« Ne jamais rien lâcher ! » 🦘🥊

Si je vous dis « Caisse Primaire d’Assurance Maladie », qu’est-ce qu’il vous vient à l’esprit ? Service Public ? Administration ? Fonctionnaires ? 🤔

🔎 Les Caisses Primaires d’Assurance Maladie sont gérées par département, ce sont des entités privées (ce ne sont pas des administrations de fonctionnaires) et leurs objectifs sont fixés par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie qui dépend elle-même du ministère de la santé. Alors finalement, rien de surprenant à voir émerger une démarche d’innovation participative dans cette organisation.

🔎 Cette semaine challengeons nos croyances avec l’interview de Sandrine Larcher, Facilitatrice et Chargée de la démarche d’innovation participative interne de la CPAM des Yvelines.

A son lancement en 2015, quelles étaient l’intention et les enjeux de transformation de cette démarche d’innovation participative ?

"En 2015, nous avions une page blanche devant nous, l’ambition de départ était simple : libérer les énergies et s’appuyer sur toutes les forces vives pour faire émerger des idées au service de notre performance et de notre qualité de vie au travail. Le Directeur de la CPAM78 était directement le sponsor et demandeur que les idées partent du terrain, qu’un maximum de collaborateurs soient embarqués et deviennent acteurs proactifs de la performance de l’entreprise. Une véritable révolution managériale à l’époque avec pour leitmotiv : « c’est celui qui fait qui sait ! ». Il n’y a pas que la ligne managériale qui connait les options et les initiatives à prendre pour transformer le système de l’intérieur."

Comment a été reçue cette démarche ?

"Comme dans tout projet il y a ceux que vous n’avez pas besoin de convaincre, ils sont partants tout de suite. Puis il y a eu des personnes plus surprises, qui ne s’attendaient pas du tout à ce type de proposition. Elles n’avaient jamais été sollicitées pour s’exprimer sur les transformations à mener dans l’entreprise et se demandaient pourquoi nous venions leur demander leur avis.

Bien sûr il y a eu des réfractaires qui ont tout de suite répondu que cela n’était pas leur rôle. Enfin, il y a eu les collaborateurs plus neutres, ceux qui étaient davantage en observation. Clairement, la démarche ne s’est pas faite du jour au lendemain, j’ai passé une année à rencontrer nos collaborateurs sur chacun des vingt sites pour expliquer le projet, son intention, les objectifs."

A ce stade de démarrage, quelles étaient vos préoccupations ?

"Je dirais que c’était de :

• 📍 Donner du sens aux collaborateurs,
• 📍 Libérer la parole et créer un espace d’expression libre où chacun est légitime à s’exprimer,
• 📍 Rassurer toutes les strates managériales sur le fait qu’ils n’allaient pas perdre une partie de leur pouvoir, de leur activité.

Le sponsoring managérial par le Directeur a été un facteur clé de succès capital pour initier ce projet que nous avons baptisé collectivement IDNOV."

Concrètement, par quelles étapes êtes-vous passées pour casser les codes managériaux traditionnels et faire passer les collaborateurs d’une posture d’exécution à une posture de prise d’initiative a-hiérarchique ?

"Pour passer d’une posture de spectateur à une posture d’acteur dans l’entreprise nous avons respecté quelques règles.

1. Commencer petit : j’ai fait appel à des volontaires, je leur ai présenté le projet et nous nous sommes lancés à quelques-uns.
2. Être « open » : dès le départ, les ateliers étaient ouverts à tous, pour réfléchir sur comment démarrer ensemble (choix des sujets, format, …). Ces ateliers étaient parfois délocalisés et toujours en accord avec les managers.
3. Trouver des alliés : en faisant appel aux volontaires, nous avons commencé à créer un petit réseau de personnes moteurs prêtes à relayer le sujet sur le terrain (en plus de leur poste).
4. Faire un premier pas : un 1er appel à idée sur un sujet général qui parle à tous a été lancé (« moins de papier, plus de numérique »). Pendant 2 mois, les émulations d’idées ont impulsé la dynamique. A la fin des 6 premiers mois, la présentation au codir a permis de prendre la décision de passer de l’expérimentation à une démarche pérenne.
5. Pérenniser la démarche et passer en mode « run » : ce sont les collaborateurs qui ont co-décidé du nom de la démarche IDNOV. Au-delà des thématiques d’innovation participatives proposées, nous avions à cœur de permettre une innovation participative spontanée. La création d’une plateforme en ligne ouverte à tous, toute l’année a permis de passer ce cap. Elle a été développée en interne, donc sans coût supplémentaire pour l’entreprise. Nous avons fait le pari de miser sur les compétences et ressources internes pour prototyper notre propre outil d’idéation, à l’image de notre démarche d’innovation. Cela a permis de sortir une plateforme 100% sur-mesure qui a évolué au fil des années en fonction des retours des utilisateurs et de la maturité de l’entreprise en matière d’innovation.
6. Animer : au quotidien je fais vivre cette démarche en :

• 📍 Réalisant régulièrement des actions de communication,
• 📍 Lançant des challenges sur des thématiques ciblées,
• 📍 Participant au mois de l’innovation publique lancé chaque année par la Direction Interministérielle de la Transformation Publique (DITP),
• 📍 Organisant tous les ans en décembre nos propres trophées de l’innovation pour valoriser les collaborateurs et leurs meilleures innovations,
• 📍 Accompagnant les nouveaux embauchés,
• 📍 Animant une communauté de relais innovation sur le terrain.

Au quotidien, je manage les idées que je reçois, je vois avec les experts métiers pour les instruire et ensuite faire un retour aux émetteurs. Si besoin, je peux remonter les idées au CODIR. L’activité est très transverse.

En 2017, nous avons signé la charte de l’innovation participative d’Innov’Acteurs et l’association nous a décerné le trophée or de l’innovation participative, une victoire que nous avons fêtée collectivement."

Selon vous, qu’est-ce que l’innovation participative a apporté au sein de la CPAM 78 ?

"Quand on parle innovation, souvent on pense à Recherche et Développement, notamment d’un produit physique, tangible. Nous déployons beaucoup de services pour nos 3 publics (les assurés, les professionnels de santé, les employeurs).

Au début, il est nécessaire de faire preuve de beaucoup de pédagogie, je recevais beaucoup de demandes personnelles, de propositions liées très souvent à la qualité de vie au travail, les idées n’étaient pas toujours argumentées et les collaborateurs avaient peu l’habitude de se projeter dans une logique de « comment apporter de la performance pour nos clients ». A force d’explication, de communication, j’ai commencé à recevoir des idées liées à mieux servir nos clients et mieux fonctionner pour les satisfaire. Je reçois aussi beaucoup d’idées d’amélioration, des idées qui partent du terrain, car les collaborateurs sont les mieux placés pour faire évoluer eux-mêmes leurs procédures de travail.

Avec IDNOV les collaborateurs disposent d’une véritable porte d’entrée anonyme pour libérer la parole. L’entreprise y a gagné en liberté d’expression et d’utilisation des compétences, des idées et des ressources humaines."

Que conseilleriez-vous à ceux qui souhaitent lancer ou redynamiser une démarche d’innovation participative dans leur entreprise ?

• 💡 "Lancez-vous doucement en commençant petit avec quelques personnes et des objectifs raisonnables.
• 💡 Concentrez-vous sur l’humain, ne vous focalisez pas sur les moyens techniques. Nous avons commencé avec un simple tableau excel 😊.
• 💡 Accueillez les réticences et n’abordez pas les objections de manière frontale.
• 💡 Appuyez-vous sur les alliés que vous aurez embarqués et concentrez votre énergie pour convaincre celles et ceux qui sont dans une posture neutre.
• 💡 Incarnez les messages que vous portez. Les personnes en face de vous ne pourrons s’autoriser à faire différemment que s’ils vous voient faire de même. Commencez donc par appliquer à vous-même les principes que vous souhaitez porter.
• 💡 Si quelque chose ne fonctionne pas, dites-le et tirez-en les apprentissages pour faire différemment. Cela nécessite humilité et modestie.
• 💡 Développez une culture de la transparence en affichant ce qui a été retenu, mais aussi ce qui ne l’a pas été, car toutes les idées ne peuvent pas être mises en œuvre !
• 💡 Engagez-vous pour développer l’engagement de vos collaborateurs. A titre d’exemple, je m’engage à répondre à chaque personne qui dépose une idée et à lui faire un retour sur l’étude de faisabilité de leurs idées réalisée par les experts métiers. A ce jour nous avons 26% de taux de mise en œuvre des idées proposées par nos collaborateurs.

Dans cette expérience qui nécessite humilité, modestie, ténacité et capacité à rebondir, l’animal totem de Sandrine Larcher est le kangourou. Un animal doté d’une grande capacité d’adaptation et de souplesse.

Que nous apprend le kangourou ?

🦘 Rebondir : le kangourou sait s’adapter à un environnement peu accueillant, voire extrême. Ses bonds spectaculaires jusqu’à 3,5 m de haut et 13 m de long l’emmènent directement sur le podium des jeux olympiques ! La présence de cet animal permettra à votre organisation de rebondir dans la transformation managériale.

🦘 Stratège : son pire prédateur le dingo n’a qu’à bien se tenir, ses stratégies pour lui échapper sont de l’emmener dans l’eau et de lui faire boire la tasse jusqu’à la noyade ou de lui envoyer un méga coup de pattes. Envoyer lui les dingos qui vous tournent autour, il n’en fera qu’une bouchée.

🦘 Boxeur : il maitrise la savate comme personne dans le règne animal. Même les pires récalcitrants et autres saboteurs de l’innovation.

🔎 Le mot de la fin de Sandrine Larcher

"Une démarche d’innovation participative doit être animée pour ne pas retomber. Il ne faut jamais rien prendre pour acquis, car c’est long et difficile à mettre en place mais aussi très facile à déconstruire. Ma priorité, c’est de ne rien lâcher et de poursuivre les actions engagées avec un cap que je garde bien en tête, celui de la satisfaction de nos clients."

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