’installation des populations sur l’ensemble du territoire breton, mais aussi au sein de la Métropole » pour « lever le pied sur le rythme de construction et mettre ce temps à profit pour bâtir un projet de territoire pleinement partagé avec les habitants »... Simple hasard ? Ce sont eux qui ont le vent en poupe à Rennes. Si la maire PS sortante, Nathalie Appéré, a été réélue aux dernières municipales, le groupe des Verts compte désormais plus d’élus que celui des socialistes. Souhaitant profiter d’un rapport favorable, ils ont même présenté leurs propres candidats aux départementales contre leurs alliés socialistes. Un pari qui s’est révélé payant. Le candidat vert a battu la maire. La lutte contre l’artificialisation menée par des socialistes profiterait-elle finalement aux verts ? En tout cas, la question se pose. Et pas seulement à Rennes.
Franck Gintrand
Retrouvez cet article sur les Echos https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-le-pari-politique-a-haut-risque-de-la-densification-urbaine-1333321
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Développeur de solutions Hors Site Eiffage Construction
3 ansFRANCK GINTRAND Merci pour ce partage très intéressant. A l'aune de la réduction de nos émissions carbone, où les aménageurs vont se retrouver en premiere ligne sur la place de la voiture (et sa terminaison synaptique qu'est son parking plus aisement supprimable en zone dense (pas de parking = moins de carbone)), ainsi que sur la production énergétique de réseaux vertueux, les débâts s'annoncent cornéliens ! Mr Haussmann avait fixé la barre à 7/8 étages ...avec une "marchabilité" de premier rang mondial; la clé transpartisane se trouvant sans doute autour de ce sujet en incluant maintenant le vélo. https://www.20minutes.fr/paris/2065491-20170518-comment-haussmann-transforme-paris-ville-marchable
géographe-urbaniste, intelligence et stratégie territoriale, planification urbaine, observatoires, politiques publiques, open data
3 ansAucun de ces deux "modèles" ne convainc vraiment, incapables l'un comme l'autre de renouveler le comcept de la "ville désirable" et désirée! L'incapacité de penser la rue, mettre le commerce dans des boîtes, construire des bâtiments qu'il faut mettre sous filets tant ils perdent vite leurs revêtements, pièces à vivre de la taille d'une carpette à chat, insonorisation douteuse, peuplement en ghettos jointifs, niveau élevé des charges (parfois équivalentes au loyer!), des loyers, du prix d'acquisition, sont autant de freins serrés, qui obèrent la capacité à redonner à la ville ses titres de noblesse, sa vie, son attractivité, sa capacité à intégrer les gens, les entreprises, les services... Et ce n'est pas l'idéologie "verte" qui va y parvenir, au contraire, puisqu'elle repose sur l'entre-soi...
CHANTIER GRAPHIQUE
3 ansEt encore… l'exemple choisi (rennais) est un de ceux où les conditions sont les plus favorables.
commissaire enquêteur
3 ansIl faut nécessairement une compensation a la densification Ce peut être la création de services, la création de parcs, les transports collectifs gratuits et surtout arrêter la course à la metropolisation Il faut construire une collaboration entre les métropoles et les villes moyennes pour dynamiser celles ci
gérant associé G.I.E EPUR'Archi et AIS
3 ansN'est ce pas plutôt le principe ideologique de l'égalité qui induit le refus de la densification complexe comme l'étalement stérile , quand l'egalitarisme est réduit à la banalité et à la dictature du similaire et induit ce quadrillage pavillonnaire ou ces collectifs d'empilement de cages.