Mon interview parue hier au magazine L'économiste

Comment combler le déficit budgétaire estimé à 9 milliards de dinars d'ici la fin d'année ?

 

Lors de son établissement, le budget 2021 (52 milliards de dinars), prévoyait un besoin de mobilisation de fonds d’environ 18,5 milliards de dinars.

 

A fin septembre 2021, le déficit budgétaire global s’est aggravé pour atteindre environ 21 milliards de dinars. Les principales causes sont, d’une part, les hypothèses trop optimistes sur lesquelles le budget était établi (croissance, prix du brut, tourisme, phosphates, augmentation des salaires, cours des devises etc.) et d’autre part, l’impact de la pandémie du Covid-19.

 

A ce jour, le ministère des finances, n’a pu disposer que de 12 milliards pour combler en partie ce déficit. Alors comment faire pour mobilier les 9 milliards restant, dans le cadre de la LF complémentaire 2021 ?

 

Théoriquement, pour lever les fonds nécessaires, l’Etat tunisien, à défaut de ressources internes, peut solliciter le marché international.

 

En interne, le trésor a déjà lancé trois adjudications de BTA (en août et septembre 2021). Ces adjudications ont porté sur les mêmes lignes annoncées à savoir : BTA 7,5% Décembre 2028, BTA 8% Novembre 2030 et BTA 8% Mars 2033.

 

Deux adjudications ont été infructueuses et la troisième a réussi à avoir un retour positif partiel. Ainsi, les banques, sollicitée pour la troisième fois cette année, ont fini par accepter de participer partiellement au financement nécessaire, à des taux supérieurs. C’est la limite du marché intérieur.

 

La sollicitation des banques tunisiennes expose le marché interne au manque de liquidité qui pourrait être comblé par l’émission de nouveaux billets.

 

Cette pratique aggravera l’inflation (6,2% actuellement) et le gap entre le dinar et le dollar et l’euro. Aussi, le pouvoir d’achat sera lourdement impacté avec des risques de mouvances sociales.

 

Par ailleurs, l’investissement privé sera ralenti et les projets publics seront en difficultés. Même l’Etat ne pourra plus jouer son rôle de promoteur de l’investissement à travers le partenariat « PPP ».

 

La création des emplois sera faible et le chômage (environ 20%) s’aggravera plus. Une tension sociale est prévisible avec des risques de retour aux grèves et sit-in perturbant la production nationale. L’export sera ainsi, perturbé affaiblissant le niveau des réserves en devises.

 

Encore plus désespérés, les chômeurs et les démunis vont s’aventurer encore plus dans l’immigration clandestine avec les drames qui s’en suivent.

 

Dans ce contexte précis, et même si les banques tunisiennes font plus d’effort, le recours à l’endettement extérieur demeure inévitable.

 

Cependant, le manque de visibilité et le faible rendement des opérateurs économiques compliquent la donne.

 

A l’état actuel de nos performances nationales, les plus modestes, et la notation des agences de rating, sortir sur le marché international risque d’être infructueux et sans suite. Même les plus spéculatifs des fonds, n’accepterons plus de nous financer qu’à éventuellement des conditions d’usure (délais et taux).

 

Cependant, d’après les déclarations d’un anicien ministre de l’Investissement extérieur, les promesses du forum 2020 ainsi que les dotations européennes suivantes attendent encore la proposition par l’Etat tunisien de projets pour mobiliser les fonds !

 

Pour pallier ces lacunes, à mon avis il faut remettre en marche les moteurs de la croissance économique.

 

Le premier moteur est l’investissement de l’Etat à travers les projets d’infrastructure et de réhabilitation des villes.

 

Le deuxième moteur est la production nationale destinée à l’export en plus du tourisme.

 

Le troisième moteur est la consommation, à travers une maitrise des prix et des circuits de distribution.

 

Le quatrième moteur est l’investissement privé à travers une réduction sensible de la pression fiscale et rétablissement de la confiance entre l’Etat et les hommes d’affaires.

 

Il est important, aussi, de décréter une trêve sociale de trois ans au moins.

 

Un retour en force vers le marché des capitaux des pays du golfe est très recommandé.

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets