Mieux comprendre l'indice Euronext Family Business
La société familiale est souvent vue comme un modèle : stabilité actionnariale, investissement dans la durée, patience dans le retour sur investissement, en un mot : résilience. Pour renforcer la visibilité des entreprises familiales cotées auprès des investisseurs, Euronext a décidé la création d’un indice européen dédié : l’indice Euronext Family Business, incluant 90 entreprises familiales cotées présentes dans 4 pays couverts par Euronext. Cet article a pour but de résumer son fonctionnement.
I – Univers éligible à l’indice Family Business : des entreprises sous influence
Toutes les entreprises considérées comme «familiales» admises à la cote sur les segments A, B, C de l’Eurolist d’Euronext, plus celles listées sur Alternext.
Pour être considérée comme une « entreprise familiale », la société doit remplir les critères d’éligibilité suivants :
- Etre « contrôlée » par des actionnaires familiaux (personnes physiques ayant créé l’entreprise ou ayant acquis l’entreprise, et/ou leur frère/sœur, époux, héritiers directs).
- Avoir la certitude que la génération suivante d’actionnaires familiaux gardera le contrôle de l’entreprise.
La difficulté réside donc à définir la notion de contrôle (« significant influence »). A cet effet, Euronext a choisi de définir des guidelines qualitatives plutôt que des limites quantitatives.
Pour considérer que la société est contrôlée, la famille actionnaire doit remplir les critères suivants :
- Posséder une part du capital suffisamment importante pour influencer la stratégie et/ou la gestion de l’entreprise au quotidien.
- Au moins un membre de la famille (ou un proche) est formellement impliqué dans les organes de gouvernance de l’entreprise.
- L’entreprise doit être au moins à la deuxième génération d’actionnaires familiaux, (la première génération n’est pas suffisante). Explicité autrement il y a dû avoir au moins une passation de pouvoir (« at least one handover ») entre actionnaires familiaux, qu’il soit « vertical » (parents/enfants) ou horizontal (frère/frère).
La notion de contrôle laisse donc place à interprétation, néanmoins l'univers d'investissement d'Euronext se compose de 220 titres
II – Construction de l’indice : un indice à compartiments dont les composants sont équipondérés
L’indice Family Business est constitué de 90 titres. Sa construction s’appuie sur les 3 compartiments de l’Eurolist d’Euronext. A l’intérieur de chacun des compartiments les titres sont équipondérés.
Le Family Business Index se compose de 3 compartiments dont les poids sont arbitrairement fixés à chaque date de rebalancement trimestriel :
- les entreprises cotées dans le compartiment A (large cap) représentent 50% du poids de l’indice,
- les entreprises cotées dans le compartiment B (mid cap) représentent 35% du poids de l’indice,
- les entreprises cotées dans le compartiment C et Alternext représentent 15% du poids de l’indice.
Chaque compartiment de l’indice Family Business (A, B, C+Alternext) doit être composé de 30 sociétés (3 compartiments x 30 sociétés = 90 sociétés dans l’indice)
A l’intérieur de chacun des compartiments, les 30 titres sont équipondérés
- dans le compartiment A, représentant 50% de l’indice, le poids individuel de chaque titre est donc de 50%/30 = 1.67%
- dans le compartiment B, représentant 35% de l’indice, le poids individuel de chaque titre est donc de 35%/30 = 1.17%
- dans le compartiment C+Alternext, représentant 15% de l’indice, le poids individuel de chaque titre est donc de 15%/30 = 0.5%
L’indice est rebalancé tous les 3 mois, le troisième vendredi de juillet, octobre, janvier, avril. Entre ces dates, les poids dérivent librement. La composition est revue tous les ans, le troisième vendredi d’avril.
Contrairement à ce que nous pouvions anticiper, l’indice ne tient pas compte du coefficient de flottant, qui permet de déterminer la part du capital réellement investissable en bourse.
La liquidité des titres est prise en compte au travers :
- des poids des différents compartiments (50%, 35%, 15%),
- de filtres de liquidité spécifiques, permettant pour chaque compartiment, de choisir les 30 titres parmi les 80% les plus liquides sur la base du turn-over quotidien médian évalué sur 12 mois.
Il n’empêche, les titres inclus dans l’indice sont détenus à hauteur de 61.25% (en médiane) par leurs fondateurs et leurs investisseurs stables, ce qui ne laisse que peu de place pour les autres investisseurs.
Le tableau ci-dessous résume la situation grâce à la lecture suivante :
la société « témoin » de l’indice Family Business, possède une capitalisation boursière de 689 millions d’euros, or elle est détenue par ses actionnaires stables à 61.25%, il ne reste donc plus que 38.75% de la capitalisation boursière disponible en bourse soit 221.2 millions d’euros.
La capitalisation boursière flottante des sociétés appartenant au compartiment C+Alternext pose réellement question (35.8 millions d’euros de capitalisation boursière flottante) et éloigne immédiatement le risque de voir des produits dérivés ou des ETF sur ce type d’indice, ce qui laissera la place aux sélectionneurs de titre patients.
III – Analyse de la composition de l’indice
Sur la base de la publication de l’indice au 20 février 2017 nous pouvons faire les constatations suivantes :
Du point de vue des capitalisations boursières, l’indice family business est constitué d’entreprises ayant une capitalisation boursière médiane de 689 millions d’euro, versus 8.8 milliards pour le SBF120 et le MSCI EMU, ce qui place le Family Business Index dans la catégorie des midcaps malgré les 50% de titres du compartiment A (large caps)
Du point de vue sectoriel, l’indice Family Business est, comme nous pouvions nous y attendre, sous pondéré sur les secteurs financiers, énergie et services aux collectivités. A l’inverse, il est fortement surpondéré sur les secteurs boissons/alimentation (Danone, Pernod, Heineken), industrie, (Manitou, Oeneo, Haulotte) et holding financiers de participations (Specialized finance).
Du point de vue géographique, la répartition se résume à 4 pays : France 68.4%, Belgique 17.8%, Portugal 8.5% et Pays-Bas 5.3%. Il ne s’agit donc pas d’un indice Family Business EMU (il manque notamment le « mittelstand » allemand coté sur Deutsche Boerse) mais uniquement des pays de l’alliance Euronext.
Du point de vue du risque : un indice "singulier"
Il résulte de cette analyse que l’indice Family Business possède un comportement très diffèrent du SBF120 ou du MSCI EMU, voire même du CAC Mid60, pourtant représentatif des ETI cotées françaises.
En comparaison du SBF120, l’indice Family Business semble significativement moins risqué (béta à 0.69), néanmoins son Tracking Error (TE) qui est le risque de divergence de performance de l’indice Family Business (à la hausse comme à la baisse) par rapport à celle du SBF 120 est très élevé (6.70%). Curieusement, cet indice ne ressemble pas d’avantage au CAC MID60.
Du point de vue des valorisations et du style, l’indice Family Business s’avère être composé de valeurs plus chères que celles du SBF120, du CAC mid 60 et du MSCI EMU (tant en terme de P/BV qu’en terme de P/CF) mais avec des croissances bénéficiaires à 2 ans supérieures. En comparaison du SBF120 ou du MSCI EMU nous nous trouvons donc sur un indice davantage typé «croissance ».
En conclusion :
L’indice Family Business est un indice plutôt « mid and small caps », centré sur la France, mais pour autant diffèrent des indices existants, avec un biais de style plutôt croissance et de très probables difficultés d’investissement sur les 15% de l’indice composés des plus petites valeurs. Mais il s’agit probablement du "prix à payer" pour la résilience. Le prix passe la qualité reste ?
Annexe : Composition de l’indice Family Business au 21/02/2017