Nos déchets, une "richesse"
Des emballages transformés en billes en plastique, des pneus en revêtement pour terrain de jeu, des textiles en isolants pour bâtiments,… Une revalorisation est souvent possible pour les matériaux qui ne partent pas en centre d’enfouissement ou à l’incinérateur. Les explications de Pierre Libes, le « monsieur propre » d’une communauté de communes située à l’est de Thionville, l’Arc Mosellan.
Le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas. Vœu pieux quand on sait qu’en moyenne, chaque Français génère 350 kg d’ordures ménagères par an (données ADEME). Un chiffre qui monte à 590 kg par an, si on inclut ce qui est apporté en déchetteries. Si des progrès ont été réalisés en matière de réduction des volumes, principalement grâce à la collecte sélective, il reste du pain sur la planche, en l’occurrence de la boite de conserve sur le tapis de tri ! « En 2004, un habitant de notre territoire « produisait » 332 kg de déchets ménagers résiduels, ceux collectés en ‘porte à porte’ dans les bacs bleus. En 2016, nous sommes à 265 kg », précise Pierre Libes, responsable du service « gestion et prévention des déchets », à l’Arc Mosellan, une EPCI regroupant 26 communes, à l’est de Thionville. « La proportion des déchets qui sont recyclés est d’environ 40 %. Les efforts entrepris doivent se poursuivre du côté des metteurs en marché, notamment les industriels qui fabriquent des emballages. Mais aussi par les habitants par leurs choix de consommation et le tri systématique ce qui est valorisable. »
Mais, révolution dans nos poubelles, depuis une quinzaine d’années, nos déchets sont devenus de véritables gisements de matières premières. Certains produits faisant l’objet d’un quasi « cracking » qui permet d’en extraire bon nombre composants appelés à connaître une seconde vie. Comme les appareils électro-ménagers, les ordinateurs, les smartphones qui vont générer ce qu’on appelle les DEEE, déchets d’équipements électriques et électroniques. De leur défunte carcasse seront extirpés des plastiques, des oxydes, du cuivre, du fer, de l’étain, du nickel et autre plomb. D’autres plus simplement, retourneront à leur « emploi » de base : le carton redonnera… du carton ! Qu’en est-il vraiment du devenir de nos rebuts ? Pierre Libes nous explique comment sont traités ou retraités nos résidus alimentaires, nos ampoules usagées, ou de nos vieux pulls.
Premier gros morceau du boulot de traitement des ordures - presque 60 % du total collectés dans le cas de l’Arc Mosellan - les déchets ménagers résiduels, donc non recyclables. « Pour notre EPCI, ceux-ci partent dans notre centre d’enfouissement situé sur le territoire, à Aboncourt, explique Pierre Libes. En France, ces déchets sont soit enfouis, soit incinérés. Sachant que l’Etat favorise l’incinération, avec des taxes davantage incitatives, car le procédé est jugé plus efficace. Toutefois, il n’y a pas de solutions miracle, les deux méthodes ayant chacune des impacts non négligeables sur l’environnement. »
Deuxième volet, la collecte sélective, toujours en porte à porte, celle dite des sacs transparents. Les habitants doivent y jeter emballages plastiques, flacons, cartonnettes (petits suremballages en cartons), briques, canettes, boites de conserve,… A noter que les premières filières de recyclage des emballages ont été créées en 1993. Le contenu des sacs transparents part dans des centres spécifiques qui opèrent par tri manuel, optique ou mécanique. Là, les emballages triés sont conditionnés en grosses balles et partent vers des usines de retraitement. Les plastiques sont transformés en microbilles, pour être retransformés en objets en plastique, les cartons partent dans des cartonneries, les boites de conserves redonnent des métaux. Les briques alimentaires, dont l’emballage est composé de plusieurs couches de matières premières, après séparation de ces couches, permet d’obtenir du papier toilette ou essuie-tout. « Pour L’Arc Mosellan, les camions qui chargent les sacs transparents partent à Fameck, précise Pierre Libes. De là, après « massification », ils partent dans un centre de tri à Epinal. Une grande partie des déchets recyclables de la région partent d’ailleurs dans les Vosges, où il existe bon nombre d’usines de retraitement. Comme à Laval-sur-Vologne pour les briques alimentaires, à Neufchâteau pour les plastiques, à Golbey, à l’usine Norske Skog, pour le papier. »
Troisième composante du traitement des déchets : les points d’apports volontaires, situés dans toutes les communes. Des conteneurs dédiés permettent de collecter papiers, journaux, verre, textiles. « Les papiers sont achetés par des usines spécialisées, au tarif moyen de 100 € la tonne. La collecte du verre est plus ancienne. Dans notre cas, celui-ci part dans les Vosges encore, à Girancourt-sur-Vraine. Cette filière nous permet de percevoir 34 € par tonne vendue. »
Les conteneurs « textile » sont du ressort d’Eco-Textile, ou le relais sur notre territoire de prestataires nationaux qui disposent d’antennes régionales. Les habitants peuvent y déposer vieux vêtements, linge de maison, maroquinerie (sacs, ceintures). Ces textiles partent soit en friperies (Emmaüs, Croix Rouge,…) ou sont revendus pour la fabrication de chiffons industriels ou de laine dite « Métisse », un isolant pour bâtiment similaire à la laine de verre.
Dernier point de chute de notre voyage au « pays des ordures », les déchetteries. Ces dernières permettent de collecter, dans des bennes dédiées, différents types de rebuts. Sur le territoire de l’Arc Mosellan, il en existe trois, réparties en fonction de la densité de population. Y sont jetés :
le « tout venant » ou « déchets enfouis », toujours non recyclables. « Malgré les efforts de sensibilisation, d’information, celui-ci représente encore 2000 t sur les 7400 t collectés par an dans nos trois déchetteries » note Pierre Libes. La benne prend donc la direction du centre d’enfouissement.
les gravats. Ils sont revalorisés en matériaux de remblai
les résidus végétaux, issus principalement de la tonte des gazons, de la taille des arbres. Ils partent dans les centres de compostage, les deux existants sur la communauté de communes.
le bois. Il est transformé en plaquettes pour le chauffage, ou en panneaux de bois compressés qui servent à la fabrication de meubles.
le mobilier. « Il s’agit d’une nouvelle collecte, mise en place en novembre dernier, explique Pierre Libes. Elle concerne tous types de meubles, quel que soit leur nature, plastique, bois, métal,.. Y sont inclus les matelas. Ils sont pris en charge dans différentes usines, en fonction de la matière première.
les pneumatiques : les usines où ils sont expédiés les broient et fabriquent, entre autres, des revêtements pour terrains de jeu.
l’électro-ménager : les appareils sont démantelés, dépollués, et les différents composants, plastiques, métaux circuits électroniques orientés dans différentes filières. C’est un éco-organisme, Eco-systèmes, qui gère ce type de retraitement.
les déchets dits dangereux : emballages souillés, aérosols, produits phytosanitaires, produits pâteux ou solides (colles, peintures, enduits), comburants, solvants liquides, batteries, filtres à huiles, produits indéterminés,…
les piles : elles sont prises en charge par un éco-organisme spécifique, Corépile, qui finance la collecte et le traitement.
les lampes, tubes fluo-compact (néons). Ils sont pris en charge par Recyclum, un éco-organisme qui assure le financement et la collecte. Les composants dangereux, mercure, poudre fluorescente, sont extraits et traités dans des circuits adaptés. De même que les circuits électroniques que l’on trouve dans les culots des ampoules. Matériau de base, le verre est également recyclé.
les huiles minérales : huiles de vidange, alimentaires. Elles sont revalorisés dans des carburants ou des lubrifiants.
« La logistique pour gérer tous ces flux est complexe, note Pierre Libes, en plus d’être un poste financier important, Notre service diffuse régulièrement des informations, éditent des plaquettes qui sont distribuées à tous les habitants de notre territoire. Nous intervenons dans les écoles, les collèges afin de sensibiliser les plus jeunes, déjà « consom’acteurs » d’aujourd’hui mais surtout de demain. Malgré tout, il subsiste pas mal d’erreurs d’aiguillage, allant jusqu’à des couche-culottes que l’on retrouve dans les sacs transparents. La proportion de déchets mal orientés est estimée à 15 % ».