Non-élection au Conseil Fédéral de Mme. Rytz - une victoire pour les Verts sur le long terme

Non-élection au Conseil Fédéral de Mme. Rytz - une victoire pour les Verts sur le long terme

La non-élection d’une candidate des Verts au Conseil Fédéral le 11 décembre est la conséquence de deux erreurs de jugement de la part des Verts et de Mme. Rytz.

La première a été de faire preuve de présomption, de croire qu’il était possible de « tordre le bras » de l’Assemblée Fédérale. Proposer un ticket avec une seule candidate – qui de surcroit était très à gauche – était une erreur. Présenter sur la base des élections un ticket à un seul candidat très à gauche revenait à dire que la ligne de la présidente du parti représentait l’ensemble des gens ayant voté pour les listes des Verts lors des dernières élections. Or, la majorité des politologues, analystes et éditorialistes s’est accordée à dire que la « vague verte » était en partie liée à la présence (omniprésence) du thème dans l’actualité et les médias durant l’année électorale. L’augmentation du nombre de votants a pour corollaire une certaine hétérogénéité de l’électorat. L’élargissement de la base électorale des Verts a été rendue possible par l’arrivée d’électeurs moins « Fundis » que les piliers du parti. En présentant une « Fundi », le parti a perdu en partie le droit de revendiquer le siège au nom des élections fédérales. Pour s’en prévaloir, il aurait fallu offrir un ticket à deux, avec une seconde candidature plus au centre – plus acceptable par les Verts-Libéraux qui ont eux aussi enregistré une progression significative probablement en lien avec l’actualité des thèmes liés à l’écologie.

En faisant comme s’ils étaient seuls dépositaires des valeurs écologistes et en donnant trop peu place au dialogue avec les autres élus à sensibilité écologique, notamment aux Verts-Libéraux, les Verts se sont aliénés des soutiens qui ont fait défaut au décompte des votes. Un ticket à deux avec Mme. Thorens-Goumaz – féminine et latine – ou M. Hodgers – expérimenté à l’exécutif cantonal genevois et latin – aurait permis d’offrir un choix à l’assemblée fédérale. En n’offrant pas un choix à l’assemblée fédérale et qui plus est en alignant une seule candidate germanophone, citadine, bernoise et très marquée à gauche, les Verts se sont coupés de certains membres du parlement qui étaient ouverts à une candidature des Verts.

La seconde erreur est d’avoir confondu vitesse et précipitation. Si les Verts avaient attendu le prochain départ d’un conseiller fédéral pour se lancer dans la course au Conseil Fédéral, ils auraient pu mettre à profit le temps entre 2019 et la prochaine course au Conseil Fédéral pour discuter de la formule magique, pour tâter le terrain, pour chercher des alliances au-delà de la gauche et pour amener une proposition de renouvellement politique tout en respectant le « gentlemen agreement » selon lequel un Conseiller Fédéral sortant est réélu et remplacé lors de son départ en retraite. L’exception récente à cette règles qu’a été l’éviction de Mme. Metzler, bien qu’ayant marqué les esprits, reste une exception et a eu lieu au détriment de l’image du parti instigateur qui a vu les autres partis corriger le cap en ne réélisant pas M. Blocher. Il faut se garder d’en conclure que ceux qui ne montrent pas un grand respect pour les institutions – et en particulier les us et coutumes de la politique suisse – ne peuvent pas gagner. Cependant, c’est le second grand écueil auquel s’est heurté la candidature verte du 11 décembre.

Dans un état qui jouit de stabilité politique et d’une économie florissante, celui qui se lance à la conquête du pouvoir est en position de faiblesse, le doute profitant au sortant. Aussi, la candidature des Verts a-t-elle peut-être péché en cela que sans s’être heurtée à un obstacle insurmontable, elle a cumulé contre elle trop d’obstacles qui individuellement auraient été surmontables mais qui ensemble ont pesé trop lourd dans la balance – l’appartenance latine voir l’Italianita de M. Cassis, son bilan favorable, la prime au sortant, le respect des institutions, la présence d’une autre Bernoise au Conseil Fédéral, entre autres. Mais les deux aspects cités plus haut – le ticket unique présomptif et l’empressement – sont probablement de ceux qui ont bloqué la route à Mme. Rytz sur le chemin du Conseil Fédéral.

La non-élection de Mme. Rytz au Conseil Fédéral est cependant une bonne nouvelle pour les Verts. D’abord, elle permettra à une concertation d’avoir lieu pour le choix des candidats écologistes – des candidats tant il apparaît que le ticket à un candidat constitue une forme de chantage inacceptable pour l’Assemblée Fédérale. Lorsque la présidente du parti a annoncé elle-même sa candidature, une question a surgit : « S’agit-il d’une décision concertée ou d’un coup de folie autocratique de la présidente des Verts ? » 

Le temps de la concertation est venu. Et cette concertation avec les partis gouvernementaux amènera probablement à une refonte de la formule magique. Mais c’est bien connu, si les Suisses se lèvent tôt, ils se réveillent tard. Il faut laisser le temps au temps et l’urgence climatique – selon l’expression fétiche des médias – n’appelle pas pour autant à une urgence de la révision de la formule magique. Si prendre des mesures contre la fonte des glaciers est une urgence, la refonte de la formule magique peut attendre la prochaine démission au Conseil Fédéral.

Ensuite – et c’est probablement la meilleure nouvelle du 11 décembre pour les Verts – cet échec va permettre aux Verts de s’émanciper du parti Socialiste. Si Mme. Rytz avait été élu, elle l’aurait été avec le seul soutien du parti Socialiste, ce que les stratèges du parti Socialiste n’auraient pas manqué de lui rappeler plus souvent qu’à leur tour. L’attitude de M. Levrat à Forum le 10 décembre, paternaliste et condescendant avec les Verts, montre bien que pour la direction du parti Socialiste, les Verts sont encore et toujours un petit frère turbulent et inexpérimenté qui doit être guidé et protégé. Mme. Rytz aurait eu à subir les pressions du parti Socialiste. Elle aurait été un peu la section des Jeunesses Socialistes au Conseil Fédéral. Lors de la première session parlementaire après leur succès électoral, l’élection de Mme. Rytz aurait scellé le rapport de domination du parti Socialiste sur les Verts, puisqu’élue par eux. En perdant cette élection, les Verts ont gagné le droit de faire leurs preuves au parlement et – qui sait – de prendre à l’occasion position contre le parti Socialiste. De cette manière, ils pourront regarder le parti Socialiste les yeux dans les yeux, non pas comme un petit frère regarde son grand frère. Si le groupe des Verts sous la coupole s’émancipe de la tutelle bienveillante mais écrasante du parti Socialiste, alors l’entrée d’un ou d’une Verte au Conseil Fédéral pourra être discutée comme la conséquence politique à un changement structurel de la société s’inscrivant dans la durée et pas comme à une volonté du parti Socialiste d’élargir sa sphère d’influence en profitant du succès électoral ponctuel d’un parti inféodé.

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