Nos fausses croyances sur le développement durable
Ça vous est forcément arrivé: vous parlez de votre métier à des amis/famille et très vite vous vous rendez compte que 1. Ils s’en fichent, 2. Ils n’y comprennent rien, 3. Ils s’en fichent et n’y comprennent rien. Bon.
Moi mon métier c’est d’aider les entreprises à utiliser dans leur stratégie les Objectifs du Développement Durable autrement désignés ODD. Lorsque l’on me demande ce que je fais dans la vie, je commence donc toujours par un petit récap de ce que sont lesdits “ODD”. Force est de constater que la plupart des gens (tout âge, milieu confondus) ne les connaissent pas, mais plus préoccupant encore, ne comprennent que partiellement ce qu’est le développement durable (DD).
Récemment je me suis amusée à réaliser un mini-sondage auprès de quelques personnes avec la question suivante: quand je te dis développement durable tu penses à quoi en trois mots clés? Je réponds ici aux quatre fausses croyances exprimées dans leurs réponses.
“Le développement durable c’est l’écologie et les énergies renouvelables”
Oui mais pas que ! Une manière simple de définir le développement durable c’est de penser aux trois P: people, planet, profit/prosperity. C’est ce qu’on appelle la triple perspective ou triple bottom line concept développé par John Elkington en 1994. De manière plus institutionnelle, le développement durable est défini depuis 1989 par la capacité des générations actuelles à répondre à leurs besoins de développement sans mettre en danger la capacité des générations futures à répondre aux leurs.
Cette définition paraissant simple est pourtant issue d’un long processus de négociations et de discussions entre les pays membres de l’ONU. De 1972 avec la conférence de Stockholm à 2015 et l’Agenda 2030, les discussions des membres de l’ONU ont d’abord porté sur les limites de la croissance et l’impact du développement humain sur l’environnement pour ensuite dévier sur un ensemble d’objectifs à atteindre pour le millénaire. De 2000 à 2015 les Millenium Development Goals (MDG), en français les Objectifs du Millénaire pour le Développement (ou OMD) étaient nés. Puis, de 2015 et jusqu’à l’horizon 2030, les Sustainable Development Goals (SDG) ou Objectifs du Développement Durable (ODD) ont alors pris le relais.
Vous les avez peut-être déjà vu :
Le développement durable et les ODD vont donc bien au delà d’une perspective seulement “verte” du monde de demain. Certes l’environnement est une dimension majeure sans laquelle notre société ne peut exister MAIS il est important de bien saisir l’interdépendance entre nos actions, notre milieu et les moyens de notre développement.
Par exemple, dans une société de consommation, les entreprises ont un pouvoir d’influence considérable sur nos modes de vie. Pensez à toutes les actions que vous faites en une journée et qui sont directement reliées à un service ou un produit créés par une entreprise. Il semble même difficile de trouver des contre-exemples. Pensez désormais à ces actions que nous, consommateurs, menons au quotidien et à ce qu’il aura fallu pour les produire: matières premières, main d’oeuvre, ressources énergétiques, transport, etc. A chaque action d’un agent économique lambda est reliée une activité économique générée par une entreprise, elle même dépendante de ressources pour se développer et génératrice d’impacts (positifs/négatifs). C’est cela l’interdépendance qui caractérise le développement durable. Selon le prisme que l’on aborde (individuel, organisationnel) les exemples diffèrent mais la triple perspective permet d’avoir une vision holistique de notre méthode actuelle de développement.
Une image pour résumer la triple perspective :
Il devient donc évident qu’une entreprise qui s’engage pour le développement durable ait à considérer cette triple perspective pour pouvoir agir de façon cohérente. Selon son identité elle devra donc réfléchir à son action sociale, environnementale tout en étant capable de créer de la valeur.
“Le développement durable c’est les entreprises”
Je l’ai déjà mentionné : les entreprises influencent nos modes de vie. Elles sont aussi génératrices d’innovation et de valeur. Mais même les entreprises les plus performantes et les plus exemplaires ne peuvent évoluer dans un système fermé. Aussi, elles ne sont pas les seules à pouvoir impulser le changement: les gouvernements, les investisseurs, le monde académique, la société civile, les citoyens entrent également dans la ronde.
C’est une des raisons pour laquelle on parle du développement durable comme un changement systémique. Qui dit “système”, dit “interdépendance”, dit “complexité. Pour faciliter aux acteurs la navigation dans la résolution des défis actuels, les ODD entrent en jeu. Il faut également savoir que les ODD, qui sont au nombre de 17, viennent avec 169 cibles et 230 indicateurs pour mettre en place un plan d’action mesurable. Par ailleurs, l’idée de définir des Objectifs n’est pas anodine puisqu’elle permet de rendre le projet plus clair et donc plus réalisable dans l’esprit de ces participants, si bien qu’ils auront une vision long terme et donc un espoir et une envie de les réaliser.
Mais finalement, c’est quoi ce “système” qu’il faudrait absolument changer?
Ce sont tout simplement un ensemble de modes de fonctionnement dans des domaines clés qui génèrent des inégalités, de la pauvreté, de la pollution, et ne sont juste pas performants et durables.
Ces transformations couvrent six domaines clés de notre économie actuelle:
- L’éducation, la formation et l’emploi
- La santé et le bien-être
- L’énergie et l’industrie durable
- L’agriculture et l’exploitation des terres
- L’urbanisme durable
- La révolution numérique et la e-gouvernance
(nb: Je ne m’étendrai pas sur ces points, mais je suis ouverte à la discussion par la suite au besoin :)
En réalité s’intéresser au développement durable c’est être prêt à construire et reconstruire des systèmes interdépendants, durables sur le long terme et produisant une valeur ajoutée. Le développement durable est donc loin d’être cantonné uniquement au monde de l’économie et des entreprises même si il s’agit d’un élément central comme nous le rappelle la triple perspective.
“Le développement durable c’est du greenwashing”
Soyons francs, les entreprises qui abusent du DD pour redorer leur image tout en conservant des pratiques fort discutables, ça existe. MacDonald et ses fausses pailles en papier recyclables qui émettent plus de gaz à effet de serre que des pailles en plastique . Ou bien encore le fameux scandale des voitures Volkswagen pour ne citer qu’eux.
Donc oui, ça peut arriver. Le développement durable n’est pas un rempart contre les abus.
En réalité, il est plus souvent probable que les entreprises qui font du bien ne le communique pas. Non pas par volonté de dissimuler ce qu’elles font de bien (qui ferait ça?) mais bien par méconnaissance des retombées positives sur leur business. Parfois il peut s’agir d’actions dérisoires qu’il semblerait inutile de mentionner. Vous éteignez toutes les lumières du bureau la nuit ? Vous avez banni les gobelets en plastique ? Votre exécutif a adopté une no flight policy* ? Parlez-en !
Si vous êtes un entrepreneur, communiquez vos bonnes actions aussi ridicules (à vos yeux) qu’elles paraissent, vous pourrez en tirer plus de bienfaits pour votre image que vous ne le pensez !
Il vaut mieux communiquer vos tentatives et vos objectifs, bien que difficiles à atteindre, plutôt que de ne rien montrer. Aujourd’hui les entreprises pérennes sont celles qui démontrent qu’elles prennent cette transition durable à bras le corps, et non celles qui ne communiquent que sur leur succès, au risque que cela n’arrive jamais ou bien trop tard. Je me concentrerais sur les enjeux de la communication RSE dans un prochain article.
Le prix de la réputation
L’avantage de lutter contre le greenwashing c’est aussi, pour les entreprises, d’éviter les scandales médiatiques qui ont un impact direct sur les ventes. Au final, le greenwashing c’est comme pour la chirurgie esthétique, plus c’est mal fait, plus ça fait jaser.
Le phénomène est aussi vrai pour les autres types d’organisations mentionnées plus haut. Une proposition de réforme entraînant une grève qui paralyserait le pays donnerait une image négative/violente dudit pays et pourrait impacter le tourisme (toute ressemblance avec une situation réelle dans votre pays serait tout à fait fortuite). Une association caritative qui dévierait de sa mission présumée pourrait aussi se voir dissoute voir plus
Au final, s’engager pour le développement durable, garantit aux organisations de rendre des comptes à la société et à l’environnement. Le DD pousse à plus de transparence vis à vis des parties prenantes, de visibilité sur ses chaînes logistiques, bref appelle à plus de conscience de ses responsabilités.
“Le développement durable c’est du bullshit”
On aimerait que touuut cela n’existe pas et que l’on n’ait pas besoin d’en parler à tout bout de champ. Malheureusement, les faits sont de plus en plus prégnants. A l’heure où vous lisez ces lignes, le niveau de CO2 observé dans l’atmosphère n’a jamais été aussi élevé depuis 3 millions d’années. 60% des populations d’animaux ont disparu au cours des 40 dernières années. On estime à 250 millions le nombre de réfugiés climatique d’ici à 2050. Oui le changement doit s’opérer le plus vite possible. Mais, au delà de ces chiffres affolants, qui remettent clairement en considération notre modèle de consommation actuel, il faut savoir faire la part des choses: cette crise représente une formidable opportunités pour repenser notre modèle.
Entreprises, universités, gouvernements, société civile, citoyens, toutes les organisations sont appelées à co-construire des solutions à des échelles différentes.
Le développement durable ce n’est donc pas du bullshit. C’est bien un mouvement que je qualifie de pluridisciplinaire et démocratique et qui est en cours pour la préservation du développement économique qui bénéficie à toutes les communautés, dans le but de minimiser voire positiver l’impact de ces activités sur l’environnement. CQFD.
Formateur | Consultant | J’aide les entreprises et les organisations à bâtir un futur durable et à prospérer dans un monde façonné par l’innovation et la responsabilité.
7 moisNadia 👏
Directrice de la communication chez Mairie de Colombes
4 ansSuper article, fouillé et précis ! Merci d'avoir secoué mes idées reçues sur la question :)
Manager de Transition | Consultant | Entrepreneur
4 ansBel article Nadia !! Bonne route !
Product Designer B2B | User Research | End-to-End Product Design
4 ansPour initier un vrai dialogue sur le sujet, il faut effectivement aussi se pencher sur les idées reçues en matière de développement durable. Merci pour cet article, Nadia !