Mystère, boule de gomme et budget de l'Etat

La contestation portée initialement par une partie des Français dans ce qu’il est convenu d’appeler la « révolte des gilets jaunes »* en est la plus récente expression : nous, citoyens français, a fortiori contribuables, nous ne savons plus où va l’argent public (Etat, collectivités territoriales, sécurité sociale, etc…). Nous ne savons plus à quoi sert cet argent que nous donnons à l'Etat, bon gré mal gré, pour faire fonctionner notre société. Nous ne savons plus, mais peut-être ne l’a-t-on jamais vraiment appris, ce que nous avons en échange de notre participation.

Nous avons oublié qu’il n’existe pas de corne d’abondance ; non, l’argent ne tombe pas du ciel. L’éducation, l’enseignement, la santé, la sécurité, la recherche, la mobilité, le logement, la culture, le travail, l’agriculture, l’industrie et tant d’autres secteurs qui touchent notre vie quotidienne, ne survivent, partiellement ou totalement, que grâce à l’argent récupéré par l’Etat et redistribué par lui. Le Ministère du travail débourse ainsi 32 millions d'euros pour venir en aide aux entreprises mises en difficulté par des samedis de blocage; qui d'autre est capable de le faire ? Et à qui est envoyée la facture ?

Qui saurait dire combien coûte réellement une visite chez le médecin généraliste ou un examen en hôpital ? Qui sait combien devrait coûter un déplacement en métro en en bus s’il n’était massivement subventionné par la puissance publique ? Qui peut dire comment il s’en sortirait sans les différentes allocations (dont le chômage) prévues par l’Etat et qui assurent encore un filet de sécurité à chacun ? Aurions-nous encore une industrie, une agriculture, des logements dits sociaux, et tant d’autres choses, si l’Etat n’y investissait pas année après année des sommes rondelettes ?

Il est temps de reprendre la pédagogie. Il est temps que l’Etat et les autres financeurs publics expliquent ce que coûtent et ce que rapportent chacune de leurs actions. Et il faut le répéter constamment, reprendre les bases. Comme à l’école. Il faut rendre visible chaque intervention financière. Il faut réexpliquer que la gratuité n’existe pas ; au bout de la chaîne, forcément, quelqu’un paye. Et ce quelqu’un, ce sont souvent les finances publiques. C’est-à-dire nous, collectivement, du moins en partie. On peut lire sur ce sujet le livre de Denis Guedj intitulé "La gratuité ne vaut plus rien".


Ce travail de communication, l’Etat n’arrive pas à le faire suffisamment, même si on note depuis quelques années une professionnalisation évidente de la démarche d’information. Notamment sur les réseaux sociaux. A la décharge de l’Etat, et à celle de celles et ceux qui y travaillent, c’est probablement le job en communication le plus compliqué du moment. Qui se heurte à la complexité de ce que sont les finances publiques, et des choix certainement douloureux qu'il faut faire lorsqu'on en a la charge.

Mais quand même ! Au détour d’une visite sur une page web de l’Etat consacrée au budget 2019, je lis ceci : « La suppression de certaines cotisations salariales, qui frappent seulement les salariés, pour les basculer sur la CSG qui s’applique à tous les revenus ont été supprimées, y compris les revenus du capital et les pensions ». Que faut-il comprendre exactement d'une phrase comme celle-ci ? Y a-t-il au bout du compte une suppression supprimée ou est-ce autre chose ? Mystère et boule de gomme…

Phrases alambiquées et syntaxe défaillante sont les deux mamelles de l’incompréhension. Sur un sujet aussi complexe, il serait temps, vraiment, de tout bien expliquer et, peut-être aussi, de chercher à être compris. 


*Je parle ici du mouvement d'origine; pas de ses enfants factieux.

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