Mutualisation et solidarité sont indissociables!
Revenir au plus vite à la mutualisation! Solidaire et responsable!
L'actualité vient de nous livrer deux opportunités à saisir pour remettre la protection sociale dans le sens solidaire qui est et reste sa légitimité humaine et son levier technique.
C'est un récent éditorial de Jean Peyrelevade ex-PDG de LCL et de l'UAP, devenue AXA, qui dans les Echos nous rappelle que la retraite par répartition ne peut fonctionner que par intégration de toutes les catégories de salariés, y compris les cadres supérieurs, condition incontournable de l'équilibre du système intergénérationnel et intercatégoriel!
C'est ensuite le rapport de l'UFC qui dénonce les hausses de cotisations des mutuelles santé (+ de 5%) entraînées certes pour partie par le vieillissement de la population mais surtout par la mise en oeuvre du "reste à charge 0" installé par les pouvoirs publics.
En remontant de quelques mois, on pourrait également mentionner la dérive du rapport de charges cotisations/prestations subie par les régimes collectifs de prévoyance et santé des entreprises, notamment sur les arrêts de travail, depuis la remise en cause par le Conseil Constitutionnel de la mutualisation de la protection sociale par accords paritaires étendus dans les branches professionnelles (au nom d'une improbable opposition entre liberté d'entreprendre et droit d'organiser librement la solidarité!).
Dans toutes ces situations, le scénario de constestation reposait (et continue de reposer pour certains au mépris des résultats constatés), sur l'idée que le jeu concurrentiel entre les acteurs favoriserait le contrôle des coûts et/ou l'amélioration des prestations. Notons au passage que cette doctrine a largement été inspirée au niveau européen par nos amis britanniques et traduites ensuite par des directives dominées par la logique financière qui leur est culturelle au détriment d'un raisonnement assurantiel et solidaire tel que pratiqué par les acteurs hexagonaux...Les britaniques partis ou en voie de les quitter, on peut espérer que les instances européennes reprennent le sujet!
Il leur suffit de constater avec objectivité quels sont les résultats tangibles de cette logique de marché appliquée à la protection sociale.
En matière de santé, le désengagement du régime général a certes ouvert un marché complémentaire mais celui-ci s'est vite heurté à cette contradiction : faute de pouvoir organiser la mutualisation sur la base la plus large, la hausse de la consommation de soins ne pouvait que renchérir les coûts de ceux qui restent assurés dans la mesure où les plus aisés et mieux portants se détournaient du régime! Sauf à proposer des régimes haut de gamme inaccessibles au plus grand nombre! Comment s'étonner que les retraités par exemple soient ceux qui soient les plus pénalisés et sortent par milliers chaque année de l'assurance complémentaire quand le montant de leur cotisation mutualiste peut atteindre jusqu'à deux moix de pension pour les garanties les plus complètes?
Pour la prévoyance des salariés qui s'était développée à partir d'accords de branches étendus dans des conditions techniques et administratives optimales, l'ouverture a produit ce que craignaient les spécialistes de ces sujets. Les meilleurs risques se sont affranchis de leur engagement solidaire (dont la contrepartie est qu'ils sont pourtant les bénéficiaires de la solidarité en retraite par une longévité supérieure...). Les risques plus exposés sont restés dans une mutualisation qui s'est déséquilibrée et sont condamnés à subir des hausses de tarifs ou accepter des baisses de garanties! Quant à la gestion de ces régimes, la contraction de la "masse assurable" a largement freiné l'amélioration des ratios que l'arrivée de la digitalisation laissait espérer!
Faut-il insister pour rappeler que dans les deux situations citées, l'innovation d'accompagnement ou de prévention est encore demeurée très marginale malgré des efforts méritoires ici ou là sur l'assurance comportementale. La "main invisible du marché" chère aux tenants de la privatisation de la protection sociale devait pourtant selon eux favoriser l'expansion des services...
La situation des avocats est éclairante des conséquences d'une rupture du pacte solidaire à l'échelle d'une population qui assure en toute autonomie une mutualisation exemplaire. Comment s'étonner que cette corporation rejette la hausse des cotisations, la baisse des prestations et la captation de leurs réserves sous la promesse d'une intégration dans un système où les paramètres sortent du cadre connu pour un saut dans l'inconnu?
Il est donc temps de revenir aux fondamentaux. Si nous voulons à la fois assurer la perennité des engagements solidaires et la maîtrise des coûts de cette protection sociale, seules les conditions d'une mutualisation optimale le permettront! A travers lois, accords paritaires ou autres initiatives, cette mutualisation assurera le futur d'un modèle social français redistributif qui en fonde la singularité et la sécurité!
Ce retour n'est aucunement passéiste. L'innovation trouvera sa place dans une mutualisation responsable qui permettra aux initiatives de prévention, services et accompagnement d'apporter une amélioration parallèle du bien-être des assurés et des conditions économiques de gestion des régimes solidaires!
Quant à l'assurance ou à la finance, ces deux métiers y (re)trouveront une place irremplaçable autant que légitime : la couverture des risques majeurs (pandémies, catastrophes naturelles..) à travers la réassurance des engagements (le passif) pour l'assurance, la gestion optimisée et diversifiée (transition énergétique, développement responsable...) des réserves (l'actif) pour la finance!
Ayant appris le métier de l'assurance en adossement des engagements paritaires de protection sociale et en ayant mesuré les effets positifs et partagés, il me semble d'avenir de se détourner bien vite d'un dogme d'opposition entre marché et solidarité alors que les défis sociétaux et sociaux vont exiger d'ouvrir le passage de la croissance à la résilience! Persister dans une voie de déréglementation débridée à rebours des résultats constatés, des nouvelles capacités numériques et des attentes citoyennes s'apparente à la même logique que celle de la déforestation de l'Amazone quand le carbone menace d'axphyxier la planète!
Pierre Cellot
Wellness625