Naming à la grecque

Naming à la grecque

Louis Pasteur a fait du naming. Pasteur est des nôtres ! L’information paraît farfelue mais il est bon de recruter d’illustres prédécesseurs. Tout le monde sait que son nom a donné naissance au verbe pasteuriser mais Pasteur a également créé un néologisme dont les ressorts sont très proches de nos méthodes.

En 1878, l’inventeur du vaccin contre la rage a décrété le mot « microbe » pour décrire les micro-organismes causant la fermentation qu’il venait de découvrir*. Le mot circule encore aujourd’hui car le succès d’une théorie est facilité et signé par le succès de son vocabulaire - d’après le socio-terminologue François Gaudin - tout comme le succès d’un produit ou d’une marque dépend de ce que son nom véhicule.

Les sciences ont toujours eu recours à la formation de mots savants à partir de références hellénistiques ou latines, notamment du grec, langue harmonieuse supposée plus proche de la Nature des choses et de la Création. Le naming commercial n’hésite pas à procéder de la même manière quand une essentialité est recherchée (Nike la victoire, Clio l’histoire ou Hermès les routes et le voyage…).

Les procédés de création de microbe ont trois objectifs communs avec le naming d’aujourd’hui.

1 Bien nommer pour impacter

Pour que l’objet soit connu, reconnu et appartienne à la culture commune, il lui faut deux véhicules, un nom et une image, l'équivalent d'un bloc-marques. Aujourd’hui même les projets et les prototypes méritent d’être nommés pour être spécifiés et inscrire plus facilement l’innovation dans le reporting et les conversations.

2 Utiliser des racines pour le sens et la crédibilité

« Microbe » est composé de micros et de bios. Bien souvent, la valeur d’une marque, d’un produit, d’un service se retient grâce au sens qu’il exprime intuitivement par un terme plein, par un fragment ou par une allusion. Sur des ressorts imaginaires structurels, la référence au savoir ou à la mythologie grecque assurent une dimension de permanence et de grandeur.

3 Composer avec stratégie

Le terme microbe n’existait pas en grec et il n’aurait certainement pas été composé de cette manière. La conception reste très française: les deux mots sont simplement juxtaposés (façon  « protosémantique »). L’association des deux termes est stratégiquement stylisée pour son appropriation par le français usuel. Pasteur ne l’a pas appelé microbio, ce que nous pourrions faire aujourd’hui pour un nom de gamme ou de produit (yaourt, gélules etc …).

Rétrospectivement, les grands hommes ne font pas que de grandes choses ou de grands discours : ils savent également faire du grand naming.

* sur proposition de Sédillot de l’Académie des Sciences


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