Non-sens commun
Pour une éthique des contenus
Du plus petit tweet à l’inauguration des métavers, nous participons tous, d’une manière ou d’une autre, à la grande industrie du contenu. Or, celle-ci n’est plus encadré par une quelconque déontologie depuis qu’elle a quitté la prérogative d’un « métier » pour devenir une « pratique ». La notion même de « contenu », concomitante de l’univers numérique, est devenue une facilité de langage aux contours flous, pouvant désigner autant une œuvre littéraire que le déroulé d’un match de football, un post sur un réseau social ou un format éditorial innovant. Autant dire une abstraction. Et l’arrivée des IA génératives dans le paysage risque de compliquer encore l’affaire.
Les injonctions paradoxales : un non-sens commun
Il en résulte un univers disparate, mû par les intérêts individuels et conduit par des règles contradictoires qui agissent souvent contre nos propres intérêts. Le contenu n’est plus au service du sens, mais bien d’un non-sens qui brouille nos perceptions et déstabilise les structures même de nos sociétés. Le non-sens commun, c’est cet ensemble d’injonctions paradoxales dans lequel nous sommes profondément baignés, qui nous tiraille entre nos intérêts, nos envies et nos peurs.
Le contenu, que l’on prétendait « roi » s’est désormais mué en despote, à la solde des géants du numérique qui lui servent de propulseur, colportant ici et là son lot de fausses-nouvelles, de propos haineux, d’illusions et d’injonctions à interagir. Il était temps de chercher à délimiter des règles communes dans cet univers chaotique.
Le contenu : tout ce qui nous lie
« Non-sens commun » est un essai qui donne un éclairage nouveau à la critique de la société numérique en prenant comme point de départ le contenu, partant du principe qu'il constitue tout ce qui nous lie, mais aussi la partie visible de ses acteurs hégémoniques autant que leur point faible. Précisément parce que nous sommes encore susceptibles de le maîtriser par la nature de nos publications, de nos relais ou de nos interactions.
« Autrefois objet de la connaissance, le "contenu" est devenu le creuset du non-sens qui nécessite désormais une réflexion éthique. »
Par conséquent, une éthique des contenus constitue une porte d’entrée opérante vers un numérique responsable. A condition d’avoir une conscience éclairée des mécanismes qui les sous-tendent et auxquels nous sommes, pour le moment, soumis.
L'éthique des contenus : le fondement d'un numérique responsable
Cette réflexion cherche à mettre en œuvre des pratiques responsables auprès de l’incroyable écosystème qui s’est bâti sur l’empire du contenu : producteurs, diffuseurs, utilisateurs, législateurs qui partagent une responsabilité qu’il s’agit d’éclairer. Une éthique cherchant, comme le qualifiait le philosophe Paul Ricoeur, « la vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions justes ». L’individu, le collectif et l’environnement institutionnel. Trois piliers qui ne peuvent en aucun cas être pensés séparément.
Cet essai est organisé en deux parties distinctes :
Sommaire
1. Le contenu : mélange des genres
L’affaire Jayson Blair
De la déontologie à la responsabilité individuelle
Les contenus : deux visions du monde
Aux sources de l’éthique des contenus
2. Le Web : l’eldorado du contenu
L’illusion du repas gratuit
Power to the people
De la contribution à la polarisation
La démythification du numérique
L’ère de la repentance
Un monde performatif
Un espace de représentation
Une créativité à défendre
Réinstaurer la confiance
Content for good
3. Les guerres des contenus
Le contenu : roi ou despote ?
Le combat pour l’attention
La conquête du métavers
Les pièges du fake content
La bataille des communs
Le sang du Web
4. Les diffuseurs :
responsables mais pas coupables
D’infomédiaire à modérateur
Neutralité ou engagement : la guerre des postures
Recommandé par LinkedIn
De la difficulté de juger les contenus
Le spectre du boycott
5. Les producteurs de contenus : qui me parle ?
Petits mensonges entre amis
Confusion des genres
Le contenu : une pratique plus qu’un métier
Du bâtonnage à l’automatisation
Lutter contre la surcharge cognitive
6. Influenceurs : responsables à l’insu de leur plein gré
L’art de sortir du cadre
La fabrique de l’influence
Influence à céder
Les risques du design émotionnel
7. L’empreinte environnementale du contenu
La marée noire des contenus
Les excès d’un monde de commodité
Le piège de l’illimité
8. L’audience : les limites de l’horizontalité
Un public sous contraintes
L’information pour tous
Notre cerveau sous influence
Du pouvoir des foules à la cancel culture
Le débat en question
9. Welcome to the Jungle
Internet et résilience
La donnée partisane
Donner un cadre à ce qui n’en a pas
10. DIX propositions pour un contenu éthique
Règle n°1 : Mesurer sa dépendance
Règle n°2 : Ne pas construire dans le jardin d’un autre
Règle n3 : Mesurer sa légitimité et se taire quand on n’a rien à dire
Règle n4 : Savoir d’où on me parle
Règle n5 : De l’humain, de l’humain et encore de l’humain
Règle n6 : On se comprend
Règle n7 : Penser singularité et utilité
Règle n8 : Encadrer les influenceurs
Règle n9 : Penser écologie(s)
Règle n10 : Encadrer, maîtriser, sanctionner
Conclusion : tous responsables, tous coupables
Structured content and Medical device expert
1 ansJe comprends tellement, Pascal BERIA ! Mon titre en anglais est "Content Architect", et en français "Facilitatrice de l'information".