Marques et combats sociaux : éthique ou non ?
L’éthique est l’ensemble des fonctions morales énoncées par une personne, ou ici un organisme. Elle est subjective et répond à l’environnement direct de celui qui l’exprime. L’éthique ne sera donc pas construite de la même façon en fonction des cultures personnelles, de l’appartenance culturelle ou d’une idéologie personnelle.
Aujourd’hui l’éthique a une fonction de régulation. Elle est comme une limite à respecter, une ligne intangible à ne pas franchir. Utilisée par les grandes entreprises, en politique et en marketing, les consommateurs sont également familiers à l’éthique. Elle est pour eux la balance ultime de jugement pour distinguer le bien du mal. Du législateur au consommateur, d’une échelle internationale à intercommunale, l’éthique a une place prépondérante dans notre société aujourd’hui.
Intangible mais bien réelle et ressentie par tous, l’éthique est pour faire court, la jonction entre devoir, pouvoir et morale.
La notion de devoir chez Kant :
Kant nous apprend à placer la morale dans la volonté plutôt que dans l’efficacité. Pour l’expliquer nous prenons l’exemple de l’archer proposé par les stoïciens. Lorsqu’un archer vise mais rate sa cible, il n’en est pas moins un bon archer. En revanche, s’il ne vise pas la cible et la touche en plein coeur, il ne devient pas pour autant un bon archer. La notion à retenir est la volonté de bien faire. La morale est donc à placer dans la volonté de mener une action et pas dans son efficacité.
Transposée aux marques, la volonté de faire, de bien faire, résulte donc de la morale. L’efficacité mesurée n’est que le moyen de savoir si les objectifs sont atteints. Une marque qui a la volonté de faire bien est donc une marque « morale ».
Toujours selon Kant, l’éthique ne doit pas être conduite par un choix, mais par un souffle intérieur. Une volonté pure qui émane des valeurs et de la morale personnelle de celui qui l’exprime. Les actions ne sont éthiques que si elles sont librement choisies et exécutées, sans être dominées par la volonté de convenir à quelques influences sociales, politiques ou encore business extérieurs.
C’est de cette façon que Kant fait la différence entre impératif catégorique et impératif hypothétique :
- L’impératif catégorique : est une volonté morale pure, non influencée par l’extérieur et non instrumentalisée. Les actions et le comportement sont donc moraux, s’il est intrinsèquement établi, sans être inscrit dans une quête d’objectif. Une marque est donc éthique si elle répond à des enjeux moraux sans à aucun moment servir une stratégie.
- L’impératif hypothétique : est défini par un ensemble d’actions morales qui sont conduites dans une poursuite d’objectifs concrets. La morale et les actions étant de fait contraintes pas une force extérieure et qui ne résulte pas de la morale, une entreprise qui poursuit une telle démarche ne peut donc pas se targuer d’être éthique.
MARQUES : ENTRE BUSINESS ET PURPOSE
Les marques sont dominées par les lois de la rentabilité et de la stratégie. Chaque action est donc calculée selon un budget précis et doit avoir un ROI positif. Entre mesure et rentabilité, les marques ne peuvent être purement éthiques au sens de Kant et se placent dans l’impératif hypothétique.
Cependant, tout doit-il passer par la philosophie ? Particulièrement celle de l’éthique, qui est à s’arracher les cheveux. Ne pouvons-nous pas dire qu’une marque qui intervient sur le domaine des causes est éthique ?
Pour faire court et simple, tout est dans le purpose.
Le purpose d’une marque est la jonction entre sa raison d’être, sa vision et ses objectifs, hors rentabilité.
Devenu un des piliers principaux de la communication des marques, avoir un purpose va permettre de nourrir les communications de la marque en intégrant son action au coeur des enjeux sociaux. Par exemple pour une marque food, travailler pour une culture respectueuse de la planète et des Hommes ou la culture du zéro dechet. Pour une marque de vêtements, cela peut être d’offrir la possibilité d’exprimer sa personnalité au travers de son style, ou alors une production qui rémunère correctement tous les maillons de sa chaîne.
Ainsi, repartons d’un exemple que nous avons vu passer pendant un des derniers mois des fiertés. Pouvons-nous placer un sandwich LGBT (Lettuce - Guacamole - Bacon - Tomato), dans la morale et l’éthique ? En quoi cela va-t-il répondre à des enjeux et des problématiques sociales ? À part couvrir une période où la prise de parole est quasi contrainte par la société et participer à la coloration du mois, rien d’éthique ou de moral.
Les marques étant en relation directe avec la société ont bien entendu un rôle à jouer sur des questions d’éthique. En revanche, sont-elles les plus légitimes pour le faire ? Entre devoir et pouvoir, valeur, morale et subjectivité, ne serait-t-il pas plus simple et plus impactant de s’associer, se lier, se rapprocher des causes, en cohérence avec leur purpose ? Ainsi, conserver une séparation tangible entre son action business et son action sociale, tout en participant à la résolution de problématiques sociales et sociétales. Offrir les clés de leur puissance pour nourrir les desseins d’une cause et répondre à leur enjeu d’humanisation de la marque.
FRICTION ENTRE MARQUES COMMERCIALES ET CAUSES SOCIALES : QUELS INTÉRÊTS ?
CAUSES SOCIALES : NOTORIÉTÉ, POIDS ET AMPLITUDE :
Pour une association assimilée à une cause, travailler conjointement avec une marque lui fait bénéficier de la notoriété de celle-ci. Elle va aussi bénéficier du poids de la marque pour faire valoir son action auprès des médias, c’est une opportunité pour gagner en légitimité et en poids face à la société. Le troisième et dernier point est l’amplitude. En faisant bénéficier de leur expertise et d’une part de leur budget, les marques permettent aux associations et aux causes d’être plus à même de mener des actions concrètes. Par exemple, l’association le Refuge, qui protège les jeunes LGBT+ en situation de rupture familiale, bénéficie de solutions de logements temporaires pour ses jeunes LGBT+ par Balladins, une chaîne d’hôtellerie restauration.
MARQUES : UTILITÉ, CIBLAGE ET HUMANISATION :
Les marques doivent prouver leur engagement pour les consommateurs et la société. Pour une marque, joindre son purpose à celui d’une association est une opportunité de témoigner de son utilité sociale. Cela va augmenter le capital confiance et sympathie pour la marque, car les consommateurs vont associer le discours et l’action de la marque. Par ce même biais, les marques engagées vont gagner en considération de la part de leurs prospects. Une marque engagée retient plus l’attention qu’une marque qui ne fait rien pour la société qui l’entoure. Ainsi, les messages commerciaux passeront mieux auprès d’une cible, si elle connait déjà une marque par son engagement. De plus, une marque qui intervient sur un domaine social plus grand que son action et ses enjeux business, va se rapprocher des consommateurs, de leur quotidien et de leurs mindsets. Elle va s’humaniser pour devenir une alliée, une amie de ses consommateurs. Elle est donc plus à même de lui conseiller produits, services, modes de vie ou de consommation car considérée comme proche de la réalité
Sur un aspect un peu plus sociologique, les causes agrègent en leur sein pléthore de profils qui ont tous un point commun, vous l’avez deviné … la cause ! Elle peut donc être un critère de ciblage pour une marque. Une marque qui décide de créer un sextoy unisexe peut se rapprocher d’une cause ou association qui partage tout ou part de son purpose. Ainsi, elle communique son message de marque et fait valoir son utilité sociale et son bénéfice pour les individus, compris dans l’enceinte de la cause ou de l’association.
Vous l’aurez compris, les causes sociales et les marques commerciales peuvent, sur une base d’échanges standards, faire bénéficier à l’autre d’un point de vue, d’une approche concrète et en lien avec leur identité, expertise et activité. Toutes les deux réunies sous la règle du purpose, et alors que l’intérêt pour les marques engagées monte dans les instincts de consommation des individus, comment pourraient-elles être amenées à travailler ensemble demain ?
Dans un prochain article qui fera suite à celui-ci, je vous proposerai une réflexion sur les relations, comportements et attentes entre les marques et les consommateurs LGBT+.
En attendant la suite, je vous laisse me dire en message privé ou en commentaire ce que vous avez pensé de cet article, mettre un like ou partager si le coeur vous en dit.
Production manager at Parallel Studio //
4 ansUn plaisir de te lire et de suivre ta série d'articles !