Marina Abramovic : oui son projet NFT a du sens
La semaine dernière, à l’occasion d’Art Basel, l’artiste Marina Abramovic dévoile son premier projet NFT sur la Blockchain Tezos. Le film de sa performance The Hero (2001) a été divisé et tokenisé en 6500 morceaux, chacun unique. Un moyen pour le grand public d’accéder à un morceau de sa performance. Je suis émue par ce projet. Vraiment émue.
The Hero est certainement l’une des œuvres les plus personnelles créées par l’artiste. On rentre même dans l’autobiographie. Réalisée après la mort de son père qui était un héros national, elle se demande dans cette pièce si l’héroïsme survit à la mort du héros et quelles sont les formes qu’il prend aujourd’hui. Je suis émue par cette œuvre parce qu’elle parle de la perte d’un être cher. Parce qu’elle parle de la mort d’un symbole tout en dévoilant au grand jour son immortalité. Un héros peut-il vraiment mourir ? Au-delà de la question du héros, elle soulève une interrogation plus intime : quand on meurt, qu'est-ce qui continue de nous faire exister ? Si le sujet me touche particulièrement, c’est de la pertinence de ce projet d’un point de vue artistique, dont j’aimerais vous parler aujourd’hui. Parce que le lien entre les NFTs et les performances, c’est un peu mon main topic.
Une artiste avec une vraie communauté
Marina Abramovic est une OVNI dans le marché de l’art. Souvent qualifiée comme la papesse de la performance, éminemment respectée, elle n’a pourtant que très tardivement intégré le marché de l’art. Mais fait-elle réellement partie de ce marché de l’art ? Marina Abramovic fait davantage partie des artistes qui ont une communauté de fans qu’un ensemble de collectionneurs. Alors certes, si on se réfère au travail Les supporters des galeries d’Audrey Leduc, on pourrait se dire que les collectionneurs ne sont finalement que des supporters d’art et d’artistes, comme les fans de foot avec les joueurs de leur équipe préférée. Mais le cas d’Abramovic est vraiment singulier. Il n’y a qu’à voir les images du documentaire The artist is present : le public aime cette artiste. J’en fais partie. Quand on sait que la réussite d’un projet dans les NFTs tient essentiellement au fait d’avoir une communauté solide… C’est effectivement bien plus cohérent pour Abramovic de se tourner vers les NFTs que les galeries d’art.
Un moyen de transmission
Cela fait des années qu’Abramovic est entrée dans un processus de transmission. En 2007, elle fonde la Institut Marina Abramović (MAI), qui est une fondation à but non lucratif pour l’art de la performance. Cet institut lui permet de poursuivre son œuvre par l’enseignement auprès de jeunes artistes. La question de la transmission de ses performances est centrale dans ses recherches depuis de nombreuses années : elle enseigne ses protocoles et ses méthodes à une nouvelle génération d’artistes. Comment faire perdurer une performance ? Son inscription sur la blockchain (elle n’est bien sûr pas la première à le faire) semble être une piste de réflexion intéressante…
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Immortalité artistique
"Si l’art n’est que politique, il se transforme en journal. La nouveauté dure un jour, et le lendemain c’est du réchauffé. Seules de nombreuses couches de sens peuvent assurer sa longévité - la société puise ainsi dans l’oeuvre ce dont elle a besoin au fil du temps." (Marina Abramovic)
Cette phrase a été une révélation. C'est comme si on mettait pour la première fois des mots et du bon sens sur une intuition que je n'arrivais pas à verbaliser. En tant que fervente défenseuse de l'existentialisme, je me suis toujours naturellement tournée vers des œuvres d'art engagées. Mais cela va au-delà de ça. Leur portée ne peut être que politique, il y a quelque chose de bien plus profond dans les œuvres que j'aime. Quelque chose qui dépasse les convictions politiques, qui touche au cœur, aux tripes, aux valeurs. Les bonnes œuvres d’art sont immortelles. Si elles s’inscrivent dans un contexte, une histoire, une sensibilité, elles les transcendent pour arriver jusqu’à nous. The Hero est l’exemple type de ce que j’entends d’une bonne œuvre d’art. Si l'œuvre est autobiographique, elle dépasse l’histoire de l’artiste. Nous perdons tous un jour ou l’autre l’un de nos héros. Si l'œuvre a été réalisée en 2001, elle résonne plus que jamais aujourd’hui dans le contexte de la guerre en Ukraine. Malheureusement, elle résonnera encore certainement demain. Si une performance appartient au registre de l’éphémère, son inscription sur la blockchain donne à l'œuvre une forme d’immortalité.
Recherche de nouvelles expériences
Marina Abramovic ne s'est jamais limitée à la seule pratique de la performance, l'artiste n’a eu de cesse d’expérimenter au cours des dernières années. En 2011, elle cocrée la pièce de théâtre autobiographique The Life and Death of Marina Abramovic sous la direction de Bob Wilson au Manchester International Festival. En 2013, elle participe à la création du Boléro de Ravel pour l’Opéra de Paris aux côtés de Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet, et en signe la scénographie. En 2013, elle collabore avec la chanteuse Lady Gaga pour une expérience sensorielle visant à renforcer la sensibilité physique et mentale de l'artiste. Dans un entretien publié en juin 2014, elle déclare à ce sujet : “Lady Gaga a 43 millions d’admirateurs. Aucun artiste ou plasticien n’a une telle audience. C’est une autre manière de propager l’art.” Elle inspire également le chanteur Jay-Z, et apparaît à ses côtés dans la performance artistique vidéo Picasso Baby en 2013. En 2017, avec Rising, elle s’essaye à la réalité virtuelle. Alors les NFTs, ce n’est que la suite logique de cette curiosité envers de nouveaux moyens de communiquer avec les jeunes générations et d’autres publics.
Tezos : une évidence
Dernier point qu’il me semble important de soulever : le choix de la Blockchain Tezos. Alors que la plupart des artistes contemporains qui se sont mis à faire des NFTs à l’instar de Damien Hirst ou de Murakami se sont tournés vers la Blockchain Ethereum, Marina Abramovic a fait le choix de Tezos. Un choix qui n’est à mon avis pas anodin. Dès 2017, avec son oeuvre Rising, l’artiste montre à la fois un attrait pour les nouvelles technologies, mais aussi une conscience écologique. À travers cette œuvre de réalité virtuelle, Marina Abramovic cherche à sensibiliser le public à la sauvegarde de la planète. Elle aborde les effets du changement climatique en transportant les téléspectateurs pour assister à la montée du niveau de la mer : “Je crois que la science-fiction des années 1970 est devenue une réalité. Ce n'est plus vraiment de la fiction. Je vis à New York et ça va être inondé. Nous serons tous dans des bateaux ici.” L’avenir des NFTs ne se fera pas sans des blockchains économes en énergie comme Tezos. Les artistes et la nouvelle génération y sont bien trop sensibles.
Marina Abramovic ouvre la porte à toute une nouvelle génération d’artistes. Ce n’est qu’un premier pas, une première esquisse. Nous ne sommes qu’au tout début des projets qui allient les NFTs aux performances.
Lecturer | ex-Art Market Specialist
2 ansLisa Toubas contre-exemple!
Realty, Retail & Hospitality | Consultant, Formateur, Executive | Auteur & conférencier « Retail Émotions » x « Store Impact » | Skipper & Watch ♡
2 ansSuper On peut voir ou ? On achète ou ?