Norovirus et Astrovirus
Les gastro-entérites virales sont un véritable problème de santé publique mondiale avec plusieurs millions de cas chaque année. En France, les GEA représentent plus de 21 millions de cas par an avec notamment une épidémie hivernale (décembre-janvier). Elles sont responsables de 700 000 à 3,7 millions de consultations en médecine générale chaque hiver. Elles constituent ainsi dans les pays industrialisés, la deuxième cause de morbidité (après les infections respiratoires). Les Norovirus notamment sont impliqués dans :
- 90% des gastro-entérites dans le monde
- 80% des épidémies de gastro-entérite virale dans les EHPAD en France
Les Norovirus appartiennent à la famille des calicivirus, auparavant désignés sous le nom de «Norwalk-like virus». Les êtres humains mais aussi les animaux peuvent être contaminés par des calicivirus [4]. Parmi les calicivirus pathogènes humains, on distingue les norovirus et les sapovirus. Les norovirus sont dépourvus d’enveloppe et sont des virus à ARN monocaténaires. L’impact des calicivirus humains sur la santé humaine (fréquence et pathogénicité) n’a été reconnu qu’assez tardivement, entre autres parce qu’il est impossible de les reproduire par culture cellulaire. Avant que la biologie moléculaire ne fournisse des méthodes de détection, seuls des critères épidémiologiques (symptômes, dynamique épidémique, etc.) laissaient supposer la présence d’agents viraux [15,17–18].
Les astrovirus ont été décrits pour la première fois en 1975 par Madeley et Cosgrove [1]. Les données obtenues ont conduit à classer les astrovirus dans une nouvelle famille : les Astroviridæ [5] dont l'importance dans l'étiologie des gastro-entérites semble avoir été sous-estimée. À ce jour, 8 sérotypes d'astrovirus ont été décrits, le sérotype 1 étant de loin le plus répandu en Europe [6]. Le génome des astrovirus est composé d'un ARN simple brin. Contrairement aux rotavirus qui ont été largement étudiés, de nombreuses questions concernant la pathogénie et l'épidémiologie des astrovirus restent sans réponse et, parmi elles, l'implication des astrovirus dans la survenue des millions de cas annuels de gastro-entérites en France reste à évaluer de façon précise.
Les virus sont contractés par voie feco-orale Les particules du virus sont excrétées aussi bien dans les selles que dans les vomissures. Les vomissements en jets, typiques d’une infection à NV, s’accompagnent en outre d’une aérosolisation de virus (dissémination de fines gouttelettes dans l’air). Les NV sont ainsi transportés plus loin [1,4]. L’infectiosité est très élevée puisque 10-100 particules de virus suffisent pour produire une infection [13,30].
La transmission des norovirus et astrovirus de personne à personne est de loin la plus importante. En Angleterre, 85% des poussées épidémiques sont imputables à ce mode de transmission [21].
Les poussées épidémiques à NV dues aux aliments en Europe représentent de 10-17% du nombre total d’épidémies [21] : les Norovirus sont responsables de TIAC ( toxi-infections alimentaires communautaires) : ils se transmettent principalement via les aliments crus ou non réchauffés. Lors des poussées épidémiques à NV dues aux aliments, il s’est avéré qu’une personne malade en contact avec des denrées alimentaires se trouvait souvent à l’origine de la chaîne infectieuse [1]. Le contrôle d’huîtres achetées en Suisse a mis en évidence la présence de NV dans 8 échantillons sur 87 (9%).
La littérature spécialisée internationale fait état de nombreux cas de contamination par les réseaux de distribution d’eau. Ces accidents sont généralement causés par une infrastructure défaillante ou des pannes affectant les réseaux d’approvisionnement en eau potable ou les réseaux d’évacuation des eaux usées [19]. Deux études suisses qui ont mis en évidence la présence de fragments d’acide nucléique de NV dans des échantillons d’eau minérale ont connu un retentissement international.
Les contaminations environnementales par les NV sont la conséquence logique de l’excrétion de grandes quantités de virus dans les vomissures et les selles des personnes contaminées. Diverses études ont révélé que la contamination environnementale, conjuguée à la résistance élevée de l’agent pathogène aux influences environnementales, peut prolonger les épidémies en cours, ce qui les rend plus difficiles à contenir [14-15,22].
Les NV sont présents dans le monde entier et sont peu sensibles aux conditions environnementales. Ils résistent à des variations de température allant de –20 °C à +60 °C, à des concentrations de chlore relativement élevées (jusqu’à 10 ppm) et aux variations du pH [19]. On ne dispose toujours pas de données précises sur leur capacité de résistance à long terme. Une étude a montré qu’ils peuvent survivre jusqu’à 12 jours sur un tapis contaminé [20–21].
Récemment, lors du MUD Day de Nice( Juin 2015), plus de 1000 personnes ont été contaminées par le NV.
Les NV et AV sont spécifiques d’espèces : il n’y a pas de transmission de l’animal à l’homme.
Suite à la présence de personnes atteintes de NV dans une institution, l’infection se propage rapidement car l’infectiosité est élevée : grande quantité de virus excrétée par les malades et résistance élevée aux influences environnementales du virus. Le taux d’attaque dépasse les 50%
Les NV et AV ont une distribution mondiale. À l'instar des infections à rotavirus, des pics saisonniers ont été observés durant les mois d'hiver dans les régions tempérées [20] et durant la saison des pluies en climat tropical. Généralement, les NV et AV sont transmis par voie féco-orale, des particules du virus pouvant se trouver aussi bien dans les selles que dans les vomissures.
Les vomissements d’apparition brutale, typiques d’une infection à NV, contribuent à la dissémination aérienne des particules de virus. Les NV peuvent franchir des distances supérieures à celle séparant deux personnes en contact direct [2–3, 10]. L’infectiosité est très élevée, puisqu’il suffit de 10 à 100 particules de virus seulement pour produire une infection [3, 10, 19].
Les poussées massives d’infections à NV présentent un profil épidémiologique typique [17–18]:
• pas de détection possible de bactéries et de parasites pathogènes dans les échantillons de selles;
• apparition caractéristique de cas secondaires (ou tertiaires);
• vomissements chez plus de 50% des patients;
• davantage de patients souffrant de vomissements que de patients souffrant de fièvre;
• les adolescents souffrent davantage de vomissements que de diarrhées;
• les adultes souffrent davantage de diarrhées que de vomissements.
De plus, la forte évolutivité antigénique des NV procure une grande diversité génétique et donc une absence d’immunité à long terme.
L'incidence réelle des infections à astrovirus est difficile à évaluer car les symptômes des gastro-entérites à astrovirus sont généralement modérés et entraînent rarement une hospitalisation. Les astrovirus sont pathogènes essentiellement aux âges extrêmes de la vie et particulièrement, comme les rotavirus, chez l'enfant. Récemment, une étude montrait que 50 % des enfants de 5 à 12 mois avaient des anticorps anti-sérotype 1. Les mécanismes immunitaires des infections à astrovirus sont mal connus mais, l'immunité naturelle antisérotype 1 confère une protection croisée médiocre expliquant les cas d’infection à Astrovirus chez l’adulte par d’autres sérotypes. Des épidémies de gastro-entérite évoluant selon un mode biphasique ont été décrites en population gériatrique institutionnalisée ; un premier pic d'infection par un virus entérique type norovirus [31] ou rotavirus [32] est suivi à quelques jours d'intervalle par un second pic dû à un astrovirus de sérotype 1 avec des taux d'attaque élevés mais des symptômes plus modérés et de durée brève.
La phase symptomatique commence après une période d’incubation de 12 à 48 heures; elle se traduit en premier lieu par des vomissements (souvent d’apparition brutale) et une diarrhée parfois massive; elle s’accompagne fréquemment de douleurs abdominales avec crampes, de douleurs musculaires, de céphalées et, plus rarement, de fièvre [1, 8, 10]. Les vomissements, d’apparition brutale particulièrement, sont un symptôme typique des infections à NV [2]. Ces infections sont autolimitées et suivent généralement une évolution modérée chez les sujets immunocompétents [1]. La maladie dure en règle générale entre 12 et 72 heures [8, 10]. La constitution et l’état de santé de départ de la personne ne semblent pas avoir d’influence sur le risque de contracter la maladie ou sur son évolution [14]. Les personnes atteintes sont surtout contagieuses pendant la phase aiguë de la maladie et pendant au moins 2 à 3 jours après que les symptômes cliniques ont commencé à s’atténuer. Les NV peuvent être excrétés dans les selles jusqu’à 3 semaines (plusieurs mois chez l’immunodéprimé).
L’incubation est courte (1 à 4 jours). La maladie associe typiquement une diarrhée aqueuse modérée, des vomissements, de la fièvre et des douleurs abdominales. Les infections paucisymptomatiques ou asymptomatiques sont sans doute très fréquentes. La maladie guérit spontanément au bout de 4 jours. Ce tableau n’est pas cliniquement discernable de celui induit par d’autres virus (Rotavirus, Norovirus) bien que la symptomatologie soit généralement plus modérée.
Devant l’importance des épidémies de gastro-entérite hivernales, nous avons décidé de mettre en oeuvre un diagnostic rapide et spécifique des Norovirus et Astrovirus dans les selles par technique immunochromatographique. La sensibilité de 92% et la spécificité de 98%. Ces tests permettent de poser le diagnostic de gastro-entérite virale rapidement. En effet, la recherche s'effectue directement sur les selles apportées au laboratoire. L'analyse est pris en charge par la sécurité sociale, et le rendu des résultats s'effectue à J+1.
Il est important de noter que la place des virus dans les gastroentérites d’origine alimentaire ou hydrique est sous-estimée car ils sont rarement recherchés. En cas de suspicion de gastroentérite virale il convient de rechercher les virus les plus fréquemment impliqués : Norovirus, Astrovirus, Rotavirus et Adenovirus.
La méthode de référence, la RT-PCR, peut être pratiquée directement sur les selles. Elle est coûteuse ( HN 187 euros) et le délai de rendu est long (1 semaine), la rendant peu pratique dans les diagnostics d'épidémie.
Il est conseillé de dépister au moins 5 patients dans le cadre d’une épidémie de gastro-entérite.
La découverte d’un seul patient symptomatique positif pour Norovirus ou Astrovirus dans un contexte épidémique permet de conclure à une épidémie.
Le CNR des Norovirus (CH Dijon) peut établir un génogroupage et un génotypage en cas d’épidémie.
NB : En cas de diarrhées chez un patient sous antibiothérapie, ne pas oublier la recherche de C. difficile et ses toxines.
Il est essentiel de reconnaître toute poussée épidémique et d’y réagir rapidement. C’est là le seul moyen de circonscrire la maladie. Les taux d’attaque élevés représentent un grave danger pour le personnel et, par conséquent, pour sa capacité à préserver le bon fonctionnement d’un établissement pendant une épidémie. En Angleterre, au cours de l’hiver 2002, certaines divisions d’hôpitaux, voire des hôpitaux entiers ont dû fermer faute d’être parvenus à enrayer une poussée épidémique.
L’hospitalisation n’est nécessaire que dans des cas extrêmement rares. Pendant la phase aiguë de la maladie, il est recommandé aux personnes malades de s’isoler et d’éviter les contacts avec d’autres personnes. Le traitement est symptomatique et se limite en premier lieu à compenser la perte parfois importante de liquide et de sels minéraux [4]. Chez les adultes malades souffrant de diarrhée, la prise d’une quantité abondante de liquide tel qu’eau minérale, thé ou jus de fruit est suffisante tandis que chez les nourrissons et les enfants, une déshydratation importante devra être compensée par une solution de réhydratation orale (solution de glucose-électrolyte) en vente en pharmacie. Les antibiotiques sont sans effet et il n'existe actuellement aucun médicament antiviral spécifique [4]. Il n’existe pas non plus de vaccination actuellement. Pour plus d’informations sur les mesures de prévention, vous trouverez dans le lien ci-dessous, les préconisations du CCLIN.http://www.cclin-arlin.fr/nosopdf/doc10/0030356.pdf