Mauvaises bases pour le plan "Paris intelligente et durable"
En mai 2015, Anne Hidalgo présentait les grands axes de son plan stratégique pour une ville intelligente et durable dans un document intitulé "Paris intelligente et durable - Perspectives 2020 et au-delà".
Ce plan est structuré en trois grandes parties:
- Quels sont les défis, opportunités et demandes ?
- Vision, grands objectifs et actions concrètes
- Gouvernance et évaluation.
Selon ses auteurs, il vise à faire de Paris une ville ouverte qui place l’humain au centre du dispositif, une ville connectée, qui s’appuie sur les possibilités offertes par le numérique, une ville ingénieuse, qui organise la transition vers davantage de sobriété.
Original par l’accent mis sur le dialogue et la co-construction, ce document est très décevant dans son contenu. Les auteurs donnent l’impression de chercher des éléments répondant au mantra « ville connectée, ville ouverte, ville ingénieuse » plutôt que de mener une réflexion stratégique en partant des problèmes de fond. En outre, dans le triptyque du développement durable, le pilier économique est délaissé au profit des piliers sociaux et environnementaux.
Des omissions et un manque de rigueur dans la présentation des défis
La première partie consacrée aux défis s’étend sur cinq pages. C’est assurément la partie la plus faible et la plus critiquable tant sur la forme que sur le fond.
Les défis sont assez abstraits et généraux, rattachés à 3 grands domaines : urbanisation, raréfaction des ressources et dérèglements climatiques. On cherche en vain des spécificités parisiennes dans leur liste (transition énergétique, végétalisation, eau, approvisionnement alimentaire, mobilité, logistique urbaine, déchets et résilience face aux crises). Cette capitale n’aurait donc aucune particularité qui mériterait qu’on s’y attarde ?
D’autre part, le choix des défis manque parfois de justifications ou ne semble pas prendre en compte les éléments existants (chiffres, études…).
On lit par exemple dans la section sur l’approvisionnement alimentaire au centre de Paris : « Il s’agit aujourd’hui de considérer l’agriculture urbaine […] comme un véritable projet de ville, avec une logique de filière économique à développer. » Pourquoi ce focus sur l’approvisionnement alimentaire du centre de Paris ? Par quoi serait-il menacé ?
Sous le titre « Vers des mobilités durables adaptées aux nouveaux usages » est abordée essentiellement la pollution atmosphérique. Alors qu’Airparif a montré en 2011 que la moitié de la pollution est importée et que l’Ademe recommandait fin 2014 « Pour un changement significatif et bénéfique, il faut agir sur plusieurs sources de pollution, et notamment les transports, le chauffage au bois individuel et l’agriculture », pourquoi ne s’attacher qu’au transport ?
Les études ne manquent pourtant pas sur de nombreux sujets pour identifier les défis réels et spécifiques auxquels est confrontée la capitale (chiffres du chômage, du logement, nombre de bureaux vacants, évolution du nombre d’entreprise ayant leur siège à Paris, évolution de la fréquentation touristique…).
La liste des défis présente surtout une omission manifeste. Alors que la définition du développement durable s’appuie sur 3 piliers (environnement, social et économie) le plan de la Ville de Paris fait porter ses priorités sur le social et l’environnement. Les aspects économiques sont cités ponctuellement sans être identifiés explicitement comme enjeu, sans faire l’objet de propositions d’actions spécifiques.
Enfin cette section manque un peu de rigueur puisqu’elle mélange identification des défis et plan d’actions. Des mesures concrètes qu’on aurait attendues dans la troisième partie sont annoncées comme les services innovants de mobilité durable, le développement de l’agriculture urbaine, ou bien favoriser l’économie d’usage et de fonctionnalité.
Une vision limitée des opportunités
Paris veut se saisir des opportunités offertes par les nouvelles technologies dans les domaines de la mobilité, des nouveaux modes de production et de consommation, de la gestion de l’espace public et de l’aménagement, des services publics et la gouvernance.
Par nouvelles technologies, Paris entend essentiellement le numérique dont l’impact est évoqué par une série d’exemples dans différents domaines. Là encore, on peut regretter un choix restrictif alors que, dans sa keynote pour la conférence sur la ville intelligente organisée par le Forum Atena le 8 juillet dernier, Carlos Moreno rappelait que la révolution informatique n'est qu'une des quatre révolutions en cours qui transforment le monde et la ville de demain à côté de la bio-systémique, les nanotechnologies et les nouveau matériaux et enfin la robotique, Ces deux derniers éléments auront certainement aussi un rôle à jouer dans le modèle de la ville du futur
A noter dans cette section deux allusions à l’économie en imaginant une réindustrialisation des métropoles grâce à l’impression 3D et une économie de proximité portée par les commerces de quartier.
Mais on est loin d’avoir examiné tous les impacts et opportunités liés aux nouvelles technologies !
Les demandes prioritaires des parisiens sont ignorées
Le plan stratégique affirme que les citoyens réclament une plus grande participation à la prise de décision comme à la gestion des projets et met en avant quatre types de demandes liées de près ou de loin au numérique : faciliter les initiatives, offrir de nouvelles infrastructures télécom, gérer les risques associés aux nouvelles technologies, favoriser l’inclusion numérique.
Le lecteur qui s’étonnerait que les demandes des parisiens se focalisent sur le haut de la pyramide de Maslow peut se reporter à l’enquête du CSA pour BFMTV, Le Figaro et Orange en 2013 où deux sujets sortaient du lot : la lutte contre la délinquance qui est citée par 45% des personnes interrogées et l'accès au logement (43%). Sont cités ensuite le montant des impôts locaux (36%) et les transports en communs et liaisons avec les autres villes (36%). La transparence de la gestion municipale était un sujet pour 16% et la couverture numérique pour 6% des interviewés.
Les auteurs n’ont donc pas cherché à partir des demandes réelles pour bâtir ce plan et notamment pas des demandes de nature économiques (montant des impôts, coût du logement).
Une occasion manquée
En oubliant que le développement durable repose sur trois piliers dont l’économie, en faisant une identification partielle des défis, en ignorant les demandes primordiales des parisiens et en ne s’intéressant pas à toutes les nouvelles opportunités qu’offre la technologie, le plan stratégique de la Ville de Paris ne part pas sur de très bonnees bases pour construire son plan d’actions. Et il n’est pas sûr que la phase de concertation ouverte jusqu’à la mi-septembre 2015 (http://villeintelligente.idee.paris/) soit suffisante pour rectifier le tir…
CEO - Consulting Services
9 ansvrai les enjeux de gouvernance sont la clé des smart cities : - clarifier la vision et communiquer/éduquer, - pour les datas : organiser les données de la ville (publiques, privées, crowd) et les ouvrir - définir les règles d'usages de ces données : entre contrôle et régulation et liberté - savoir prendre des risques sur les aspects nouveaux - impulser les initiatives nouvelles
Analyse intéressante! Je rebondis sur deux points : * la sécurité, qui me semble être un enjeu important, auquel les gens sont sensibles au quotidien. Pourquoi pas un peu plus de télé-surveillance (désolé si j'ai dit un gros mot)? Des applications pour rapporter les incivilités, pour signaler les tags aux service municipaux, l'accès à des statistiques précises sur la délinquance par quartier, etc. * la baisse des impôts : grâce au numérique, on devrait augmenter l'efficacité de nos services publics et se fixer des objectifs de réduction des coûts (là aussi un autre gros mot).
Fondation 2100
9 ansMerci d'avoir rappelé les Quatre révolutions technologiques en cours qui transforment le monde et la Ville. Les technologies émergentes pour les Buts développement durable des Nations Unies concernent tous les Pays....