Mobiliser mon équipe (et moi aussi tant qu’à y être!)... … en ces temps d’incertitude
J’entends toutes ces phrases un peu plus ces temps-ci.
« Je me sens impuissant, et tirailler entre prendre soin des gens, et assurer la rentabilité de mon entreprise, et parfois, j’ai l’impression que quand je m’occupe de l’un, je néglige l’autre. »
« Je n’ose pas dire autour de moi que je me sens en perte de repères. Ça ne doit être que moi. Tout l’monde autour semble continuer de fonctionner normalement. »
« Je me prends en main, moi! Pourquoi les autres ne sont pas en mesure de se prendre en main eux-mêmes! Pourquoi ai-je toujours à recommencer à les motiver? Ne peuvent-ils pas faire preuve de plus d’autonomie? »
Comme si les gestionnaires étaient un peu à bout de souffle. (Je dis « comme si » pour me garder une petite gêne.)
Toute cette incertitude vécue dans les derniers mois, qui perdure, ne fait qu’accentuer des défis qui étaient déjà présents au quotidien. Ce sentiment d’impuissance face à l’inconnu, l’intangible inconnu, grandit sournoisement dans l’ombre… mais ce n’est pas parce qu’il est caché qu’il n’est pas moins dévastateur.
De plus en plus de leaders vivent ce que Pascale Brillon, psychologue, cite dans son tout nouveau livre, et qui peut s’apparenter à une certaine fatigue de compassion :
Les gestionnaires, un peu comme les proches-aidants, à force de vouloir soutenir leurs collègues, employés, finissent par se fatiguer de devoir être ceux qui sont forts et constamment alertes et réactifs.
Les attentes de leurs gestionnaires sont grandes car le stress a souvent gagné toutes les sphères des entreprises, et le stress de leurs employés face à l’inconnu se transforme en une demande plus grande de soutien, de rappels, d’encouragements.
Qui est là pour les soutenir, eux?
J’entends la fatigue psychologique et émotive, et même la détresse de certains gestionnaires. Même si la plupart trouveraient que j’exagère en utilisant le mot « détresse ». Et pourtant.
La définition de la détresse est la suivante : angoisse causée par un sentiment d’impuissance, d’abandon, par une situation qui peut être perçue comme désespérée. Situation critique, malheur exigeant un prompt secours. État qui peut se caractériser par des signes de stress, d’anxiété qui vont apparaître à la suite de un ou plusieurs évènements. Ces signes peuvent être : fatigue, insomnie, impatience, douleurs musculaires, migraines, défi de concentration, oublis, irritabilité, isolement, poussées de colères, tristesse, etc.
Ce qui se passe en ce moment dans le vécu des gestionnaires n’est pas à prendre à la légère. Plusieurs entreprises sont devenues à risque. Fragilisées par le contexte.
Vous hésitez entre prendre du temps pour prendre soin du moral des troupes, et vous avez l’impression que ce faisant, vous négligez l’aspect des opérations et du rendement. Il devient difficile de combiner les deux de façon harmonieuse sans sentir le stress monter d’un cran. Vous avez l’impression qu’en contribuant à diminuer le stress des autres, vous augmentez le vôtre.
Ce stress qui augmente, vous n’osez peut-être pas en parler autour de vous, de peur d’être le seul à le vivre. Vous en parlez à votre entourage proche. C’est une question de ne pas inquiéter outre mesure, ni moi, ni les autres. Vous vous dites qu’au fond, ce n’est pas si pire que ça. Qu’il est encore possible de continuer et que tout va se replacer. Mais vous vous croyez de moins en moins…
Et si vous n’en n’êtes pas à ce point, vous prenez les moyens pour garder votre équilibre, le vôtre, et vous êtes engagés dans la prévention par des mesures qui visent à permettre la continuité de la croissance, de l’entreprise, des employés, de vous-même. Mais vous avez l’impression que tous ne le font pas, et parfois ça devient frustrant de constater que vous avez à ramer pour les autres et cette impression qu’ils ne font pas ce qu’ils ont à faire peut s’accentuer.
Pour toutes ces possibilités qui demandent en ce moment de se rallier, de penser autrement, d’appliquer ce qu’on sait en théorie mais qu’on néglige souvent de mettre en pratique, ça demande un effort autre : le courage de changer certains réflexes ou habitudes qui ont fonctionné dans le passé, et qui ne fonctionnent plus en ce moment. Ou plus autant. L’effort de faire un tant soit peu autrement. De poser des questions, d’éviter de se paralyser pour un excès d’analyse ou par un excès d’action.
Je serais TRÈS curieuse et surtout intéressée de vous entendre, de vous lire, et de voir mis en commun ce qui fonctionne pour vous en ces temps où mobiliser son équipe demande encore plus d’énergie qu’habituellement. En attendant de vous lire, voici certaines pistes de réflexions pour soutenir cette importante responsabilité qu’est Mobiliser son équipe.
Au lieu de continuer à foncer, ARRÊTEZ
Le réflexe quand vous sentez que vous perdez le contrôle, ou que vous êtes impuissants, c’est de pousser encore plus fort, de continuer sans cesse, de foncer tête première pour « finir par en finir ». Par contre durant ces moments qui peuvent même devenir de l’acharnement, le recul sur la situation n’est plus suffisant. Quand vous continuez à pousser sur vous-même et sur les gens, sans avoir pris un temps d’arrêt, vous risquez de ne plus voir vraiment où vous allez. Dans ces moments, ce que vous allez dire c’est : « Je sais, je sais, encore un peu et j’arrête pour prendre ce recul. Je n’ai pas le temps. » ou encore « si j’arrête, j’ai peur de ne plus redémarrer… ». Ces croyances vous maintiennent dans le cercle (perçu comme vertueux), qui peut mener à l’épuisement de vous-même ou de vos troupes.
Quand vous pensez que vous n’avez pas le temps d’arrêter, ARRÊTEZ !!! Et prenez le temps de vous poser les questions suivantes :
- J’en suis où dans le projet ?
- Nous en sommes où dans le projet, la tâche?
- Quelle était ma vision de ce projet, cette tâche? Vers où je m’en allais? Vers où nous dirigions-nous?
- Que me/nous reste-il à faire?
- Sur quoi doit-on mettre le focus?
- Quel est l’essentiel pour atteindre la prochaine étape?
- Quel est l’essentiel SELON CEUX QUI M’ENTOURENT?
Quand votre perspective est devenue la seule qui compte réellement, CONSULTER
Vos collègues et vos employés sont dans la même situation que vous, à leur échelle à eux. Ils voient les problèmes et ils voient peut-être les solutions. Par contre, parfois, certains ne se sentent pas légitimes de nommer ou de proposer ce qu’ils ont aperçu comme idées de résolution potentielle. Soit ils l’ont dit dans le passé et n’ont pas été entendus, soit ils n’ont pas osé. Simplement. Souvent des pépites d’or dorment sous le couvert du silence. Parfois parce qu’ils n’ont pas su être recueillies. Alors pourquoi ne pas oser permettre à ces idées potentielles de sortir? C’est perçu comme une perte de temps? Si vous l’avez déjà fait dans le passé, avez-vous réellement fait de la place à ces suggestions sans les retourner inconsciemment du revers de la main? Vous vous êtes peut-être dit que si les gens avaient des bonnes idées, ils allaient naturellement vous les partager. Pourtant, c’est loin d’être toujours le cas. Certains sont trop timides, d’autres ont peur de se sentir ridicule et de ne pas avoir le sentiment d’avoir eu un bel accueil pour leur suggestion même si elle était incomplète, d’autres jugent simplement que si vous êtes le patron, vous y avez sûrement déjà pensé.
Si vous êtes un peu à court d’idées, ou si les plans choisis ne fonctionnent pas comme prévu, CONSULTEZ :
- Provoquez des rencontres individuelles dans lesquelles vous allez demander aux gens de vous partager leur vision de la situation, et de suggérer des idées, si petites soient-elles, et même si incomplètes. Et restez ouvert en prenant des notes.
- Organisez de brèves rencontres d’équipe en demandant aux gens d’avoir une ouverture d’esprit et de nommer toutes les idées qui leur passe par la tête. En leur rappelant les principes de base d’un brainstorming : aucune idée n’est mauvaise. Elles peuvent toutes contribuer à créer LA solution à laquelle personne n’aurait pensé de façon individuelle.
- Faites un mini sondage par courriel, plateforme interne, Survey Monkey ou autre, et faites-vous aider si vous ne savez pas trop comment orchestrer le tout. Un court sondage de 5 questions peut faire des miracles. Annoncez ce sondage et mentionnez à quel point l’avis de chacun est essentiel.
- Challengez vos propres idées. Acceptez de les amener devant les autres en permettant à chacun de poser des questions et de voir s’ils ne trouveraient pas des angles morts que vous n’aviez pas anticipés. Ne sous-estimez pas la capacité de ceux qui vous entourent à bonifier votre vision.
- Demandez de l’aide. Allez chercher du support. N’attendez pas de ne plus voir clair du tout et d’être submergé. C’est une belle preuve d’humilité, et surtout de maturité, de courage managérial.
- Et pour finir, peu importe le ou les moyens que vous choisirez pour consulter, remerciez sincèrement tous ceux qui vont accepter de contribuer. Et si c’est en personne, prenez le temps de les regarder dans les yeux en leur disant merci.
En ces temps d’incertitude, c’est important de se rallier, de créer de la cohésion. C’est important de se dire ce qu’on apprécie de ce que l’autre fait. La mobilisation c’est l’action de rassembler et de dynamiser les énergies. Et pour se sentir mobilisé, et transformer ce sentiment en action, j’ai besoin de recommencer à me sentir relié. À une cause, à une équipe, à un collègue, à la vision du leader, car elle vient de m’être partagée de nouveau.
Pour dynamiser, il faut bouger. Pas simplement attendre qu’elle arrive.
À vous. Nous voulons vous lire!