Notre argent est-il encore en sécurité dans une banque ?
Dans l’opération de sauvetage du CS, la Confédération, la BNS et le régulateur (Finma) ont pris une décision lourde de conséquences = sacrifier les obligations Tier 1, surnommées «CoCo bonds» pour «contingent convertible bonds».
Il s’agit de titres hybrides entre capital et dette, de meilleure qualité et qui prime les actions, une sorte d’hypothèque en premier rang. Les autorités ont donc annulé pour 17 milliards de ces obligations devenues caduques et sans valeur, ce pendant que les actionnaires furent privilégiés et conservaient encore 3 milliards en dépit du bon sens.
Car, dans un monde normal, c’est l’actionnaire qui est censé prendre tous les risques.
Immédiatement, pour ne pas troubler les porteurs de ces obligations, les autorités européennes ont affirmé qu’elles considéraient toujours, contrairement à la Finma, les CoCo bonds comme des titres hybrides entre capital et dettes. En toute logique et selon la règle = prioritaires par rapport aux actions en cas de liquidation.
Par ailleurs, la débâcle du Credit Suisse est riche d’enseignements sur la manière dont la solidité des banques est évaluée. Cette banque dépassait largement tous les ratios prudentiels exigés.
En premier lieu, le ratio de solvabilité Common Equity 1: c’est le rapport pondéré des risques entre les fonds propres (capital + réserves) et les actifs de la banque (position de marché, crédits aux entreprises…). Ce ratio – qui s’est durci entre les réglementations bancaires de Bâle I et Bâle III – fixe désormais le seuil limite à 10,6 % en Europe. Or, le Credit Suisse affichait un ratio bien supérieur de 14,1 % !
Le second critère étant le ratio de liquidité à court terme qui veille à ce qu’une la banque dispose d’un niveau adéquat d’actifs liquides de haute qualité à même d’être convertis en liquidité pour couvrir ses besoins sur une période de 30 jours, en cas de graves difficultés de financement. Ce ratio – qui doit être supérieur ou égal à 100 % - était de 150 % pour le CS !
Ce condensé me permet de revenir à la question: Notre argent est-il encore en sécurité dans une banque?
Selon moi, le problème crucial n’émane pas tant des banques qui doivent de toute façon être surveillées et canalisées.
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La préoccupation majeure est que nous constatons désormais une perte de repère de la part du régulateur comme de la part des banques centrales, tous deux censés être les gendarmes.
Au travers des agissements décrits ci-dessus, les autorités de régulation au plus haut niveau ont - sinon violé des lois - tout au moins perturbé de manière fort troublante la règle du jeu.
Une telle légèreté suscitera immanquablement des questionnements existentiels et légitimes parmi toute la chaîne, de l'investisseur à l'épargnant, car – après tout - si le phare ou le guide suprême que sont supposés être le régulateur et la banque centrale ne respectent eux-mêmes plus les règles du jeu, pourquoi être si exigeant envers le simple banquier à qui l’on demande juste de gagner de l’argent ?
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Il me semble que le problème du régulateur qui se fait acteur financier, est le même que celui de l'arbitre de football qui se met à taper dans le ballon. Non seulement les règles du jeu ont été violées; mais la transgression a été commise par celui-là même qui était censé les défendre. Le sentiment ressenti par les joueurs est profond, et il est amer. La nature de l'acte est donc pire qu'un mauvais jeu de la part d'un joueur; elle est une remise en question des règles du jeu du marché financier; et un jeu privé de règles stables remet en question a poursuite du jeu lui-même.