Manipulation, désinformation et illusion digitale, comment résistera l'entreprise?
Pour ce qui est de la démocratie, on sait : Elle ne résistera pas longtemps si elle n’est pas nourrie de débats sincères et éclairés, d’informations fiables et pertinentes, de décisions vérifiables. Inversement le mensonge est l’une des conditions fondamentales de fonctionnement des régimes totalitaires, ils ne survivraient pas à la diffusion massive de la vérité. C’est pourquoi ils ont toujours puissamment investi dans les outils de contrôle de l’information et aujourd’hui dans les technologies digitales les plus modernes pour poursuivre le même chemin mortifère et imposer leurs « vérités alternatives ». Qu’en sera-t-il de l’entreprise quand on ne saura plus démêler le vrai du faux, quand Saint-Thomas ne saura plus s’il peut croire ce qu’il verra ?
La confiance est la principale ressource et la principale production de l’entreprise. L’entreprise ne se construit que grâce à une multitude de liens de confiance invisibles et implicites qui se tissent et se renouent à chaque instant, tant à l’intérieur que dans les relations extérieures avec les clients, les fournisseurs, les partenaires, les investisseurs et même avec les concurrentes. La confiance est le véritable fluide qui irrigue et propulse la machine entreprise. Plus encore que dans le couple ou la famille, qui reposent d’abord pour l’un sur la communion des esprits et des sensibilités, et pour l’autre sur les liens d’attachement de la parentalité de la fraternité, non que la confiance y soit absente, accessoire ou facile.
Que se passera-t-il quand plus rien ne sera crédible ? Bien sûr la confiance en entreprise est rarement donnée par principe, elle s’accompagne de nombreux processus de contrôle et la cybersécurité n’en est pas à ses débuts. Mais, quand contrôler le contrôleur ne suffira plus, quand la notion du bien nommé « tiers de confiance » aura perdu son sens ? Que tout pourra être sujet à caution, pourra être non seulement faux, mais peut-être volontairement toxique ? Ce risque est alimenté par une constellation d’outils de communication et d’analyse toujours plus puissants et séduisants qui, tant dans la vie personnelle que professionnelle, nous incitent par commodité, par souci de rapidité et de performance à s’en remettre en confiance aux options proposées par les machines, nous « libérant » ainsi du doute et de la responsabilité de la décision.
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Jusqu’ici on reste souvent dans l’arnaque classique, la tromperie d’opportunité. Ce qu’il faut craindre demain ce sont des stratégies de désinformation et de manipulation ambitieuses et subtiles qui ne se dévoileront pas, qui seront longtemps crédibles, qui attaqueront la confiance que l’on peut placer dans chaque information, chaque interaction, si petite et encadrée de contrôles soit-elle. L’ère de la défiance généralisée qui débouchera inévitablement sur la loi du plus fort. Et cela sera possible paradoxalement grâce aux outils conçus pour pallier les défaillances humaines et à qui nous donnons trop facilement et trop souvent notre confiance.
Ce qui est en jeu ce sont les notions mêmes de raison, de réalité, de vérité. Tous les « pare-fake » imaginables seront les bienvenues -à condition de ne pas devenir des outils de censure et de privation de liberté- mais ce sera une course de vitesse permanente avec les pirates, qui, en général, sont les plus créatifs et les plus déterminés. Ce qui ferait vraiment la différence, ce serait a la volonté de développer l’autonomie de pensée et l’esprit critique, donc le discernement, de l’ensemble des collaborateurs.
Il faut réinvestir dans l’Intelligence Humaine. Cela vaut aussi pour la démocratie et les citoyens. Il s’agit d’un combat existentiel : rester dans une société qui se développe aux lumières de la Raison où la confiance est la base des relations ; ne pas glisser silencieusement et insidieusement, faute de pouvoir- ou vouloir- savoir et comprendre, vers les obscurités des régimes de croyances et de méfiances et annihiler 3 siècles de progrès.