Le PLFSS 2020 : un projet de non financement
©AdobeStock / mario beauregard

Le PLFSS 2020 : un projet de non financement

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 avait tout pour assurer une bonne communication au Gouvernement. On nous annonçait notamment 500 millions pour le grand âge, le financement d’un parcours après un traitement du cancer, une réforme du reste-à-charge des patients à l’hôpital, dont le mécanisme reste aujourd’hui opaque et inégalitaire.

C’est donc avec une déception à la mesure de notre surprise que nous avons découvert un projet de non financement, constitué de micro-mesures, parfois sympathiques, mais très éloignées des enjeux auxquels les français sont confrontés et qui, au final, contribuent un peu plus à la paupérisation de la Sécurité sociale. Sur le champ de la santé et de l’accès aux soins, les patients comme les professionnels de santé n’y trouveront aucune réponse à leurs préoccupations.

 Un projet de non financement qui organise la paupérisation de la Sécurité sociale

Le PLFSS 2020 effectue un retour en arrière en affichant un déficit à hauteur de 5 milliards d’euros. Ce déficit tient pour près de 3 milliards à une décision prise l’année dernière : la suppression de la compensation intégrale des pertes de recettes de la Sécurité sociale au titre des mesures gouvernementales pour l’emploi ou le pouvoir d’achat. Cette décision était motivée par l’équilibre retrouvé du Régime Général. 

Un an après, les mesures décidées en réponse à la crise des « gilets jaunes » sont ainsi transférées à la Sécurité sociale. Ou comment passer de la « non compensation systématique » à la « systématique non compensation ». Il faut le déplorer.

Cette décision fragilise la Sécurité sociale et met le système de santé sous tension.

Elle ne respecte pas les efforts demandés depuis plus d’une décennie aux Français, avec des déremboursements, la création des franchises médicales et de nouvelles taxes, ainsi qu’aux structures sanitaires, sociales et médico-sociales et à leurs équipes. Or ce sont ces efforts qui avaient permis le retour à l’équilibre. 

En faisant ce choix, le Gouvernement referme sèchement le débat sur l’utilisation de la CRDS, une fois la dette sociale remboursée (initialement en 2024). Comment alors répondre aux besoins d’investissements que réclame la transformation de notre système de santé ? Comment apporter des réponses permettant de préparer l’arrivée de la génération du « baby boom » au grand âge, tant en ce qui concerne la situation des personnels que le coût pour les résidents d’un séjour en Ehpad ? 

La faiblesse du niveau de l’ONDAM prévu pour 2020, inférieur de moitié à la hausse tendancielle, impliquant un nouveau train de mesures d’économies de plus de 4,2 milliards d’euros l’an prochain, et le report sine die du remboursement de la dette sociale ne laissent aucun espoir aux acteurs. Le Gouvernement ne se donne pas les moyens d’engager concrètement la transformation qui figure pourtant au cœur de ses promesses sur la santé et qui avait été tellement bien modélisée dans le projet « ma santé 2022 ».

Une réforme du reste-à-charge hospitalier qui ne réforme presque pas... 

En matière de reste-à-charge, la réforme du « Reste à charge 0 » couvre bien l’optique, les soins dentaires et les audio-prothèses, objets de la réforme que la Mutualité Française a soutenue et dont elle est un acteur de la mise en œuvre. 

Reste aussi la dépense en cas d’hospitalisation. Elle est en forte croissance, en raison des dépassements d’honoraires mais surtout de l’augmentation du recours à la chambre particulière, de plus en plus imposée aux patients. Cette dépense est devenue aujourd’hui le premier poste de dépense des mutuelles. 

La raison en est simple : le reste-à-charge hospitalier est essentiellement calculé en fonction du nombre de nuits : tarif journalier de prestation et forfait hospitalier. Il n’est pas calculé au regard de la pathologie, ni des revenus par exemple. Pour les patients subissant un séjour long à l’hôpital, ce coût peut devenir considérable. Les retraités sont les premiers concernés.

Nous nous attendions à une réforme de cette dépense puisque le Conseil Constitutionnel avait fait part de son refus de nouvelles dérogations sur ce sujet alors même que le financement de la part payée par la Sécurité sociale est calculé depuis 15 ans par type de pathologie. 

Il n’en est rien. La « réforme » se contente de pérenniser un tarif journalier de prestation sur lequel est calculé le ticket modérateur. Il est simplement prévu de faire converger ce tarif vers un tarif national, évitant les abus les plus choquants. 

Un catalogue de micro-mesures davantage orientées vers l’esthétique de la tuyauterie que vers la réforme structurelle nécessaire pour moderniser notre offre de soins. 

Pour autant, la lecture attentive des mesures de ce PLFSS contient quelques bonnes dispositions. Souvent techniques et d’impact modéré, elles ne peuvent qu’être soutenues ! 

Par exemple en matière d’incitations à l’installation des professionnels de santé dans certaines zones déficitaires. Le PLFSS 2020 prévoit une mesure de simplification de l’existant pour le rendre plus efficace et plus lisible. Nous en prenons acte. Mais qui peut penser que c’est de cette manière que nous allons apporter une réponse satisfaisante aux habitants et aux élus de déserts médicaux ?

Nous approuvons aussi la réforme du financement des hôpitaux de proximité (article 24) ou de la psychiatrie, les dispositions sur la régulation des dispositifs médicaux, tout comme la prise en charge intégrale de la contraception pour les mineures. 

Et la rémunération des congés "proche aidant" constitue une véritable avancée dont nous nous réjouissons. Nous attendions toutefois d’autres annonces sur la question de l’autonomie tant les besoins sont importants et tant l’attente d’une réponse des pouvoirs publics est ancienne. Le rapport Libault, demandé par le Premier ministre, les avait évalués à près de 10 milliards. 

Dernière déception, l’instauration d’un forfait pour un parcours global post-traitement aigu du cancer. Une annonce de la ministre tellement attendue ! L’examen précis de la mesure douche cependant notre enthousiasme : il ne s’agit que de financer un bilan diététique et un bilan sur l’activité physique adaptée ... on est encore loin du parcours ! 

Les défis auxquels nos politiques de santé doivent répondre sont exigeants. Bien entendu, il ne s’agit pas de mettre toujours plus de financements dans un système qui ne se réformerait pas pour s’adapter aux besoins des patients, aux transitions démographique et épidémiologique. Mais il y a maintenant urgence à investir dans l’hôpital qui se dégrade, dans le décloisonnement du système, dans l’orientation des patients vers de véritables parcours, dans l’égalité d’accès aux soins sur les territoires et dans la pertinence des soins. Il y a urgence à développer un cadre pluri-annuel pour les acteurs et les établissements de santé qui doivent construire cette transformation dans la durée. Il y a urgence à passer du dire au faire.

Thierry Beaudet, président de la Mutualité Française


catherine CECCHI

Présidente GRSE Occitanie, Présidente SRSP Occitanie, Présidente SFSE, Administratrice SFSP, Membre Extérieur du Conseil Plenier Faculté Odontologie Montpellier, Enseignante Ensam Architecture et Santé

5 ans

Merci Monsieur Baudet pour votre magnifique analyse du PLFSS 2020 et ses conséquences sur notre système de santé. Tout va bien, pas de raison de se poser des questions, les français grognent ....et après On continue sans rien vouloir ni voir ni regarder sauf une question Comment être réélu ou rester en poste?

Alain RICCI

Président MAREXIAL Santé OA DPC - APSNA

5 ans

Le système est une nasse qui se rétrécit grâce aux progrès de productivité échelle mobile inversée qui ne peut être supportée que par conciliation prescripteurs / établissements dans notre contexte de demedicalisation depuis 1958 . Mais tout à commencé avec le budget global qui a stoppé le report positivé des PJ il faut se caler sur l’ENCC et gérer au moins le patient « habituel » et prendre en compte TOUS les soins ce qui n’est pas le cas faute de traçabilités

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Thierry Beaudet

Autres pages consultées

Explorer les sujets