N-D des Landes : tirons quelques leçons !
Au-delà de la polémique stérile et des déclarations politichiennes, la décision de l’État, annoncée Le 17 janvier, d'abandonner le projet de construction d'un aéroport sur le site de Notre-Dame des Landes donne l'occasion à tous les chefs de projet d'infrastructure, quelle que soit leur taille et le cadre institutionnel dans lequel ils interviennent, de faire un petit retour d'expérience.
Même si la critique aisée et l'art est difficile, nous assistons aux derniers développements d'une débâcle en rase campagne, comme l'action publique sait si bien les conduire.
Deux phases cruciales du processus qui préside à l'acte de construire n'ont manifestement pas fait l'objet d'une bonne gestion.
- L'expression de besoins ou comment pousser le client à se poser les bonnes questions.
Tout projet d'infrastructure commence par une expression de besoins et il est souvent difficile pour le client de l'exprimer en termes d'effet à obtenir, celui-là étant tenté, par facilité ou méconnaissance, d'avancer une solution, et non un besoin, vue chez le voisin ou vendue par le copain intéressé. Fréquemment cette solution ne convient pas parce qu'elle ne répond pas au besoin.
Il est donc nécessaire de procéder à quelque maïeutique, afin que le client accouche de ce besoin en termes simples : pourquoi ? Comment ? Qui ? Quand ? Où ? Cette phase du projet est essentielle, elle conditionne largement sa réussite. Dans le cas de NDDL, s'il apparaît aujourd'hui si simple de rayer d'un trait de plume un projet, dont les prémices remontent à des dizaines d'années, est-ce que cela ne signifie pas, justement, que le besoin n'était pas bien défini à l'origine ? Ou que ce projet avait été mis en œuvre pour répondre à plusieurs besoins divergents ? Dépayser l'aéroport du Grand Ouest ou accroître les capacité dudit aéroport ? Supprimer des nuisances ou les déplacer ? Aménagement du territoire ou luttes d'influence entre politiques locaux et nationaux ? Le but n'est pas là de refaire le match mais de profiter de l'aubaine pour tenter de tirer des règles non pas absolues mais généralement admises et qui ont fait la preuve de leur efficacité.
- Lancer une étude de faisabilité ou comment déterminer si le besoin peut rencontrer une solution viable.
Une fois le besoin défini en termes clairs, il convient d'identifier en première approche si une/des solutions peuvent y répondre de façon viable. En effet, inutile de se lancer dans un processus d'étude long et coûteux si le client ne peut se payer une solution répondant à son besoin. Est-ce que c'est faisable juridiquement ? Une petite analyse de risques ne fait jamais de mal. Techniquement tout est à peu près réalisable, il faut juste y mettre le prix et c'est souvent un facteur dirimant. Dans notre cas d'espèce, est-ce que cette étude a été conduite sérieusement ? En toute indépendance, c'est-à-dire sans mettre sous le tapis quelque élément gênant en espérant qu'il disparaîtra de lui-même ? Opposition locale structurée, facteurs environnementaux indépassables, absence de soutien politique national, etc. Les facteurs bloquants sont quelquefois techniques, mais pas toujours.
- Points d'arrêt + pilotage de projet = décisions de l'autorité légitime à chaque stade.
Un dernier point et non des moindres réside dans l'absolue nécessité de disposer d'un pilotage de projet robuste, armé d'une autorité légitime. En effet, comment passer d'une phase à l'autre si la phase précédente n'a pas fait l'objet d'une décision claire, précise et étayée, si elle ne souffre pas la contradiction et permet aux différents acteurs de connaître la voie à suivre pour la suite ? Comment conduire un projet de cette ampleur si le décideur ne peut pas ou ne veut renvoyer les « techos » à leurs chères études s'il estime ne pas avoir toutes les billes pour décider ?
C'est malheureusement un mal assez répandu que cette fuite en avant, guidée par quelque syndrome du « mon successeur traitera », qui conduit quelques beaux projets dans l'impasse, par défaut de pilote dans l'avion et de décision sévère mais juste au bon moment.
Ne soyons toutefois pas trop durs, il y aura moult occasions de se rattraper... Ou de faire pire !